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Le concile virtuel se réunit à Rome, pour montrer l’ancrage immémorial du problème. Le SAS avait décidé de prendre les choses en main et évacué tout le charabia de Karl Lolorent. Ils avaient nommé Tancrède comme porte-parole, d’une part pour lui apprendre à fermer sa gueule en assumant ses idées, d’autre part parce qu’il présentait bien, et enfin parce qu’il y voyait un prodigieux moyen de promouvoir sa petite personne.
Même si beaucoup parmi les trois mille sept cent quatre-vingt-onze participants avaient déjà assisté à une apparition, il faut décider de faire un show extraordinaire, d’abord pour montrer leur savoir-faire et d’autre part pour bien exposer toutes les facettes de l’Envoyé, car il serait entièrement nu. C’était prendre un risque, mais c’était aussi affronter la question de face. Hector s’était fâché avec Tancrède sur ce sujet, se sentant toujours chargé de la protection d’Uriel. Ce dernier avoua que sa tenue, ou son absence de tenue, lui importait peu. D’abord, il n’avait jamais eu de pudeur et, ensuite, sa seule raison d’exister était de se montrer, peu importait comment. Hector se demanda si, finalement, tout ceci n’avait pas transformé son ami en bête de foire. Tancrède lui fit part de toute l’attention et prévention qu’il portait à Uriel. Ils se réconcilièrent, tous deux étant fondamentalement d’une bonne nature.
Les participants ignoraient la raison de cette réunion exceptionnelle, à part la présentation d’un nouveau projet, indication bien vague. Ils ne savaient pas non plus que cela serait précédé d’un spectacle éblouissant.
Pour la première fois, des danseuses apparaissaient, mélangées à des danseurs, dans des scènes où chacun et chacune pouvait retrouver ses gouts. Après cette mise en bouche, Uriel apparu dans les airs. Le dispositif avait été ultrasécurisé et les pitons changés, suite au premier incident, puisque c’était dans le même lieu. Le vol durait exceptionnellement longtemps, pour que chacun puisse apprécier toute la grâce et tous les côtés de l’Envoyé.
Tancrède jouait le commentateur et Hector le Monsieur Loyal. Hector, pendant les répétitions, avait beaucoup hésité : sa propre tenue, une courte tunique à bretelle, dénotait avec le naturel de son ami et principal personnage. Pour des raisons personnelles de pudeur, il rechignait à se montrer dans le même dénuement, tout en craignant de passer au second plan. Pour ne pas être en reste, avait opté pour se présenter au début en petite tunique et son abandon d’un geste à l’extinction des lumières.
La vision du phénomène plongea cette assemblée dans des sentiments très disparates. Les femmes, à égalité en nombre dans cette prêtrise, s’occupaient entre-elles, les deux faces du clergé n’ayant aucune attirance à se mélanger. Si, donc, pour une moitié, cet organe était un point central, pour une autre moitié, il était un repoussoir total, une vision d’enfer. La troisième moitié, minoritaire, se montrait indifférente, non concernée par ces choses. La présentation plongea la deuxième moitié dans l’horreur et l’interrogation : jamais elles n’avaient imaginé un tel démon, ce qui le rendait intéressant. Pour la plupart, elles en ignoraient tout, et donc cet organe servait de projection à toutes sortes de phantasmes. Aucune ne resta donc indifférente ; chacune ayant un avis différent, un accord fut négocié : ce machin n’était pas leur problème et, à partir du moment où il ne favorisait pas un de leurs courants, elles s’en tapaient le clito. Au moins, c’était clair !
La première épreuve étant passée, la seconde s’ouvrait : faire accepter le nouveau logo ! Il y avait un risque de schisme, car les créateurs et défendeurs l’avaient non seulement adopté, mais s’affirmaient prêts à tout pour le garder.
Pour amadouer celles que ce symbole aurait pu repousser ou choquer, ce fut présenté comme l’adjonction de courbes, si représentatives de la féminité. Contre toute attente et toute crainte, ce fut à l’unanimité moins une voix que le tournant fut pris. Le représentant des Congolais du Groenland s’était trompé de touche.
Le spectacle se termina par une standing ovation, le SAS félicité abondamment, au travers de son représentant, dont l’ego gonfla démesurément. Hector et Uriel revinrent saluer une vingtaine de fois, avant que l’assemblée se sépare, les larmes plein les yeux.
Bien entendu, le retentissement de cette réunion et de ce changement fut habilement géré. Notamment, les images interdites de cette assemblée secrète furent soigneusement choisies, avant de saturer les réseaux. C’est ce nouveau show qui fut présenté, arrachant des cris de transe aux foules en délire, qui réclamaient ce spectacle d’espoir redonnant de la vigueur aux hommes et de l’espoir aux femmes.
Uriel adorait de plus en plus les acclamations, trouvant du plaisir à cabotiner. Hector avait du mal avec cette utilisation de son ami, jusqu’au jour, survenu très rapidement, où il remarqua le regard des jeunes filles aux premiers rangs. Si la plupart ne quittaient pas l’Ange des yeux, exhibant sa nudité, il constata que, lui non plus, n’était pas dénué de succès. Il ne savait pas bien ce qu’il lisait dans ces écarquillements, sinon une admiration qui le flattait. Bien qu’ils soient normalement inapprochables, il réussit quelques rencontres dont les débordements lui permirent de découvrir la vie et des pratiques tout à fait différentes de celles auxquelles il avait assisté jusqu’à présent. Prodigués avec la fougue de la jeunesse, mâtinée de l’ivresse d’être dans le lit d’une star, Hector apprécia énormément ces jeux sans limites, dans lesquels il addicta comme peut le faire un novice.
Uriel assurait toujours un service divin, parcimonieux, maintenant sous le contrôle de Tancrède. Eux-mêmes avaient transformé cette relation en une amitié forte, plus dans la tendresse que les sensations physiques. Pour Uriel, démuni de ces sacrements jusqu’à sa rencontre avec Hector, c’était simplement un monde merveilleux.
Son affection pour Hector, son premier sauveur, perdurait et régulièrement, ils se retrouvaient pour être simplement ensemble. Tancrède savait s’effacer dans ces occasions.
C’est en cherchant à retrouver son Totor qu’Uriel se rendit compte qu’il n’était plus disponible, entouré en permanence d’une nuée de sauterelles jacassantes, se disputant le jeune mâle.
Uriel, avec sa délicatesse habituelle, fonça dans le tas, pour arriver à rejoindre son ami. Sa nature d’Envoyé avait écarté les flots dans un respect silencieux.
Après avoir éjecté brutalement la dernière qui s’agrippait à Hector, il referma la porte. Le Servant mit un peu de temps à atterrir et comprendre le désarroi de son copain. Ils se retrouvèrent et Hector expliqua longtemps ses dérives et le plaisir qu’il y trouvait. Curieux, Uriel ouvrit la porte et saisit la première groupie qui se tenait derrière, l’oreille collée à la serrure.
Devant les deux plus beaux et célèbres gosses de l’Univers, elle se pâma. Trop heureuse de servir d’initiatrice, elle se livra à Uriel, qui suivait pas à pas les conseils d’Hector. La fille faillit s’évanouir sous l’impact de l’Ange, ne pouvant imaginer la force du phénomène. En y réfléchissant a posteriori, elle se dit qu’avoir été transportée au douzième ciel n’était pas étonnant pour une prestation divine.
Sa tête, en sortant, émula les envies chez ses concurrentes moins heureuses. Pendant ce temps, les deux garçons débriefaient. Finalement, avoua Uriel, cette pratique était aussi agréable que celles dont il avait l’habitude.
S’étant retrouvés dans leur complicité, les deux copains reprirent ce qu’ils adoraient faire ensemble : se goinfrer de sucreries en regardant des séries !
À son tour, il plongea dans des activités annexes, délaissant Tancrède qui ne tarda pas à s’en plaindre. Uriel, ne pouvant connecter plus de deux neurones, lui expliqua sa nouvelle découverte, tout en l’assurant de son indéfectible amitié, le laissant constater visuellement et physiquement de quoi il retournait. Tancrède, qui n’avait jamais envisagé ce genre de chose, se prêta à l’expérience, avant de déclarer que son seul amour était Uriel ! ce dernier, très émotif, se laissa tomber dans ses bras.
Le seul changement important fut la fin des onctions angéliques sur le clergé, ce qui déclencha une petite manifestation, vite réprimée par le sous-pape qui, maintenant, avait accès aux moyens de pression.
Les tournées s’enchainaient, Les affaires tournaient et les indicateurs affichaient un vert brillant. Les trois copains vivaient en vitesse de croisière, Hector et Uriel en faisant de nouvelles rencontres, Tancrède en se satisfaisant des longs moments qu’Uriel lui accordait.
Tout cela explosa d’un coup !
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