Tisserand 6
- Pourquoi m’avoir frappée ? reprocha-t-elle ensuite, avec froideur.
- Tôa ôblier ta place. Donc je t’y remâts. Et tou vas t’excouser. Répâte.
Avec un air fielleux, il lui dicta quelque chose, accompagné d’une gestuelle précise. Docile, elle s’efforça de s’y plier. Ces mœurs étranges lui déplaisaient. Elle n’avait rien demandé, et n’attendait rien d’aucun d’entre eux. Sauf qu’ils l’assistent à partir. À force de répétitions, une part d’accent lui vint, ainsi que la gestuelle. L’accent demandait… des sons pour le moins draconiques et inhumains. Jamais elle ne se serait attendue à devoir descendre si bas dans les graves, ni à sentir les os de sa face vibrer.
La soumise accepta ses excuses sans donner l'impression d'y croire. La défenseuse gronda un long monologue, les écailles hérissées, hésitant entre Ombre et Ssdvenna'êk pour savoir qui foudroyer du regard. Quelques membres se désintéressèrent aussitôt pour échanger entre eux, tandis que la dragonienne monologuait toujours. Au bout de plusieurs minutes, Hênn-fia s'en mêla, ajoutant des imprécations à la longue liste en cours. Du moins, Ombre le supposait. Le traducteur la laissa dans le flou plusieurs minutes, avant de daigner résumer :
- Âles te râprochent d'âtre mauvaise dominante, et demâdent tôa ssssous St’iorvi.
- Ne l'ai-je pas vaincue ?
- Tôa môvaise dominante, tou descdend dans... hié... hiérarssss... hiérarchie. Sous çâlle... à qui... pas respect. Et tou...
Il mima ce qu'il tentait de traduire.
- Remonte.
- Rrremmonte... quand Isséri permet.
- Donc... tout le monde peut me donner des ordres ?
- Oui.
- Je n'ai jamais obéi aux humains, je vous souhaite bonne chance.
Ssdvenna'êk plissa le regard, puis coupa court aux véhémences d'Ia'kveh et de Hênn-fia. Ces dernières acquiescèrent, assez apaisées pour se taire, et St’iorvi la dévisagea, ébahie. La nouvelle soumise leur lança des regards froids. La discipline devait se maintenir par la force, et si ces dernières souhaitaient lui imposer quelque chose, elles tâteraient de son épée et de ses poings. Dès l’instant où Isséri s’exprima, un silence religieux se fit.
- Âle côfirme tô statout. Et veut nouvelles affaires pôr le clan.
Chacun savait quelles tâches effectuer, sauf Ombre. À tour de rôle, les Aniogar pénétraient dans la sorte de cave où ils entreposaient leurs affaires. Ombre découvrit des affaires de pêche, des filets dont les mailles furent vérifiées et renforcées une à une, des harpons en bois et en os, des outils de pierre et d’os pour la plupart, forgés dans de rares cas, mais aussi des armes et des armures. Le Doyen l’enjoigna à le rejoindre, et il lui montra comment réaliser une teinture. (trouver fabrication teinture fringues)
Le reste de la journée fut dédié à tout cela. Ombre releva que personne n’osait s’aventurer seul dans les marais, hors de la zone cendreuse. Au milieu de l’après-midi, elle vit son seigneur sortir de sa tente. Seul homme debout parmi des dragoniens assis ou accroupis, penchés sur leur ouvrage, il détonnait. Le clan entier s’interrompit dans sa tâche, pour surveiller l’humain en liberté. Bien conscient de la tension ambiante, Gérald prit soin de s’incliner bien bas devant chacun d’entre eux, au fur et à mesure de son avancée. Un concert de grondements nerveux répondit à cette initiative et le suivit le temps qu’il traverse le campement. La petite rousse voulut le rejoindre, mais le Doyen la tira par la hanche et la fit s’asseoir de force.
- Il se met en danger !
- Loui hors hiérarchie…
- Il compte comme un membre de ma famille, Ssdvenna’êk, siffla-t-elle.
Par les Ancêtres, sa place était auprès de son Seigneur, maintenant qu’il s’exposait comme cible de choix.
Annotations
Versions