Pour moi tout commença par une nuit perdue de 1967, sur un chemin désert d’un bled paumé. Alors que je voulais rentrer plus tôt chez moi après une semaine de boulot qui m’avait mis sur les rotules, je cherchais un raccourci que jamais je n’ai trouvé. C’est là que je les ai vus débarquer de leur grotesque soucoupe volante.
Une particularité les distinguait des autres humains : leur auriculaire merdouillait de manière ostensible – probablement un défaut de fabrication, ou une foucade de leur créateur.
En bon citoyen américain, j’ai aussitôt alerté les autorités, le FBI, le président Johnson lui-même, la CIA, et même ma boulangère, mais personne ne me croyait. Seul contre tous, je devais convaincre un monde incrédule pourtant toujours prompt à gober tout et n’importe quoi.
Pauvre de moi, mon cauchemar s’est poursuivi durant quarante-trois épisodes, soit précisément trente-quatre heures et quarante minutes.
À mes moments perdus, je me regarde sur mon petit écran où l’on rediffuse parfois cette série. Elle me passionne tellement que le sommeil me prend à peine le générique du début passé.

Vendredi matin, je me suis réveillé le petit doigt en l’air. Même si elle refuse de l’admettre, je soupçonne ma quatrième femme, toujours d’humeur méfiante, de l’avoir sollicité toute la nuit histoire d’y entendre une quelconque vérité.
Hasard ou coïncidence, le même jour, un type de l’entreprise Vincent David Plomberie s’est pointé chez moi :

— M’sieur Roy Thinnes, bonjour, c’est pour la fuite à votre compteur d’eau, m’a-t-il annoncé sans barguigner.

Ni une ni deux, je lui ai collé une mandale en guise de réponse et claqué la lourde au nez. À son auriculaire ridiculement au garde-à-vous, j’ai vite compris qu’ils étaient revenus me chercher pour une troisième saison. Si elle se tourne, ce sera sans moi, ils m’ont déjà assez gonflé comme ça ces êtres étranges venus d’une autre planète.