Chapitre 4 : Le lien
Le bureau de Dubois était une caverne d’Ali Baba pour tout amateur de cafouillage. Des piles de dossiers débordaient de chaque coin, des tasses de café vides – ou parfois à moitié pleines –, se cachaient parmi les éparpillements de notes et de cartes. L’odeur âcre du tabac imprégnait l’air, mêlée à celle du vieux cuir et du papier. Mais à cet instant précis, au milieu de ce chaos organisé, une petite brochure blanche, presque immaculée, attira l’attention de l’inspecteur.
C’était un dépliant pour un séminaire intitulé « L’humour dans la littérature moderne », tenu à la Sorbonne quelques mois plus tôt. Il parcourut la liste des participants et une réalisation sinistre l’envahit. Toutes les victimes, du passant anonyme de Montmartre à Gérard Delaunay, l’écrivain primé, y avaient assisté. Un frisson glacé lui parcourut l’échine.
Rémi, qui était penché sur un autre dossier, leva les yeux.
— Quoi ? Tu as trouvé quelque chose ?
Dubois tendit le dépliant.
— Regarde ça. C’est notre lien. Notre tueur choisit ses victimes parmi les participants de ce séminaire.
Rémi étudia rapidement la brochure, puis lâcha :
— « L’humour dans la littérature ? » C’est ironique, tu ne trouves pas ? Notre tueur laisse des smileys sanglants, et toutes ses victimes sont liées par un séminaire sur l’humour.
Dubois soupira, passant une main lasse sur son visage.
— Il se moque de nous, Rémi. Il orchestre son jeu macabre autour de cette idée d’humour. Mais pourquoi ?
— Peut-être était-il là, au séminaire. Peut-être que l’un des discours l’a offensé ou provoqué d’une certaine manière, suggéra Rémi.
L’inspecteur hocha la tête, pensif.
— Nous devons en savoir plus. Parlons à l’organisateur. Trouvons les vidéos, les enregistrements, tout ce que nous pouvons. Ce séminaire est la clé.
Rémi se leva d’un bond, attrapant son blouson qui était négligemment jeté sur le dos d’une chaise.
— Je vais voir ce que je peux trouver sur cet événement. Peut-être que quelqu’un se souviendra d’un participant étrange ou d’un incident lors du séminaire.
Dubois hocha la tête, son regard fixé sur la brochure.
— Bonne idée. Pendant ce temps, je vais revoir les dossiers des victimes. Peut-être qu’il y a un détail, quelque chose que nous avons manqué.
Rémi se dirigea vers la porte, puis s’arrêta et se retourna.
— Léon, dit-il, la voix emplie de gravité, ce gars, ce tueur, il est intelligent. Il a planifié tout ça. Il sait ce qu’il fait. Sois prudent.
Dubois leva les yeux, un sourire amer sur ses lèvres.
— T’inquiète pas pour moi. J’ai affronté bien pire que des smileys dans ma carrière.
Mais malgré son ton nonchalant, les yeux de l’inspecteur trahissaient une inquiétude profonde.
Rémi hocha la tête, la main sur la poignée de la porte.
— On le trouvera, Léon. Peu importe où il se cache, on le trouvera.
Et avec ces mots, il sortit du bureau, laissant Dubois seul avec ses pensées et les ombres croissantes du crépuscule parisien.
La pièce retomba dans un silence oppressant. À l’extérieur, le brouillard s’épaississait, engloutissant les rues et les bâtiments. La Ville Lumière, pourtant, semblait plonger un peu plus profondément dans l’obscurité à chaque seconde qui passait.
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