Chapitre 1 : Le jeu macabre

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 La pluie froide et incessante martelait les toits de Paris, rendant un vibrant hommage à l’atmosphère sombre et mélancolique de la ville. Les rues pavées de Montmartre, autrefois témoins d’amoureux enlacés et d’artistes en quête d’inspiration, étaient maintenant transformées en rivières sombres et scintillantes. Les lumières jaunâtres des réverbères, ternies par l’humidité ambiante, faisaient danser les ombres des arbres dépouillés et des cheminées en brique, créant un tableau lugubre digne d’une toile impressionniste, qui aurait fait frissonner même le plus courageux des passants. Une silhouette encapuchonnée, émergeant du brouillard qui s’élevait des pavés, s’arrêta pour contempler un vieil immeuble, dont les tuiles rouges étaient maintenant teintées de gris. Son souffle, rapide et saccadé, créait un fin nuage de brume qui se mélangeait à l’air glacial, lui donnant une aura presque surnaturelle. Depuis le cœur de cette ombre mystérieuse, deux yeux, brillant d’une lueur obsessionnelle, scrutèrent avec avidité une fenêtre particulière, éclairée d’une douce lumière ambrée, derrière laquelle une femme, plongée dans un livre, semblait étrangère à la menace extérieure. Il l’avait suivie discrètement pendant des semaines, dissimulé derrière des journaux, des manteaux épais ou même des façades. Il connaissait le timbre de sa voix, douce, mais affirmée – le parfum envoûtant qu’elle portait –, et il aimait cette manie qu’elle avait d’enrouler une mèche rebelle de ses longs cheveux noirs autour de son doigt lorsqu’elle se trouvait dans l’embarras, ou qu’elle était nerveuse. Il se délectait de chaque petit détail qu’il découvrait sur elle, anticipant le plaisir du dénouement autant que l’acte final. Ce soir, après que les dernières gouttes se soient écoulées des gouttières et que la femme eut éteint sa lumière, plongeant sa chambre dans une douce obscurité, il fit preuve d’une audace inouïe en s’approchant de sa porte d’entrée en bois ancien. Sur le paillasson, usé par le temps et les pas des visiteurs, il déposa délicatement une carte postale à l’apparence innocente, sur laquelle on pouvait voir une représentation grise et pluvieuse de la Tour Eiffel. Cependant, ce qui glacerait le sang de n’importe quel observateur n’était pas l’image elle-même, mais plutôt le dessin qu’il avait soigneusement tracé au dos : un visage souriant, presque enfantin, si ce n’était pour la couleur écarlate, presque sanglante, du feutre qu’il avait utilisé. Et en lettres tremblantes, comme tracées par une main fébrile, le message glacial : « Tu es la prochaine. »

 Dissimulant sa satisfaction sous son capuchon, il s’éloigna à pas feutrés, s’enfonçant dans la pénombre des ruelles tortueuses, un sourire malsain étirant ses lèvres fines.

 — Tiens, c’est étrange, cette silhouette…, murmura une vieille femme, se tenant à l’entrée d’une boulangerie, un panier à la main, observant le manège de l’homme encapuchonné.

 — Chut ! Madeleine, n’attire pas son attention, répondit son ami, Henri, en la tirant légèrement par le bras. Regarde plutôt de l’autre côté.

 Madeleine ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil à l’homme.

 — Tu penses qu’il est dangereux ?

 Henri haussa les épaules.

 — Dans cette ville, on ne sait jamais. Mais il a quelque chose de… louche, non ?

 La vieille femme hocha la tête, les yeux fixés sur la carte postale que l’homme venait de déposer.

 — Je me demande ce qui est écrit dessus…

 Lorsque l’homme s’éloigna, Henri tenta une approche furtive, espérant lire le contenu de la carte. Il revint quelques secondes plus tard, le visage blême.

 — Madeleine, il faut prévenir la police. Tout de suite.

 — Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as vu ? demanda-t-elle, une pointe d’anxiété dans la voix.

 Henri avala sa salive.

 — Rien de bon. Rien de bon du tout.

 Dans l’obscurité de la Ville Lumière, le jeu venait de commencer, et l’inconnu était prêt à le mener jusqu’à son paroxysme.

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