Une lueur d'espoir
Le soir venu, chassé d'un centre commercial tel une immondice, Victor était à la rue. C'était l'hiver et le froid devenait mordant malgré des vêtements chauds. L'homme toussa et cracha une glaire, puis il pesta d'une voix enrouée :
— Fichu rhume !
Chargé de son sac à dos, il déambulait lentement en frictionnant ses mains emmitouflées dans des gants de laine. Ses jambes engourdies avaient du mal à le traîner et ses pensés étaient pessimistes : « Cette nuit sera la dernière ...» . Tous les bâtiments étaient protégés contre les intrusions grâce à des interphones et des digicodes, un ennemi redoutable pour les plus démunis. Abattu, Victor s'affala contre la porte d'un immeuble. Envieux, il épiait les fenêtres éclairées du building d'en face. En imaginant la chaleur d'un radiateur et la douceur d'un matelas, son passé remontait à la surface. Attristé, il pleura, puis il ferma les yeux en tentant d'oublier cette vie. Seul, il broyait du noir, c'était malsain. Durant un instant Victor pensa à la mort, peut être qu'elle pourrait le libérer de ce monde malade ?
Alors qu'il avait perdu tout espoir, la porte s'ouvrit et Victor tomba à la renverse. En se redressant, il distingua un homme bien sapé qui articula :
— Pardon Monsieur, je ne vous ai pas vu. Ça va ? Vous êtes pas blessé ?
— J'vais bien... grogna Victor.
Après quelques secondes, le type en costard enchaîna :
— Ça caille ce soir ! Je vous laisse la porte ouverte, installez-vous dans le hall à l'étage, vous aurez plus chaud.
— Merci mon gars !
Le mec lui fit un clin d'œil avant de partir à vive allure, il devait être pressé.
Sans hésiter, Victor s'engouffra dans l'immeuble et il rassembla ses forces pour gravir les escaliers. Arrivé dans le hall, il déplia son sac de couchage et il s'installa dans un coin. Pour la première fois de la journée, il avait chaud. Quel bonheur ! Cerise sur le gâteau, l'éclairage des salles communes s'arrêta, et la nuit s'installa. Réconforté, il ferma les yeux pour trouver le sommeil.
Victor allait sombrer dans l'inconscience quand il fut pris d'une violente quinte de toux, épuisé, il subissait. À travers les couloirs le son résonnait, honteux, il avait peur d'être chassé. Ses craintes furent justifiées quand une porte s'ouvrit. La lumière s'alluma et des bruits de pas approchèrent. Une résidente arriva et en le voyant elle demanda :
— Hey vous allez bien ?
Embarrassé, Victor répondit négativement en secouant la tête. Gentiment, la dame continua :
— Vous avez faim ?
— Oui !
— Il me reste des pommes de terre, du pâté croûte et du fromage, ça vous va ?
— C'est parfait m'dame !
Avant de s'en aller la femme affirma :
— Je reviens !
Quelques minutes plus tard, elle arriva avec un plateau chargé de victuailles qu'elle confia à Victor :
— Je vous ai ajouté une petite coupelle de miel pour votre gorge.
Avant qu'elle parte, il la remercia chaleureusement puis il dévora goulûment le pâté croûte et les pommes de terre. Il n'oublia pas de boire le grand verre d'eau, puis il goûta le fromage avec du pain, ses papilles exaltaient. En dessert, il avait le droit à une pomme, sans hésiter, il croqua dedans à pleines dents.
Après ce repas inattendu, Victor était rassasié. Il s'allongea puis il laissa vagabonder ses pensées. Grâce à deux bienfaiteurs, elles étaient moins sombres et plus agréables. Surpris par tant de bonté, il se demandait s'ils étaient des sympathisants de Sadjo Bel ? Si c'est le cas, l'œuvre du magicien disparu aura perduré ! Heureux, il sombra dans un sommeil profond.
Baigné par la lueur du jour, Victor émergeait doucement. En ouvrant les yeux, il constata que le plateau avait disparu, à sa place il y a avait un sac en papier. Curieux, il jeta un coup d'œil à l'intérieur. Il y trouva une bouteille de lait, du pain, du chocolat, et une banane. Ému par tant de générosité, Victor pleura, puis il se régala. Quel bonheur de manger à sa faim ! Repu, il rangea ses affaires, et d'un pas sûr, il descendit les escaliers. Cette nuit restera à jamais gravée dans son esprit.
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