PROLOGUE - CH 1

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PROLOGUE

Etonnamment, cette histoire qui se déroule il y a fort longtemps, quelque part à cheval sur les VIIIème et IXème siècles essentiellement (et, en ce temps-là, on était souvent à cheval), cette histoire prend son origine (je crois) de nos jours et dans l’armoire de Jean ; justement, l’armoire dans laquelle il a découvert – entre autres – le Grimagine et un bracelet qu’il porte souvent au poignet. Je dis « entre autres » car, dans ce récit, on va voir qu’il y a trouvé encore autre chose.

Par ailleurs, il semble même que cette aventure ait commencé avant le début.

Si vous ne comprenez pas, poursuivez votre lecture.



CHAPITRE I

« Le présent n'existe pas. Ce n'est que l'expression du point de jonction entre le passé et le futur. »

(Jean)

Tout a commencé après-demain ; Jean s’en souvient comme si c’était hier :

Il est allé dans sa chambre pour récupérer le Grimagine dans l’armoire afin d’en lire quelques pages.

Il a allumé la lumière et, après avoir ouvert le battant du meuble, quelle n’a pas été sa surprise de constater que le gros ouvrage avait disparu de l’étagère sur laquelle il a coutume de le ranger ! Un étrange rouleau avait pris sa place. Pas un rouleau à pâtisserie ni un rouleau compresseur, mais un rouleau de... non, ça n’était pas du papier toilette, plutôt une sorte de parchemin. Oui, voilà, il s’agissait d’un parchemin qu’un fin cordon maintenait sous cette forme enroulée.

Il a récupéré l’objet pour aller l’inspecter dans le séjour.

Machinalement, il a remonté le volet qu’il avait oublié dans sa position nocturne au lever. Étrange ! La nuit était tombée. Certes sans faire de bruit, mais brutalement.

Immédiatement, Jean a eu des soupçons. Pour en avoir le coeur net, il a réveillé son ordinateur.

« Samedi 12 mars. J’en étais sûr ! s’est-il dit. J’ai droit à un saut dans le futur. Pas grave ! En attendant le retour du jeudi, comme dirait George Lucas, je vais examiner ce rouleau. »

Jean s’est assis à la grande table. Le soleil est revenu.

« Je crois que ça y est » s’est-il dit. « C’est bien ça ! » constate-t-il en jetant un nouveau coup d’oeil à l’ordinateur : jeudi 10 mars.

Jean dénoue le cordon du parchemin, sans réflexion préalable. C’est vrai, après tout, pourquoi devrait-il réfléchir ? Il est peu probable qu’il s’agisse d’un parchemin piégé ! Par ailleurs, Jean est suffisamment expérimenté en enroulage et déroulage : dans son adolescence, il pratiquait ce sport digital en utilisant les emballages papier des pailles à sodas comme échappatoire à la nervosité qui pouvait le gagner lors de conversations ennuyeuses ou stériles à la table d’un café, avec des copains ou une fille qu’il tentait de pécho.

À ce propos, je voudrais en profiter pour faire une courte digression : chaque génération voit sa jeunesse mettre un vocabulaire qui lui est propre à la mode ; mais, jusqu’à présent, les verbes néologiques appartenaient usuellement au premier groupe (un penchant naturel a utiliser les «er» et «é», toutefois pas toujours à bon escient à l’écrit). Or, nous voici là en présence d’un verbe inclassable dans les groupes traditionnels et pour lequel il conviendrait de créer un quatrième groupe. À moins qu’on ne le classe également dans le troisième, où l’on fourre déjà tout ceux qui n’entrent pas dans les deux premiers !

En outre, le verbe «pécho» ne s’utilise que sous les formes infinitive et participe passé. Pour le futur, on emploie la formule : «Je vais pécho», pour le présent c’est «Je suis en train de pécho» et, au passé, on dira «J’ai pécho». Ou : «J’ai pris un râteau».

Intéressant ! Non ? Bon. Revenons à Jean.

Celui-ci commence à dérouler le fameux parchemin – peut-être un palimpseste – qui ne semble pas dater de l’ère des Mayas contemplateurs du soleil, ni même des premiers pharaons qui faisaient tintin des cigares, contrairement à leurs épouses. Le rouleau s’étale donc sans se déliter, livrant divers mots manuscrits se lisant en tous sens. Enfin, se lisent pour la plupart à condition d’être expert en graphies anciennes. Ce que Jean n’est pas. Et j’en n’ai pas non plus, des connaissances en ce domaine. C’est à n’y rien comprendre.

Si : il arrive à déchiffrer une phrase : « Scripta volant, ciconia manent ». Cela lui rappelle vaguement un proverbe en latin dans lequel il n’est toutefois pas question de chicorée-café soluble... Peu importe, il en cherchera la signification plus tard. En attendant, il essaye de déchiffrer quelques autres éléments de texte. Il reconnaît, sans pour autant les comprendre, un graphisme gothique, dont il faudra percer le mystère avec l’aide d’un cousin germain, des idéogrammes faisant le poids des mots, une écriture cunéiforme dont les caractères à fentes évoquent une fine langue, bien introduite jadis.

Un nom évocateur accroche soudain son regard, compréhensible malgré la forme et la petite taille de ses caractères : Mulinhuson.

«Ça me rappelle quelque chose, se dit-il ; oui... c’est ça, c’est l’ancien nom de Mulhouse, l’endroit où s’est déroulée une partie de cette histoire de coupes forgées à partir du vase de Soissons avec ses 3 clous ! Et cette écriture... Je reconnais tout de suite ce style en pattes de mouche qui doit être l’oeuvre d’un scribe du Moyen-âge, constate-t-il avant de laisser vagabonder un instant ses pensées. «Pattes de mouche», un qualificatif qu’aimait employer sa maîtresse, celle qu’il a connue à l’âge de neuf ans. Jean n’était pas précoce, simplement, comme il fêtait son anniversaire en décembre, il n’avait pas encore dix ans révolus à son entrée au CM2 où elle enseignait. C’était une école de garçons ; Jean a vécu cette fin d’époque où l’on séparait les garçons des filles de peur qu’ils ne se reproduisent de façon incontrôlable, certainement. En ce temps-là, pas de jeux vidéos. Dans la cour, on jouait aux billes. Des billes multicolores en verre pour les plus aisés, des uni-terne en terre pour les autres tandis que les plus pauvres se contentaient de billevesées...

We don’t need no education...

La chanson de Pink Floyd, qui s’échappe soudain du téléphone, tire Jean de sa rêverie.

« Bon, je m’occuperai de ce parchemin plus tard », se dit-il en réenroulant le document avant d’aller le ranger dans l’armoire où il retrouve, non sans surprise, le Grimagine à sa place !

Mais il n’a pas le temps de se perdre en conjectures sur le sujet car le téléphone s’impatiente.

– Allô ?... Kimberley ?!... Je vais bien, et vous ?... Pour une interview ?... À propos du tome 5 ?... Pas de souci ; ici, quand vous voulez... OK. À tout à l’heure !

« Ah, tiens ! J’ai oublié de lui demander si c’est pour le blog ou bien pour un papier dans son canard, ‘La Plume d’Anlfion’ », songe Jean après avoir raccroché.

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