Chapitre 9 : Les Ombres du Passé
La salle d’interrogatoire était froide et austère, éclairée par un néon vacillant au plafond qui diffusait une lumière crue et blafarde. Les murs étaient d’un blanc sale, et une table en métal se dressait au milieu, entourée de deux chaises. Marcel était assis sur l’une d’elles, menotté, ses yeux toujours dissimulés derrière ces lunettes teintées. Léon et Rémi se tenaient de l’autre côté, le visage grave, anticipant les révélations à venir.
— C’était il y a six mois, commença Marcel d’une voix douce, presque rêveuse. Le séminaire, vous savez, c’était ma chance de briller, de montrer à tout le monde mon talent. Mais ils se sont moqués de moi. Tous.
Rémi fronça les sourcils.
— Pourquoi vous seraient-ils moqués ?
Marcel se mit à rire, un rire étrange, triste et amer.
— Vous seriez surpris de savoir combien la littérature peut être cruelle, inspecteur. Mes blagues, mon humour… ils l’ont trouvé grotesque. J’étais devenu le bouffon, l’idiot du village. Et j’ai juré de leur faire payer.
Léon prit une profonde inspiration, essayant de cacher son dégoût.
— Et vous avez décidé que la meilleure façon de vous venger était de les tuer ? De cette manière… théâtrale ?
Marcel leva la tête lentement, un sourire en coin étirant ses lèvres.
— Chaque mort était une performance, inspecteur. Un rappel de la douleur qu’ils m’avaient infligée, avec une pointe d’humour pour accentuer le tragique de la situation.
Rémi, incapable de contenir sa colère, se pencha brusquement vers lui.
— Vous les avez tués pour votre ego blessé ?! Pour une ridicule revanche ?!
Marcel ne cilla pas, mais son ton devint plus tranchant.
— Pas seulement pour ça, inspecteur. C’était… thérapeutique. Chaque fois que je voyais leur visage se tordre de peur, chaque fois que je laissais une de mes cartes postales, je me sentais un peu plus… guéri.
L’atmosphère dans la salle devint lourde, chargée d’une tension palpable. Les aveux de Marcel, ses justifications tordues, révélaient les abysses d’une âme noyée dans la douleur et le ressentiment.
Rémi, se reculant légèrement et croisant les bras, murmura :
— Tout ce carnage pour une blessure d’ego… c’est inimaginable.
Marcel inclina légèrement la tête.
— Le désespoir a une manière étrange de déformer la réalité, inspecteur. Dans ma tête, chaque meurtre avait un sens, chaque mise en scène était une représentation de mon ressentiment.
Léon, posant son stylo et son bloc-notes, se pencha en avant.
— Vous parlez de guérison, Marcel. Mais regardez où cela vous a conduit. Vous êtes enfermé ici, avec le poids de tant de vies sur la conscience.
Marcel haussa les épaules, semblant presque résigné.
— C’est le prix à payer, je suppose. Pour quelques instants de satisfaction, une éternité de regret.
Rémi secoua la tête, incrédule.
— Je ne comprendrai jamais. Comment pouvez-vous justifier tout cela dans votre esprit ?
Les yeux de Marcel, derrière les lunettes teintées, fixèrent intensément Rémi.
— C’est le danger de la solitude, inspecteur. Lorsque vous êtes seul avec vos pensées, elles peuvent vous emmener dans des endroits très sombres.
Léon se leva, indiquant que l’interrogatoire était terminé.
— Nous avons ce qu’il nous faut pour l’instant. Mais cela ne fait que commencer, Marcel.
Marcel hocha la tête, un léger sourire toujours sur les lèvres.
— Je n’en attendais pas moins, inspecteur. Après tout, le show doit continuer.
Léon, tentant de garder son calme, posa une dernière question, la voix tremblante d’émotion :
— Et maintenant, Marcel ? Est-ce que tout cela en valait la peine ?
Marcel leva les yeux vers lui, une lueur de mélancolie dans le regard.
— Je ne sais pas, inspecteur. Je ne sais pas…
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