Pas si seule 3/
Des pas se firent entendre derrière eux, Ombre se dégagea de l'étreinte pourtant si bienvenue et bénéfique. Son père et tous les dragoniens flaireraient son odeur mêlée à celle de son seigneur. Son désir à lui et son désintérêt à elle. Quelque chose qui passerait sans peine pour de la naïveté.
Dans un soupir, il la libéra et prit encore le temps de la contempler. Lui aussi savait avoir laissé son odeur sur sa dragonienne. Il voulut la toucher encore et elle repoussa son geste avec calme. À quand leur prochain moment juste tous les deux ? Pas avant leur retour à Gué-des-Âtres hélas.
Ombre ouvrit la porte et la tint à son seigneur, comme tout esclave qui tient à la vie en ces lieux. Il partit à regrets, la laissant rejoindre les siens. Une impression étrange la prit à son retour, sans qu'elle ne parvienne à déterminer de quoi il s'agissait. Elle passa une seconde soirée auprès de son père.
La nuit venue, elle explora les dernières heures passées pour comprendre l'origine de son malaise. Ses pairs considéraient qu'en sus de ses tares, elle risquait d'amener le jeune Gérald à s'intéresser à des affaires qui ne le concernaient pas. Désabusée, elle ne s'en formalisa guère. Ils ne le connaissaient pas. Rassurée, elle partit observer des passés plus lointains, au gré de sa curiosité.
Pour une raison qui lui échappa, toute la violence des évènements récents lui tombèrent dessus au réveil. Pétrifiée aussi bien par le froid de son corps que les émotions, elle tarda à se lever, sans qu'Obtèr ne s'en inquiète.
Une fois émergée, en mesure d'agir de façon relativement normale, Ombre hésita. Devait-elle lui révéler la vérité ? La raison pour laquelle elle prenait du temps pour s'éveiller, la nature de son sommeil de plomb ? L'air soucieux de son père l'en dissuada. À tout hasard, elle l'enlaça. La chaleur d'Obtèr acheva de la réveiller.
Après un certain temps, il lui demanda ce qu'elle voulait faire pour occuper cette journée. Ils avaient encore une vingtaine de jours à passer ensemble, avant de rentrer chez eux. Après un temps de réflexion, le regard de la dragonienne tomba sur ses écailles brisées. Bien sûr, à cet instant, elle doutait que le meilleur entraînement aie pu l'aider. Mais pour l'avenir... Elle avait eu beaucoup de chance que le dragonien ne lui aie pas arraché la main. La prochaine pourrait lui coûter bien plus cher. Par association d'idées, la position et l'enchaînement qu'avait voulu lui inculquer Soif lui revint.
- Père, il y a quatre ans Soif a voulu me montrer quelque chose. Tu pourrais finir de m'apprendre ?
Il lui lança un regard hésitant, sourcils froncés. Pour toute réponse, elle fit de son mieux pour reprendre la pose de départ que le grand dominant lui avait montrée, quelques nuits durant.
Avec satusfaction, elle vit l'esprit du soldat analyser sa posture. Il lui demanda à voir tout l'enchaînement, plusieurs fois, au ralenti. Puis de recommencer. À la troisième fois, il entreprit de corriger sa posture avant de la laisser enchaîner. Bien vite, il comprit l'objectif de chaque élément et s'empressa de s'entraîner aussi. Faute de miroir, il ne put le faire dans les meilleurs conditions, mais cet élément les occupa une première journée, sans peine.
Jamais Ombre ne reçut autant de félicitations et d'encouragements de sa vie. En fin d'après-midi, elle obtint de son père l'un des plus beaux compliments :
- T'as tout pour exceller dis-moi. Ssseh... répète pas ce que je vais te dire, à personne. Les humains auraient pas leurs lois de merde interdisant aux femmes de se battre, ils pourraient compter sur une sacrée fine lame. T'as un potentiel en or. J'suis désolé de le voir que maintenant. T'sais, c'pas facile de savoir c'que tu sais faire... tu sais... vu que tu grandis vite...
Annotations
Versions