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Le rituel avait repris, avec quelques changements dans la chorégraphie et les costumes, histoire de marquer le renouveau et de suivre la mode. Surtout, c’était le duo Suzon-Hector qui diffusait les messages, Uriel se contentant des mots d’introduction et de pseudo-bénédiction, partie qu’il maitrisait à peu près. Les essais avaient montré son incapacité ou son indifférence à prononcer des mots de plus de trois syllabes.
Le petit couple, mignon, adorable, trop chou, faisait un tabac. Les deux lurons cabotinaient dans une fraicheur désarmante.
Est-ce pour cela que les premières représentations furent désastreuses ? La foule se pressait. Un musicien à la mode avait composé des musiques qui emportaient l’enthousiasme et le recueillement. HDP, s’il n’avait pas été mauvais perdant, aurait apprécié le spectacle, au lieu de retourner ses cendres dans son urne.
Pourtant, cela ne fonctionnait pas. Les slogans étaient développés, explicités, mais la foule ne réagissait pas, comme sourde aux nouvelles révélations, pourtant révolutionnaires.
Suzon avait juste occulté une information qu’elle ignorait, ce qui était pardonnable compte tenu de ses origines. Issue du noyau des derniers intellectuels, groupe aussi réduit que celui des puissants qui possédaient et dirigeaient le monde, elle ignorait de la masse principale, coupée en deux : les citoyens et les nawaks. Avec cependant une caractéristique commune : l’absence de cerveau disponible.
Gouvernée par l’émotion, le ressenti, ces fidèles admiraient le spectacle, le phénomène de foire, heureux et fiers de partager ce moment unique dans une vie avec leurs amis et followers. Le reste ne les concernait simplement pas.
Suzon simplifia les messages, répétant en hurlant : « Réveillez-vous ! Indignez-vous ! Révoltez-vous ! », avant de reprendre les slogans. Sa fougue plaisait énormément. Elle s’était transformée en bête de scène, déchainant des hystéries, des mouvements de foules qui se terminaient invariablement par l’asphyxie des plus faibles. L’Envoyé ne faisait plus la une, remplacé par le nombre de morts et de blessés. Mue par sa rage et sa conviction, Suzon continuait, emportant sa troupe dans son élan.
Il en résulta un dynamisme général, boostant les indicateurs économiques, à l’opposé de ce que la pauvre militante aurait souhaité. La déception et les états d’âme de Suzon étaient sans importance, sauf pour Hector qui se sentait délaissé et ne plus être la raison de vivre de son aimée. Uriel ne comprenait toujours rien, développant une tristesse devant l’évolution de ses amis. Matou organisait, indifférente aux broutilles d’adolescents attardés de ses protégés. Les parents d’Hector avaient changé de calculatrices face au nombre de zéros qu’ils alignaient.
Le Monde se redressait grâce à l’apparition de l’Ange, un bienfait pour l’humanité.
Tout bascula quand, un des puissants, pourtant indifférent aux vicissitudes de la plèbe méprisable, eut connaissance de la teneur des messages transmis par l’Envoyé. Normalement, les lessiveuses à penser auraient dû nettoyer ces digressions. Leur impact s’avérait nul, mais il y avait là les germes d’un ferment dangereux. Il leur fallait agir et contrer ce péril.
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