Le Monde change. Je le sens dans le bruissement des feuilles, dans le chant des rivières, dans l'odeur de la terre. Voilà bientôt cent ans que j'arpente le pourtour de la Mer Intérieure, et jamais durant ce siècle l'équilibre fragile de la vie ne m'a paru si précaire. L'Empereur, le fils d'Isdar l'Unificateur, vient d'être assassiné. Un complot ourdi dans l'ombre par des forces qui, je le sens, intriguent dans l'obscurité pour un dessein bien plus effrayant.

Nous sommes en l'an 1501 Après l'Exode. Mon nom est Sayur. J'écris ces mémoires car je pense ma fin proche. En posant ces mots, j'espère que mon empreinte ne sombrera pas dans l'oubli quand l'heure sonnera. Alors que je sens poindre le crépuscule de mon existence, j'ai à peine atteint la moitié de l'espérance de vie de mes semblables : le peuple des Aldènes.

J'ai vu le jour en 1403, sur une île luxuriante aussi vaste que le monde des Hommes : Aldénor. La nature y est si dense que les rayons des deux soleils peinent à en percer la canopée, et caressent rarement l'humus. Du solstice de la Saison d'Or à celui de la Saison d'Argent, racines et feuilles ondulent avec quiétude, bercés par la brise, et abreuvés par trois fleuves cristallins. Aldénor ressemble à un croissant émoussé, scindé en son milieu par la plaine du fleuve Ald. De vieilles vallées placides strient les extrémités australes et boréales du croissant. Au Nord, le Pic des Serres dépasse des cîmes des arbres géants, unique blessure dans le tapis végétal ininterrompu.

Contrairement aux prétentieux Hommes, nous ne sommes pas très imposants. Un mètre soixante pour les plus chanceux d'entre nous. Seule la famille de Drald le patriarche de la caste Lorn est bénie de grande taille. Notre peau est très claire, presque grise, et nous portons tous les cheveux noirs, souvent longs, rarement raides.

Partout en Aldénor poussent les chaïadris, les arbres fruitiers qui nous offrent le Naadri, un fruit aux vertus de guérison et de puissance, que nous consommons depuis plus de mille ans. Ce fruit a peu à peu changé la couleur de nos yeux pour un jaune profond, presque lumineux, qui se ternit lorsque nous en sommes privés trop longtemps. Si personne ne se rappelle la teinte du regard des Aldènes des temps anciens, aujourd'hui, tous les iris sont cerclés d'or.

Je suis, ou plutôt j'étais, un membre de la caste des En'Chaï, qui occupent le Sud de l'Île d'Aldénor. Ma famille vit dans les racines pétrifiées des It'Chaï, les Arbres-Pierres.

Ma vie aurait pu ainsi s'écouler paisiblement, entre chasse et verdure, si je n'avais choisi pour mon pélerinage de franchir la Mer de Naarne qui nous sépare des Terres des Hommes.

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A venir :

Le Pèlerinage (Défi : Liens Familiaux)

La Grande Peste (Défi : Histoire)

Les Etrangers (Défi : Rêves et Secrets)

L'Apprenti (Défi : Liens Amicaux)