Il ne faut pas sous-estimer l'impact d'une omelette...
Je retourne à la cabane de Gérard, confus et affaibli. Barbe Noire a raison : je dois retrouver au plus vite le gardien ou je ne passerais pas la prochaine nuit. Je ne pense pas avoir la force de perdre encore une partie si importante de mon âme sans succomber. En gros, c’est une course contre la montre…
Soudain, mes narines sont chatouillées par une odeur alléchante. Sur le pas de la porte, je peux sentir les arômes de basilic, de romarin et même du bacon ! Gérard franchit la porte de la cuisine, tablier autour du cou, et pose une énorme omelette provençale sur la table. Je salive. Cependant, lui, me regarde d’un air penaud. En effet, il n’a mis qu’un seul couvert et je devine qu’il avait dans l’idée de déguster son plat à lui tout seul. Mon estomac émet alors un gargouillement particulièrement sonore. Dans mon état, un bon repas bien consistant me ferait vraiment du bien. Mon Gérard, le cœur sur la main, me fait un grand sourire. Un aller-retour à la cuisine et il revient avec une autre assiette, du pain, un peu de charcuterie et bien évidemment, du fromage. En quelques secondes, il transforme un plat de célibataire en repas de l’amitié, héritage du terroir. J’en suis tellement ému que sur mon visage coule une larme de reconnaissance.
Il me faut moins d’une minute pour avaler, que dire, engouffrer, trois tranches de sauciflard, la moitié de mon assiette et siffler deux verres de vin. Loin d’être étonné, Gérard en est ravi. Je pense que lui et moi avons beaucoup de points communs quant à l’importance de la bonne chère et du partage.
Et alors que mes deux besoins primordiaux, la bouffe et la picole, sont comblés, mon cerveau décide de recommencer à carburer. Je me repasse mentalement la scène avec le fantôme-pirate et un sentiment de désespoir commence à me saisir. Mais Gérard a dû voir ma mine baisser car il dit soudainement :
« Persée, ça n’a pas l’air d’aller. T’as des soucis ?
- Pour être honnête avec toi, Gérard, oui. Je dois absolument retrouver quelqu’un et je n’ai aucune idée comment.
- Habituellement, on commence à chercher quelque chose là où on pense l’avoir perdu, dit-il philosophiquement. »
Du génie ! Mon Gérard est un grand génie ! (remarquez la belle allitération) Le gardien était dans le cimetière donc c’est là que je dois commencer à le chercher ! D’ailleurs, je pense que le fossoyeur peut me mettre sur la piste :
« Dis-donc, Gérard, est-ce que tu as un gardien de nuit ou un habitué qui vient tous les soirs visiter ou te tenir compagnie ? »
Le fossoyeur réfléchit à ma question.
« Hum… Non, je ne pense pas. Il y a toujours des gens qui pensent que mon cimetière est ouvert la nuit mais à part à Halloween, je ferme tous les jours à 19h.
- Et dans ton entourage, personne n’a récemment disparu ou arrêté de donner des nouvelles ? continuai-je. »
C’est au tour de Gérard d’afficher une mine abattue.
« Non, personne à part Terreur… »
Une larme coule lentement le long de sa joue. La mention de son chat bien-aimé lui fend le cœur…
Le chat !!! Oui, Terreur ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ! Vous savez, c’est comme quand vous regardez un film : des fois, vous avez deviné le piège ou le dénouement depuis bien longtemps et vous vous demandez pourquoi le héros est toujours à chercher. Et bien c’est mon cas ! Je suis totalement passé à côté ! Le chat EST le gardien !
Je bondis hors de table, embrasse Gérard par surprise sur la joue, et sors de la cabane en trombe. Gérard en reste abasourdi. De mon côté, je cours à la clinique vétérinaire !
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