Echappatoire 1/6
De simples cordelettes dans le passage pour la plupart, invisibles dans la pénombre. Ombre avançait avec assurance, se fiant aux souvenirs de ses visions dans la journée.
Parvenue à hauteur de l’humain, elle chercha sa tête en suivant l’origine de la légère respiration de ce dernier. De sa main, la dragonienne quêta le souffle de l’homme, le caressa avec douceur comme la mère du mercenaire l’avait fait durant son enfance. Ce dernier se mit confortablement sur le dos. Ce contact semblait raviver ses souvenirs. L’espionne passa plusieurs fois la main sur cette gorge, s’assurant d’opérer ensuite un coup net et rapide. Sortit sa dague sans un son. Plaça deux doigts sur sa gorge. Puis la lui sectionna. Elle s’esquiva tandis que des vagues de sang giclaient, et que le mercenaire s’étouffait dans ce goûteux liquide.
L’odeur aiguisa l’appétit de la dragonienne, qui prit le temps d’essuyer son arme sur le drap du mort, et trouva la volonté s’éloigner. Elle partit vers la fenêtre la plus proche, afin de voir dans quel état se trouvait sa tenue. On ne pouvait que la soupçonner. Ombre retourna aux bains s’empresser de nettoyer son armure, puis tenta de s’aventurer dans le bureau de la duchesse. Isa n’était pas idiote, et bien avant d’y parvenir la petite rousse renonça à s’y infiltrer, rebutée par le nombre de gardes présents. Ceux-ci n’étaient pas des mercenaires. Toutefois, elle pouvait agrémenter son meurtre d’une fausse preuve pour incriminer un humain.
Ombre s’invita dans les quartiers de mercenaires, déroba une dague fort similaire à la sienne, vint la tremper dans le sang du cadavre, l’essuyer au même endroit que la sienne puis remettre son emprunt à sa place initiale. Quelques résiduts demeuraient présents, assez visibles pour un humain, assez odoriférants pour n’importe quel dragonien.
Satisfaite, elle retourna dormir, esquivant les patrouilles de mercenaires avec aisance, et ne rencontrant cette fois aucun mage.
Le lendemain matin, elle remarqua l’absence de ses comparses gardes rapprochés, prit son temps pour s’éveiller pleinement, s’habilla, puis partit avec son air béat interroger le premier venu. Le serviteur lui parla avec angoisse de l’assassinat entre bandes mercenaires rivales, en ce château même, outrepassant les accords signés avec la duchesse. L’humain angoissait, gesticulait, et tentait de convaincre Ombre que cet irrespect était catastrophique pour tous. Ces mercenaires étaient censés suppléer au manque de gardes locaux, et veiller à la sécurité de la duchesse et de ses biens plutôt que de sévir sur les routes.
Cela attira l’attention d’Ombre, qui voulut en savoir plus. Malheureusement, un mercenaire la reconnut à son épée de cuivre comme garde rapprochée du promis de la duchesse, et l’emmena se faire interroger par un gradé du duché.
Elle dut reconnaître un grand professionnalisme de la part de ce capitaine. Elle reconnut dans la pièce seulement éclairée d’une meurtrière, dont le rai lui piquait cruellement les yeux, l’odeur des gens de Xévastre, mais aussi de certains mercenaires.
En face d’Ombre, le capitaine vornien posait des questions ouvertes, auxquelles elle ne répondit que laconiquement, ou avec force gloussements interrogatifs. L’humain pressentit que cette attardée ne comprenait goutte à ce qu’il lui demandait. Il tenta sur la fin :
- Sais-tu s’il s’est passé quelque chose cette nuit ?
- Non monsieur.
- Et hier, s’est-il passé quelque chose ?
- Je ne sais pas monsieur, pourquoi ?
Il soupira discrètement, et lui posa de nouveau la première question qu’il lui avait posée :
- Sais-tu pourquoi tu es ici ?
- Vous m’avez dit que quelqu’un avait été trouvé avec un couteau dans le cou.
- Sais-tu ce que j’attends de toi ?
L’humain faisait montre d’une patience exemplaire. Il la regardait droit dans les yeux, à la recherche de la moindre faille, dans son comportement comme dans son intonation. Qu’il cherche. Ombre lui sourit avec béatitude. Ils se regardèrent dans le blanc de l’oeil plusieurs minutes, en silence. Finalement, il s’écria :
- Ramenez-la auprès de son seigneur ! Elle lui sera sûrement plus utile qu’à moi !
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