Chapitre 8 : Rires dans l’obscurité
Le café « Les Trois Lunes » avait ce charme ancien typique de Paris, avec ses tables en bois sombre, ses murs jaunis par le temps et la fumée des cigarettes, et son éclairage doux qui créait des ombres dansantes à chaque coin. Mais ce soir, une lourde atmosphère pesait sur le lieu, rendant chaque murmure plus aigu, chaque mouvement plus suspect. Léon, ses sens en alerte, repéra Marcel assis au fond, à une table isolée, jouant nonchalamment avec un couteau à cran d’arrêt. Ses yeux, dissimulés derrière des lunettes teintées, fixaient les inspecteurs avec un mélange d’amusement et de défiance. Sa bouche était étirée en un sourire qui semblait presque douloureux, à la limite de la folie. Rémi, main sur son arme, s’avança prudemment vers lui, tout en surveillant les sorties.
— Marcel Petit ? demanda-t-il d’une voix neutre, mais avec une tension palpable.
— En chair et en os, répondit Marcel d’une voix traînante, prenant une gorgée de son absinthe, le liquide vert brillant sinistrement dans le verre. Je me demandais combien de temps il vous faudrait pour me trouver. Vous ne m’avez pas déçu, inspecteur.
Léon, les yeux fixés sur le couteau, dit d’une voix calme :
— C’est fini, Marcel. Nous avons tous les éléments. Pourquoi ? Pourquoi cette folie ?
Marcel éclata d’un rire soudain, presque hystérique.
— L’humour, mon cher inspecteur ! Le monde est si tragiquement sérieux, ne pensez-vous pas ? J’ai voulu y ajouter ma propre touche… comique.
Il marqua une pause, jouant avec le couteau, le faisant tourner entre ses doigts avec une agilité étonnante.
— Mais vous ne comprenez pas, n’est-ce pas ? Vous ne voyez pas la beauté dans la mort, l’art dans le chaos ?
La tension dans la pièce était palpable. Chaque seconde semblait s’étirer à l’infini. Les autres clients, sentant le danger, avaient discrètement quitté les lieux, laissant les trois hommes dans un face-à-face électrique.
— La beauté ? murmura Rémi, la colère brillant dans ses yeux. Vous appelez cela de la beauté ? Vous êtes un monstre.
Marcel se leva lentement, fixant les deux inspecteurs avec une intensité glaciale.
— Peut-être, dit-il, mais nous sommes tous des monstres, inspecteur. La différence est que certains d’entre nous assument pleinement ce qu’ils sont.
Le face-à-face entre les forces de l’ordre et le chaos était sur le point de culminer en un affrontement inévitable. Léon, essayant de désamorcer la situation, posa doucement une main devant Rémi, lui signifiant de rester calme.
— Ce n’est pas le lieu, Rémi, murmura-t-il. On ne veut pas d’autres victimes.
Marcel inclina la tête sur le côté, son sourire s’élargissant encore plus.
— Ah, Léon, toujours le médiateur. Toujours à chercher la logique là où il n’y en a pas.
Il se pencha légèrement en avant, posant son menton sur le bout de ses doigts.
— Dites-moi, qu’espérez-vous obtenir en m’arrêtant ? La paix ? La justice ?
Rémi serra les dents, réfrénant sa colère.
— La justice pour ceux que vous avez tués. Ils méritent que vous payiez pour ce que vous avez fait.
Marcel rit doucement.
— Ah, la justice. Un concept si abstrait, si éphémère. Mais si cela vous apporte un certain réconfort, alors soit.
Il posa le couteau sur la table, leva les mains en signe de reddition, tout en fixant Léon.
— Alors, qu’attendons-nous ?
Léon, méfiant, s’approcha de Marcel, tout en gardant un œil sur le couteau.
— Nous allons faire les choses calmement, Marcel. Pas de surprises, d’accord ?
Marcel hocha la tête lentement, son sourire narquois toujours en place.
— Pas de surprises, promis. Après tout, c’est vous qui avez le dessus… pour le moment.
La confrontation était finie, du moins pour l’instant. Mais les inspecteurs savaient que ce n’était que le début d’une longue et sinistre bataille contre l’esprit dérangé de Marcel Petit.
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