Pour ce que ça change 2/

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C'est à l'heure du zénith que la dénonciation tomba. Tout le château fut convié à un repas dans la salle commune, qui servait peu. Officiellement, il s'agissait d'offrir un dernier repas digne du rang de leurs nobles visiteurs avant leur départ. En sa qualité d'esclave personnelle, Ombre put dîner à la gauche de son seigneur, expédié à un angle de la table seigneuriale sur une estrade, orientée de manière à recevoir le plus de lumière à midi.

Les invités d'honneur entouraient le Comte. Venaient à sa gauche Dame Utiale au teint dangereusement cendreux, Bastian, Gérald et Ombre à gauche du côté du Baron Wulik, et à droite, suite au Duc Descombes venaient Xavier, Herbert et un conseiller tenu en haute estime par les fils Xévastre.

Le début du repas se déroula comme la plupart de ces évènements, dans l'effervescence du départ et le soulagement des étrangers de quitter ces lieux austères et froids. Avec son ouïe affutée, Ombre permit à son seigneur de suivre les conversations de la table, qui transmettait à Bastian. Ce dernier s'évertuait à manger léger, prétextant un manque d'appétit.

Aucun des convives ne s'inquiéta du silence de la Comtesse, à l'exception de son époux qui lui lançait parfois des regards inquiets. Elle n'écoutait pas, l'air perdue dans des pensées confuses. Ombre n'évoqua pas le sujet avec les fils d'Utiale. La dragonienne la dépréciait bien trop. Bastian et Gérald s'intéressaient aux deux étrangers, guettant un air coupable, un signe de culpabilité ou de duplicité. Rien ne transparaissait dans leur comportement.

Tout se déroula sans accroc, jusqu'à l'heure du dessert. Xavier se leva, et obtint par ce fait le silence à sa table.

  • Une rumeur m'est parvenue, ce matin.

Il prit le temps de détailler son auditoire, avant de poursuivre d'un air dégagé :

  • Des chevaux ont disparu de l'un de nos meilleurs élevages. Et un voleur a pu être capturé. Il a mentionné le nom de Descombes... votre nom, messire, si je ne m'abuse...
  • Prêteriez-vous foi à la calomnie énoncée par un homme désireux de sauver sa vie en jetant l'opprobre sur le premier nom auquel il pense ? s'offusqua le Duc.

Le Comte Thomas rétorqua en se penchant légèrement :

  • Je prête foi aux écrits de cette nature. Bastian, apportez-lui ce que nous avons trouvé.

L'interpelé se leva, et contourna la table d'une démarche digne. De sous son manteau apparut le document apporté par Ombre. Il présenta tout d'abord la preuve au Baron Wulik, qui blêmit en reconnaissant sa propre écriture, à une distance suffisante pour que ce dernier ne puisse détruire l'objet. Certain de son effet, Bastian confia à la vue du Duc la preuve indiscutable de sa forfaiture.

Digne de son rang, Descombes toisa le hobereau. Bastian lui répondit avec un sourire lupin. De sa main libre, il tapota sa dague.

  • Oseriez-vous me menacer ? cracha le Duc du bout des dents. Sur la seule foi de ce buvard ?
  • Je ne vous menace pas messire. Simplement, vous avez manifestement manqué à votre promesse de non-agression, violé le traité de paix inhérent à votre sujétion à la couronne en envoyant des mercenaires sur nos terres, comme le prouve ce document, vous attentez sciemment à nos biens et à nos hommes ! J'exige réparation, devant les Ancêtre.
  • Vous souhaitez l'Ordalie ? siffla le Baron.

Thomas répondit aussitôt :

  • Oui messires. Vous êtes libres de quitter ces terres avec la désapprobation de vos Ancêtres. Ou de défendre l'honneur de votre nom. Que ceux-là mêmes qui ont lié nos noms à des engagements que vous n'avez pas respecté décident que vous l'emportiez, vous lavant de cet outrage, ou ne vous désignent coupables. Auquel cas, vous répondrez de vos actes devant le Roi et les prêtres, comme l'ont décidés nos Ancêtres à tous. Le choix vous revient.

Les deux étrangers prirent le temps de la réflexion. Selon les lois, ils ne pouvaient se concerter. Leurs prochaines paroles devaient servir à donner leur décision. Le Duc se prononça au bout de trois minutes, temps que Bastian mit à profit pour ranger ses riches pelisses, montrant son armure de cuir et le riche fourreau d'une dague. Ombre savait qu'il s'agissait de sa dague rituelle pour le Culte des Vents, mais cela passait aisément pour une défense habituelle dans la noblesse.

La moustache du Baron Wulik ne cessait de s'agiter. Il devinait sans peine qu'il s'agissait d'un coup fourré et préparé. Il ne pouvait pas demander qui serait désigné comme champion. Pas sans risquer de jeter plus de déshonneur encore sur son nom. L'assemblée attendit sa décision dans un silence tendu.

  • Je défendrais l'honneur de mon nom, guidé par mes Ancêtres, trancha le Baron.

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