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Discrètement, mais néanmoins fermement, la PAV fut enjointe de mettre de l’ordre dans sa boutique. Il obtempéra, n’ayant rien d’autre à faire, puisque les LIA avaient tout pris en charge, reproduisant sans cesse ce monde parfait pour un petit nombre.
Comme elle aimait bien s’écouter parler avec Uriel, elle le convoqua pour l’admonester. Ce n’est qu’alors qu’elle se rendit enfin compte de la faiblesse de réception de l’Envoyé, hochant toujours la tête quoiqu’on lui dise. Comme ils étaient en privé, la PAV utilisa des mots que sa maman lui avait interdits. L’effet ne fut pas probant.
Ne voulant pas avouer sa défaite, elle soumit le problème à ses vingt-trois conseillers et leurs cent-trente-cinq subalternes. Après trois jours de séminaire dans la dernière station de ski encore en vie, ils concoctèrent de traiter le quintette en les grondant pour leur expliquer les dangers de tels propos.
Une convocation officielle fut remise et la petite troupe se présenta les mains dans les poches, s’attendant aux caméras et au thé-petits-fours habituels.
En entendant les reproches, émis par le vice-sous-secrétaire du Premier ministre, désigné volontaire pour affronter ces rebelles, Matou talocha Suzon et Hector, ayant encore un doute sur la véritable nature d’Uriel. Les deux tourtereaux, penauds, déroulèrent leur analyse du monde. La PAV, en retrait, n’en croyait pas ses oreilles. Pour elle, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Il faut dire que quand Suzon s’emballait, elle était irrésistible et emportait l’adhésion des cerveaux de plus de deux neurones actifs.
Le quintette repartit tranquillement poursuivre ses activités, tandis qu’une réunion de crise rassemblait tous les staffs, sous-staffs et sous-sous-staffs. Les LIA furent abondamment sollicitées, proposant des solutions éculées et inefficaces, mais les seules disponibles. Une révolution se préparait et la PAV voyait déjà sa place grandiose dans les manuels d’histoire du futur, chantant ses louanges de visionnaire, d’accoucheur de la transformation radicale.
Les premiers actes éveillèrent l’attention des puissants. Une délégation discrète fut reçue par la Guide Suprême. On lui fit comprendre que dans Président À Vie, il y avait deux termes. Si le premier n’était pas remis en question, la durée du second était pleinement liée à la satisfaction de ses objectifs. Or, il s’avérait qu’elle s’aventurait sur une piste dangereuse. La PAV, qui n’était point sotte, puisqu’elle était arrivée à sa position grâce à ses capacités, comprit rapidement les enjeux. Les conventions et autres amusements furent soigneusement enterrés et une petite épidémie permit de changer de sujet.
Si la situation était rétablie, la PAV demeurait perplexe : comment faire cesser ces messages, maintenant désastreux et incorrects, sans perdre son image de protecteur bienveillant de l’Envoyé et de sa petite connasse (autre mot réprouvé par madame sa mère, qui ne se privait pourtant pas de l’utiliser !) de copine ?
Ses conseillers partageaient une même perplexité, mais à un autre niveau : après tout, c’était lui qui avait voulu être chef, il n’avait qu’à se débrouiller !
Heureusement le PHAV, le Premier Homme À Vie, avait un avis sur tout.
— Il ne manquerait plus que cette bande de branquignoles ait un accident ! Tout le monde serait atterré, mais ils arrêteraient de nous faire chier ! (La mère du PHAV avait élevé son fils pour être beau et mannequin, pas pour les bonnes manières.)
La PAV ruisselait de services secrets et de polices. Elle n’avait que l’embarras du choix. Pour être sûre du résultat, elle en choisit trois, certaine que la mise en concurrence obligeait à un dépassement de soi.
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