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- Que viens-tu faire ici, petit ?

- … Vivre…

- Mais encore ?

Le jeune Ssdvenna’êk hoqueta.

- Devenir un Aniogar, sœur.

- Tu sais que tu vivras en sans-terre ?

Il gémit une réponse positive. La honte liée à ce clan lui retombait dessus. Qu’avait-il fait pour mériter ça ? Était-ce pire que la mort ? Son frère lui avait demandé de devenir Aniogar, alors il devait le faire. Réfléchir plus serait une insubordination, et une injure à la hiérarchie familiale. Il accepta en silence. Isséri le relâcha, et lui tendit la main. Il se redressa sans prendre cette aide, tenta de retirer au moins un peu de boue et ne put que l’étaler. Dépité, il renonça à améliorer sa mise et serra la main de l’Aniogar.

Elle déploya une aile et l’étira au-dessus du nouveau venu, l’intégrant à son clan, puis elle l’amena auprès des quatre résidents de la plage partageant leur infortune. Elle le laissa se présenter, lui permit de ne pas annoncer la raison de sa mise au ban, le couvrit de nouveau de son aile et laissa son clan agrandi lier connaissance.

Des jours s’écoulèrent, Ssdvenna’êk put montrer son unique talent… la récolte d’herbes. Et encore se révéla-t-il inutile, comparé à deux sœurs cueilleuses. Complexé, il lui fallut trois semaines pour oser s’en ouvrir à Isséri. Il craignait tellement d’être chassé. Le Ssdvenna’êk présent suivit avec intérêt les réflexions de sa cheffe, surtout lorsqu’elle lui proposa d’apprendre à fabriquer des vêtements.

Du sable, elle fit émerger le métier à tisser qu’il maniait encore sept siècles plus tard. Puis elle prit grand plaisir à inculquer son savoir-faire dans le domaine à ce jeune dragonien qui revenait à la vie lorsqu’il créait quelque chose.

De l’extérieur, au fil des semaines, Ombre et les quatre Aniogar sous l’égide d’Isséri avant le nouveau venu remarquèrent les regards complices que lançait la cheffe à son dernier protégé. Et ce dernier y demeurait aveugle.

La faim ramena la dragonienne vers le présent. L’aurore ne saurait tarder, d’après ses estimations, aussi proposa-t-elle à son accompagnateur de se réveiller. Ce dernier, rayonnant, accepta. Puis à peine de retour au présent, il la saisit et la couvrit de baisers en ronronnant comme un sourd, tandis qu’elle restait figée par son froid mortifère habituel.

Le Tisserand

Malgré sa difficulté matinale à tout percevoir correctement, Ombre sentit que l’explosion de joie de Ssdvenna’êk indisposait la tente. Et qu’il s’agissait moins de ses effusions, que de son bonheur qui leur déplaisait. Les Aniogar ne lui souhaitaient aucune félicité. Conscient, il entraîna Ombre à l’extérieur en dansant et en martelant le sol, sans prêter attention au long soupir de sa guide du passé.

- Ouna siiiiir ! s’extasia-t-il une fois près du feu. Âle a âmé môa !

Ombre essuya un nouvel assaut de baisers sur le crâne, lui rappelant sa petite taille. Elle ne tenait pas encore debout seule, et virevolta contre son grès. Sans force pour protester, elle subit une tornade de tendresse qui l’aurait de toute façon pétrifiée. Son calvaire se stoppa d’un coup, lorsque sans prévenir Ssdvenna’êk la saisit sous les aisselles, la serra avec exultation contre son torse et posa le menton sur ses cheveux. De nouveau, il ronronna avec force. Le son était bien la seule chose agréable en cette froide matinée.

- Tou te rrrrends côpte, soupira le traducteur transcendé, oune sssiiiir â pou âmer môa. Je mâ sôviens… quand âle saveuâr… âle encôrrrr amôr.

De la chaleur se déplaça, et couvrit mieux la tête d’Ombre, tandis qu’elle ouït des écailles frotter contre ses cheveux. Elle grogna sans conviction, désireuse de toucher à nouveau le sol. Après un temps bien trop long, les ronronnements devinrent à peine audibles.

- Oune ssssoeeeeuuur peut m’âmer… soupira-t-il, incrédule. Mâlgré… Mârsssssi, Ôbre.

- Pourrais-tu me reposer au sol ?

Il obtempéra sans cesser de partager son bonheur. À peine sa liberté recouvrée, Ombre s’éloigna de quelques pas de lui, et attendit qu’il se calme pour lui demander ce qu’elle pouvait prendre pour le petit-déjeuner.

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