Tisserand 7

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Ombre bondit sur ses pieds, mais fut aussitôt rassise de force.

- Tou resssstes, lui grogna le tisserand.

La nouvelle soumise s’arracha à sa poigne et réitéra son geste. Cela n’échappa pas à Gérald, qui interpella sa garde rapprochée :

- Ombre par les Vents, laisse-moi me débrouiller, bon sang ! Tu as tout pour faire ta vie ici !

Ssdvenna’êk lança un regard aigu à l’humain. Ce dernier soutint difficilement son regard inquisiteur, tête basse, et put s’en sortir dignement en clignant des paupières, sans baisser les yeux toutefois. Ombre comprit que leur altercation était écoutée de tous, les Aniogar ralentissaient leurs gestes en fixant leur tâche.

- Nous en discutons bien assez entre nous. Laissez-moi vous accompagner.

- Non.

- Non.

L’homme et le dragonien s’étaient exprimés ensemble, et se gardèrent en vue.

- Si vous le permettez…

- Fâ ce que tou veux ; l’interrompit Ssdvenna’êk ; sssi tou es battu, sss’est que tou a… fâ ârreur.

Gérald s’inclina, et poursuivit sa route jusqu’à la forêt, pour disparaître dans la végétation moussue. Le traducteur mit le clan au courant, tandis qu’Ombre angoissait. Elle refusait de perdre son seigneur, de le laisser prendre des risques. Mais l’accompagner équivaudrait à lui désobéir. Et le laisser seul à violer son serment de toujours le garder à l’écart du danger. Que deviendrait-elle, s’il disparaissait ?

Elle n’avait toujours existé que pour lui. S’agissait-il d’une trahison ? D’un abandon ? Dans un soupir, elle se ferma à ses ressentiments. Il n’avait pas le droit de lui faire ça. Pas son unique repère. D’une nouvelle inspiration, elle se concentra sur son ressentiment.

- Fâ veuhar commâ tou prépares un métiâ à tisssss…er.

Ombre s’absorba dans une tâche qu’elle avait maintes fois observée dans le passé. Elle savait que faire, de quelle manière, mais ses gestes manquaient d’agilité. Cela plut à son supérieur, qui lui montra avec plaisir ses astuces personnelles, avant de la guider de nouveau sur les teintures.

Le temps passa, la nuit ne tarderait pas, et son seigneur ne reparaissait pas. L’angoisse d’Ombre ne cessait de monter, de lui tordre l’estomac. Des Aniogar partirent à la chasse, elle craignit qu’ils ne ciblent son père. Ssdvenna’êk lui jura qu’ils ne le toucheraient pas, mais ne se donna pas la peine de traduire sa demande.

Isséri accompagna les chasseurs, laissant le champ libre à la gouvernance de Hênn-fia. Cette dernière quitta aussitôt ses mixtures médicinales pour parler longuement à la petite rousse. Dans sa grande générosité, le traducteur lui résumait les ordres.

- Âle veut que tou apprrrennes à parler… pôr t’éloigner de môa.

- Parce que tu es un violeur ?

- Ohi.

- Qu’en dit Isséri ?

De toute évidence, la question plut beaucoup au dragonien.

- Âle te lasse libre…

- Alors réponds-lui que je souhaite respecter la volonté d’Isséri. Et que je continuerais à agir comme bon me semble.

- Ôssviâk’ derlunh Isséri, serrboless kioss Hênn-fia.

La blonde parla vite, sourcils froncés. Les deux découvrirent peu à peu les crocs durant leur joute verbale. Leurs ongles s'allongèrent en griffes, leurs pupilles s'étirèrent verticalement. Pourtant, ils ne se battirent pas. Ils en restèrent aux mots grondés, postillonnés.

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