Pas si seule 4/

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  • Pour toi aussi je suis bizarre ? demanda Ombre.

Tout en s'exprimant, elle sentit que peu importait la réponse, cela remuerait bien des choses qu'elle préférait ignorer. Obtèr sentit que le sujet était sensible, et comprenait le besoin de son enfant de s'y confronter tout de même. Il prit le temps de réfléchir.

  • Je sais jamais si j'dois t'traiter comme une consoeur de seize ans, ou comme une humaine de seize. Tu sais on... grandit pas sur la même échelle de temps.

Elle acquiesça. Elle comprenait le dilemme. Son père se racla la gorge.

  • J'crois que si ton corps a seize ans humains, ta tête en a seize dragoniens. Et c'perturbant. T'es ma petite dans un corps d'ado, presque d'adulte. T'arrêtera bientôt d'grandir...

Il mima la hauteur, avant de se tapoter le front.

  • Et là j'sais pas comment t'vas changer. T'comprends, t'es pas foutue pareille que les autres, j'ai pas d'repères. J'sais pas de quoi t'parler, comment t'en parler... j'sais pas quoi t'montrer. Mais si ç'peut t'rassurer Ombre, tous les parents rament aussi. Z'ont juste moins d'questions à s'poser et peuvent s'imiter entre eux. Moi pas. 'fin voilà. T'es pas bizarre Ombre. T'es une sans-instinct qui grandit à vitesse humaine, y'en a eu d'autres et y'en aura d'autres comme toi. Sont plus rares, c'vrai, mais y z'existent.

Ne trouvant rien à ajouter, même en tentant de pousser ses réflexions, il ne trouva rien d'adapté pour une jeune dragonienne de seize ans. Alors il la prit dans ses bras et la berça. Son échange de la veille avec les leurs lui revint, il raffermit sa prise sur elle. Lui vivant, aucun des leurs ne représenterait de danger pour sa fille... du moins, aucun dragonien des territoires nordiques. Encore moins maintenant qu'il savait qu'elle pouvait développer de la valeur guerrière. Voilà quelque chose que les leurs comprendraient, qu'ils respecteraient.

Ombre profita de cet enlacement pour digérer ce qu'il lui avouait. Révéler la vérité la démangea encore. Pourtant, elle craignait les conséquences. Assujetti comme il l'était aux traditions dragoniennes, son père ne manquerait pas de révéler ses secrets aux leurs. Et ne pas en maîtriser les conséquences la bloquait. Alors elle fit ses révélations la tête contre le torse de son père, ses lèvres avouèrent sa vérité sans qu'on son ne s'en échappe. Puis elle le remercia de sa voix enfantine.

Le repas du midi leur fut apporté, sans qu'ils n'aient senti le temps passer. Désireuse de fuir encore les réminiscences, la petite rousse demanda à s'entraîner encore, son père en profita pour lui inculquer les bases de la lutte dragonienne, sans perdre de temps toutefois avec les gestes impliquant les griffes ou les ailes.

Au soir, quand les leurs revinrent, on leur signifia qu'ils puaient. Peu leur importait, ils avaient trouvé quelque chose à faire ensemble et apprenaient à se connaître. La fuite mentale d'Ombre et son ostracisation leur offrait un temps qu'ils n'avaient jamais pris.

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