Chapitre 23 - Le Gotha Club
Après avoir aidé ma mère et Alma à nettoyer les poêles et la marmite, je me dirige à grands pas vers les escaliers lorsqu’un sifflement attire mon attention. Je me retourne puis je vois le visage de Matéo dans l’encadrement de la porte menant au garage. Je lui lance un regard interrogateur puisque visiblement, il ne veut pas être entendu. Il me fait des signes pour que je le rejoigne et je réduis à pas de loup la distance qui nous sépare.
- Regarde ce que j’ai, chuchote-t-il.
Je prends le carton coloré de ses mains pour l’observer. C’est un pass pour le carré VIP du Gotha Club. Cela ne m’étonne pas que mon parent conserve une invitation pour la boite de nuit la plus populaire de Cannes.
- Pourquoi tu fouilles dans les affaires de mon oncle ? je lui demande en fronçant les sourcils.
- J’ai trouvé ça près de la boite à outil, c’était sur le comptoir, se défend-t-il. Ce n’est pas ma faute s’il laisse trainer des trucs dans sa baraque.
Je secoue la tête en sachant où Matéo veut en venir.
- C’est notre dernière soirée ici, explique-t-il, ce serait cool de la rendre mémorable.
- Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, le carton est nominé donc même si on se présente avec on ne pourra pas rentrer
Matéo me regarde avec un sourire malicieux peint sur le visage.
- Tina, voyons ! Tu crois encore que je suis incapable de réfléchir, fait semblant de s’offusquer mon homme.
Je l’observe durant quelques secondes, assez de temps pour me rendre compte de notre proximité dans le couloir exigüe qui mène aux voitures de luxe. Mes joues commencent à rougir et lorsque Matéo s’en aperçoit il se met à ma hauteur.
- Met ta plus belle tenue pour aller danser ce soir et laisse-moi faire le reste, susurre-t-il avant de s’écarter.
J’acquiesce puis je monte dans ma chambre pour mettre la robe qui convient le mieux aux attentes de Matéo. Le choix est vite fait car je n’ai que trois robes et une seule s’accorde avec la soirée. Elle est couverte de paillettes dorées et dévoile les bras de la femme qui la porte.
Je prends soin de me maquiller et de coiffer comme une duchesse. Je sors du placard mon sac de soirée et mes talons aiguilles assortis à la robe. J’ai hésité la veille du départ à choisir des vêtements aussi chics mais finalement, je suis heureuse de mon choix car ils vont me servir pour cette ultime soirée à Cannes.
Après une heure de préparation, je descends enfin les marches en me tenant à la rampe pour éviter de faire une chute fatale. Je tombe sur Matéo qui fait les cents pas dans le salon. Lorsqu’il me voit arriver, son visage s’illumine et il entame les compliments avant que je n’aie le temps de prononcer un mot.
- Tu es sublime ! s’exclame-t-il émerveillé. Encore mieux que dans mes attentes les plus folles.
Je ne sais pas comment réagir face à cette pluie de gentillesse donc je ne fais que lui sourire franchement. Matéo aussi est classe, il porte une chemise blanche classique ainsi qu’un pantalon noir. Je remarque une montre de luxe à son poignet ; c’est celle que lui a offert sa mère pour ses dix-huit ans. Je sais qu’il ne l’a jamais quittée malgré toutes ces années passées.
- Eh bien ! s’écrit mon père en arrivant derrière moi. Elle est très chic votre soirée.
- Comme je vous l’ai expliqué, elle se passe dans un lieu fréquenté par des gens fortunés. Comme nous faisons partie de la même classe sociale, nous ne ferons pas tâche dans le paysage.
Matéo parle toujours avec conviction et n’hésite pas à faire jouer de son charme pour entrainer les gens dans son sens. Ça me fait mal de l’admettre mais c’est le seul trait de caractère qui le rattache à son père. Sauf que ce dernier fait tout pour écraser les autres sans pitié ; c’est l’une des rares choses que mon amoureux m’a racontée sur lui.
- Ne rentrez pas trop tard et faite attention, nous prévient ma mère en se postant près de son mari.
- Vous n’avez rien à craindre, Tina est en sécurité avec moi, rajoute-t-il avant de me faire signe de le suivre.
Nous marchons dans le couloir qui mène au garage et Matéo bondit dans la Ferrari.
- On devrait prendre une autre voiture, j’ai vraiment peur que celle-ci soit abimée, je lui fais part en restant postée devant le véhicule.
- Ton père a besoin de l’autre car il a prévu d’emmener nos mères boire un verre. Il m’a dit d’en choisir une dans le garage, explique Matéo en souriant de toutes ses dents.
Je secoue la tête en laissant échapper un « tu n’es pas croyable ». Je monte aux côtés de l’homme que j’aime puis celui-ci s’élance avec un hurlement de moteur dans l’allée.
Nous arrivons devant le club bien après vingt-deux heures. Beaucoup de personnes font la queue dans l’attente de pouvoir entrer dans le bâtiment. D’après ce que je vois à l’extérieur, cet endroit est digne d’accueillir les plus grandes fortunes.
Un voiturier m’ouvre la portière puis Matéo lui lance les clés avant de me tendre son bras. Tous les regards sont rivés dans notre direction et à ce moment-là je me demande si je n’ai pas un peu forcé sur le look.
Nous nous dirigeons droit sur l’imposant vigile et de légers frissons m’envahissent. D’un signe de la tête, il nous invite à entrer, nous évitant ainsi de passer par la foule amassée devant la porte.
Il n’y a peu de monde dans la somptueuse salle principale : la soirée vient juste de commencer. Matéo m’accompagne vers une porte où est inscrit « espace VIP » puis nous gravissons les escaliers. En haut, nous attend un second agent de sécurité qui nous demande de présenter le coupon d’abonnement.
- Votre identité ne correspond pas, commente-t-il par-dessus la musique qui n’est pas très forte pour le moment.
Je montre ma carte d’identité pour prouver mes liens de parenté.
- Je suis désolé mais ça ne va pas suffire, cet espace est strictement réservé, conclu-t-il d’un ton ferme.
Je me demande bien comment Matéo va pouvoir essayer de le convaincre. Il n’a pas le temps d’ouvrir la bouche qu’un homme un peu plus âgé que moi vient chuchoter à l’oreille du vigile.
Après quelques discrets échanges, ce dernier nous laisse passer d’un signe de la main. Le mystérieux homme nous sourie puis nous invite à le suivre. Matéo me retient par le bras en me lançant un regard désapprobateur.
Je ne l’écoute pas et continue de marcher dans les pas de l’inconnu. Il nous amène dans une pièce privée composée de canapés et d’un billard. Matéo referme la porte derrière lui et la musique s’estompe.
- Je me présente, commence l’homme avec assurance. Je suis Eliot de Rochefort et je suis heureux de faire découvrir cet endroit magique à de nouveaux arrivants.
J’ouvre la bouche pour me présenter mais Matéo s’avance vers le fauteuil où Eliot est assis avec agressivité.
- Pourquoi nous avoir laissé entrer ? Ne me faites pas croire que c’est par charité.
Eliot sourit et prend tous son temps pour répondre, ce qui énerve Matéo au plus haut point.
- Vous pouvez déjà être heureux d’être entrée, car une fortune ne suffit pas pour pénétrer dans la salle VIP, indique-t-il avant de siroter un peu de champagne.
Matéo lui lance un regarde tellement mauvais qu’Elliot se décide à parler.
- Je connais bien Simon de Folona, il travaille avec mon père puisqu’ils sont associés, révèle-t-il enfin d’un air détaché. Je vous ai laissé entrer quand le videur a prononcé le nom de Valentina de Folona parce que j’ai fait le rapprochement.
- Ce n’était pas compliqué à nous dire, grommelle Matéo.
- Asseyez-vous, nous incite Eliot sans faire attention à l’attitude agressive de Matéo.
- On préfère s’amuser dans notre coin, gronde mon homme avant de me prendre par le bras et m’amener hors de la salle.
Je vois que le carré VIP commence à se peupler et je peux reconnaitre certains acteurs de feuilletons français. C’est assez réjouissant de se dire que je partage ce lieu avec des gens connus.
Nous nous plantons au bar et le serveur vient nous tendre une carte des boissons. Je souris en voyant le prix des consommations. Je me rapproche de l’oreille de Matéo pour me moquer lui.
- Vu le prix des boissons, on aurait peut-être mieux fait de rester dehors, je lui crie par-dessus la musique.
Mon homme agrippe mon tabouret en velours puis se penche vers mon autre oreille.
- Chérie, qui a dit qu’on allait payer, susurre-t-il.
Il me fait un clin d’œil et je le regarde avec des yeux ronds.
- Ne fait rien qui puisse t’amener en prison, je le gronde.
- On n’est pas répertorié sur la liste des VIP personne ne saura qui nous sommes. Ici, ils déduisent l’addition du compte bancaire.
- Je ne sais pas si je dois dire que tu es fou ou malin, je soupire avant de reporter mon attention sur la carte.
Je préfère ne pas faire de folie et je prends un coca à huit euros. Je suis vraiment dégoutée de payer un coca aussi cher mais je suppose que c’est ce qui fait le chic de cet établissement.
Le serveur nous apporte nos verres dans un uniforme impeccable. Je bois quelques gorgées lorsque mon regard est attiré dans le fond. Elliot est en train de discuter avec un homme plus âgé tout en me jetant des coups d’œil. Je détourne aussitôt le regard. Même s’il nous a fait entrer, je trouve cet homme plutôt étrange et je ne veux pas me frotter à lui après le cinéma de Matéo.
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