C’est à la fin de ce Grand bond qu’avait surgi l’Ange. Ceci explique l’intérêt des clercs pour la seconde singularité d’Uriel, d’autant que la puberté l’avait considérablement développée.

Une interrogation diffuse se répandit parmi ceux qui pouvaient approcher l’Envoyé : ce dard était-il porteur de divinité et, en être touché, vous transportait-il sur les chemins de l’extase ?

Un jeune moinillon, à peine plus âgé que l’Ange, encore peu au fait des arcanes de rencontre, proposa simplement à Uriel de jouer ensemble avec leurs attributs. Ce dernier avait accepté, devinant que, pour une fois, cela ne concernait pas Hector. Tancrède, le novice, fut transporté de façon tellement puissante, qu’il ne put en celer la cause en confession. Son directeur de conscience aurait bien voulu le réprimander de ne pas avoir laissé la priorité à ses maitres, mais comme le fautif avait acquis un statut de demi-ange, il l’absolut simplement.

Dire que Tancrède avait été transformé est faible, puisqu’il en souffrit pendant une semaine. Le martyre n’était pas loin, même si son espoir était d’approfondir cette relation quasi divine.

En attendant, une petite troupe se mit à faire le pied de grue devant les appartements d’Uriel, espérant être transpercé par ce doigt divin.

Ignorant tout des pratiques, Uriel s’était laissé facilement convertir, y trouvant une certaine jouissance et la joie innocente de la découverte.

Hector, qui avait trouvé un petit ruisseau dans le désert, était reparti dans ses recherches. Ce n’est que par hasard qu’il découvrit la nouvelle occupation de son ami. Il assista à quelques échanges, ne comprenant pas cette recherche de souffrance extrême qui paraissait les emporter. Cela lui déplaisait, sans qu’il puisse savoir pourquoi. La longueur de la file d’attente, multipliée par la durée, le tout divisé par 35 heures, produisait un résultat de plusieurs semaines.

Hector reprit ses expérimentations s, sans plus se soucier de ces choses. Rapidement, il ressentit l’abandon par son compagnon, lors des moments habituellement partagés. Il était également en permanence dérangé par des sollicitations de certains, croyant trouver chez lui un palliatif. Ce qui le décida à agir fut les cernes apparaissant sur le visage de son ami.

Pris d’une soudaine et vive colère, il ferma la porte d’Uriel et se mit comme gardien. Face aux protestations, il eut des mots que madame votre mère n’aurait pas tolérés dans son salon. Cette détermination, comportement inconnu par les concernés, désarma les velléités. Une bonne explication avec son ami acheva de le calmer.

Il découvrit que ces amusements divertissaient l'intéressé. C’est vrai que l’ennui les rongeait l’un et l’autre. Uriel aimait bien Tancrède. Ce dernier fut donc autorisé à reprendre ses visites. Un quantum journalier fut établi et, naturellement, Hector en devint le gestionnaire, libre arbitre d’une inscription ou d’un refus. Uriel lui fut reconnaissant de mettre un frein à cette activité, d’autant qu’ils pouvaient ainsi retrouver leur camaraderie de jeux.

Tenir ces listes, les prioriser ne présentait aucun intérêt. Heureusement que Tancrède l’aidait, décrivant chacun des demandeurs par quelques traits physiques ou de caractère. Totor retrouvait une espièglerie aussi fine que la sienne. De plus, le moinillon connaissait la hiérarchie officielle et celle, cachée, des accointances. Mettre la pagaille dans ce ronronnement par leur envie de profiter de la touche divine amusa beaucoup les deux larrons. Uriel participait à leurs fous rires, sans forcément comprendre les bons tours qu’ils venaient de jouer.

Totor acquit ainsi un pouvoir, inacceptable et insupportable, aux yeux de ces puissants. Ceci acheva de lui aliéner certains personnages, parmi les plus influents, qui pensèrent alors à la façon de se venger en éliminant ce gêneur inutile.