Chapitre 15 - Liam

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27.01.22

Wymountain school, LONDON – 10:06pm.

Je relis une dernière fois ce qui est écrit sur les feuilles qui sont devant moi. Ma partie d'exposé est prête depuis exactement... neuf heures. J'y ai passé toute ma soirée d'hier et ça m'a bien gonflé. J'aurais peut-être dû m'y atteler plus tôt. Mais maintenant, c'est fait et dans quelques minutes j'en serais débarrassé.

Je lève les yeux de mes notes. Oscar semble lui aussi en train de réviser. Sarah à côté semble ne pas se préoccuper de son propre devoir ; elle parle avec Arthur, assis à la table à côté de la sienne. Elle doit avoir déjà tout mémorisé depuis un certain temps déjà. Luna également, si j'en crois à son pianotage sur son clavier de téléphone. La connaissant, elle ne serait pas passée à côté d'une occasion pareille d'btenir une bonne note aussi facilement. Je plains Chloe, elle a dû être un vrai tyran avec elle. Bien que cette dernière ne mâche pas ses mots quand elle doit se défendre.

Mr. Martin entre dans la classe, interrompant mes pensées.

— Bonjour à tous. Je suppose que vous êtes tous prêt pour vos passages à l'oral, lance-t-il d'une voix enjouée en posant ses affaires sur le bureau. Alors entrons directement dans le vif du sujet : qui veut commencer ?

Au départ, rien ne bouge. Puis, une main se lève. Sarah.

— Putain, elle fait chier, souffle Tobias quand Mr. Martin les invite à venir au tableau.

Il se lève à contre-cœur et lorsqu'il rejoint Sarah, il lui chuchote quelque chose. Certainement un reproche. Elle lui répond sur le même ton sans se démonter. Mon meilleur ami abandonne.

Leur présentation débute. Ils ont choisi de parler du métier de son père. Il n'allait pas parler du père de Sarah, c'est sûr. Malheureusement, je sais déjà tout ce qu'il faut savoir. Je connais le paternel de Tobias depuis que je suis tout gamin. Il a fait fortune dans l'immobilier. Chemin classique pour accéder à la richesse. Depuis le début du millénaire, les prix flambent un peu partout et ce n'est pas maintenant que ça va s'arrêter.

Sarah maîtrise le sujet sur le bout des doigts. Tobias, lui, bégaye quelques fois, provoquant des éclats de rire dans la classe. Il en joue et fait le pitre, s'attisant des regards désobligeants de la part de sa partenaire.

Les exposés s'enchaînent au fur et à mesure. Vient le tour de Luna et Chloe. Elles ont choisi la mère de Chloe. Riche héritière du domaine viticole qui s'étend sur toute la région de son père, elle dirige d'une main de fer l'exploitation des vignes. Une vraie femme d'entreprise qui ne se laisse pas marcher dans ce monde dont le taux de testostérone est élevé. Même si elle n'a rien fait de spécial pour arriver là où elle est. Enfin, je ne vais pas lui faire un procès, moi-même je pourrais hériter de mon père si je le souhaitais. C'est ainsi que ça marche dans notre milieu : les favorisés restent favorisés.

Bon, cette fois-ci c'est à moi. Je m'arrête pour laisser passer Oscar. Tiens, c'est bizarre, il ne m'a même pas regardé. Je me remémore le début de matinée. Puis, les jours précédents. Il ne m'a pas adressé la parole depuis lundi, je crois bien. Ni même jeter un coup d'œil. D'habitude, je le surprends toujours à se retourner en cours. Qu'est-ce qu'il a ?

Je me décide à le lui demander à voix basse quand nous nous retrouvons au tableau.

— Ça va ?

— Oui, me répond-il sans décrocher son regard de la classe devant nous.

— Tu ne t'es pas inquiété de savoir si j'avais fini ma partie, tu n'as pas peur que ce ne soit pas le cas ? lancé-je sur le ton de l'humour.

Il se décide enfin à me regarder.

— Pas mon problème. Le prof a bien indiqué que c'était une note individuelle avant tout. Le collectif compte peu. Donc ça ne me pénalisera pas.

Il me lance un faux sourire sarcastique qui signifie « voilà, je t'ai coincé » avant se détourner de moi. Puis, il commence à présenter le métier d'Erik sans même m'attendre.

Je le laisse parler, il semble maîtriser le sujet mieux que moi. Même s'il s'agit de mon frère. Disons qu'il a mieux retenu. Je ne prends la parole que pour rajouter des informations ou pour rendre tout ça plus concret et vivant parce que, même si je fais semblant de ne pas écouter les conversations entre mon père et Erik, je m'intéresse un minimum à mon grand frère. Enfin, quand Oscar daigne me laisser la parole.

À la fin de notre exposé, la classe nous applaudit et Mr. Martin décide de nous poser quelques questions.

— Je vois que le métier du frère de Liam a l'air de te passionner, Oscar. Toi aussi tu aimerais devenir avocat ?

— Je ne sais pas, peut-être.

Je lui jette un coup d'œil et je comprends à son attitude qu'il se renferme. Je fais pareil quand je ne suis pas à l'aise sur un sujet. Ce qui arrive souvent.

— Je n'y ai jamais réfléchi, ajoute-t-il.

— Tu devrais. Les études supérieures arrivent plus vite qu'on ne le croit. Et toi, Liam ?

Je hausse négligemment les épaules.

— Travailler jour et nuit pour quelqu'un d'autre, je ne trouve pas ça palpitant.

— Tu comprends bien que ce que tu dis est réducteur ? me contredit-il. Au même titre que de dire que les avocats qui défendent des criminels sont... immoraux.

— Vous conviendrez qu'il y a quand même une différence entre ce que je dis et votre dernière phrase, contre-attaqué-je. Je n'ai pas dit qu'il fallait marcher sur le droit à un procès équitable ou même le droit à la défense.

Il esquisse un sourire entendu, il sait combien j'apprécie d'avoir le dernier mot.

— Quoi qu'il en soit, il vous faudra travailler dur pour accéder à vos rêves, y compris toi, Liam. Tes notes ne sont pas excellentes.

Classique. Il joue la carte des résultats académiques pour tenir son statut de professeur.

— Bien qu'elles soient meilleures que celles d'Oscar, ajoute-t-il en le regardant.

Oscar garde la face mais je sais qu'il bouillonne à l'intérieur. Je serais dans le même état que lui. Se faire rabaisser devant toute la classe, c'est humiliant. Mais c'est vrai : ses notes ne sont pas mirobolantes. À quoi s'attendait-il en venant d'un lycée public de quartier ?

Mr. Martin nous autorise enfin à regagner nos places. Le cours et les exposés se terminent bientôt. Oscar reste tendu jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Il s'empresse alors de sortir, laissant ses affaires dans la classe. Après des paroles échangées avec Arthur, Sarah se lance à sa poursuite.

— On dirait que le boursier n'a pas apprécié la remarque du professeur, commence Luna.

— J'avoue que ce qu'il a fait, ça ne se fait pas, prend sa défense Tobias. Mais bon, il ne croyait quand même pas qu'il allait se tourner les pouces bien sagement toute l'année.

— C'est ça ! Ici, ce n'est pas son ancien lycée de banlieue où le niveau état minable, ricane ma meilleure amie.

— Je te ferais signaler qu'il n'a pas parlé de Sarah, interviens-je. Il n'a aucune raison de le faire au vu de ses résultats au dernier test. Elle a eu combien, déjà ?

Mon ton est mordant. Mes amis se taisent, mal à l'aise. La jumelle a eu la note maximale, dépassant pour la première fois Luna qui a la réputation d'être la plus intelligente de la classe. Elle avait eu un point en dessous d'elle.

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai ressenti le besoin de remettre Luna à sa place. Je sais parfaitement où viser et touchée dans le mille, elle se vexe.

— Qu'est-ce que t'as aujourd'hui, pourquoi tu prends sa défense ? Ça y est, il t'a baisé comme il faut donc il faudrait l'estimer un peu mieux ? crache-t-elle.

— Je n'ai pas dit ça. Il n'est pas habitué à l'exigence du lycée donc c'est normal qu'il en pâtisse.

— De toute, façon, ils ne vont pas rester assez longtemps pour terminer l'année, non ? Alors qu'importe ce que je dis.

Je préfère laisser couler. Je connais son tempérament fougueux et je ne veux pas me disputer avec elle. Quelque part, elle a raison.

— Bon, j'en ai marre de parler des cours. Vous avez pas envie de vous amuser ? lancé-je en me redressant sur la chaise. Ça fait longtemps non ? Et si on organisait une soirée ?

— Là, tu sais me parler comme j'aime, s'exclame Luna, le sourire retrouvé. Que proposes-tu ?

Je me mords la lèvre en lui rendant son sourire. Une idée géniale vient de me traverser l'esprit. J'en fais part à mes amis, qui la valident immédiatement, les yeux brillants.

Je monte alors sur ma table pour attirer l'attention de tous.

— S'il vous plaît, votre attention ! commencé-je en ouvrant grand les bras dans un geste théâtral. En avez-vous pas marre des cours, des exposés, de Mr Martin ? Il est temps pour nous de nous amuser et de penser à autre chose ! Au diable les devoirs, au diable le stress, au diable le repos, nous dormirons quand nous seronts morts. En attendant je vous propose de faire la fête !

Des exclamations commencèrent à fuser dans la classe. Je souris, galvanisé par la foule.

— Je vous invite tous à venir la fête le week-end prochain à la Heaven, que je privatiserais pour l'occasion. Et parce qu'on mérite de lâcher prise, cette soirée s'annonce spéciale...

Je ménage le suspense, préparant mon coup à l'avance.

— Parce que nous représentons la jeunesse, parce que nous sommes l'avenir de cette planète et parce qu'il faut mettre un terme aux carcans que les vieilles générations ont créé pour nous, je vous invite, que dis-je, je vous supplie d'être vous-mêmes lors de cette soirée ! Amusez-vous, profitez, découvrez-vous. Soyez tentés par l'ivresse du bonheur, autorisez-vous tous les péchés, tous ses penchants secrets dont vous n'avez parlé à personne, soyez libre de faire ce que bon vous semble quand cela vous chante. Aucun jugement ne sera permis et je m'occuperais personnellement, ajouté-je, la main sur le torse, de ceux qui osent vous rabaisser. En bref, tout est permis !

Des applaudissements et des cris de joie retentirent dans toute la pièce, m'assourdissant. Je descends de mon estrade improvisée, fier de mon coup. Très vite, la rumeur de la soirée va s'étendre dans tout le lycée. Je note dans un coin de ma tête de préparer tout de même des brochures au cas où.

— Tu ne nous as pas parlé de ça, me lance Tobias en faisant allusion à mes paroles.

Je lui tapote l'épaule.

— Alors, mon ami, il n'y a pas quelque chose que tu aimerais faire mais qui te retiens depuis tout ce temps ? Ça sera le moment d'assouvir tes envies. Pourquoi pas avec moi...

Je m'approche de lui, glissant une main dans son dos. Il me repousse en rouspétant.

— Jamais, plutôt mourir !

— Pas de souci, tu pourras le faire à la soirée si tu veux.

Il éclate de rire en secouant la tête, condamnant ce que je viens de dire.

— On pourra se lâcher. Ça fait longtemps que j'ai envie de faire ça, leur avoué-je dans un sourire malicieux.

— Dis plutôt que ça te sert de prétexte, souligne Chloe.

— Qui sait, belle demoiselle.

Au même moment, j'aperçois une tête châtain aux cheveux bouclés par dessus la foule des élèves qui, alertaient par le boucan, sont entrés dans la classe.

Je fais faux bond à mes amis et me fraye un chemin.

— ... encore une idée stupide.

— Qu'est-ce qui est stupide ? demandé-je innocemment.

Oscar me regarde et perd ses mots quelques instants, embarrassé.

— Ton... ton idée de soirée. Ça sera sans moi.

— Pas de souci. Et toi, Sarah ?

Les yeux de la jumelle passent de moi à son frère, de son frère à moi.

— Eh bien, Arthur vient de me proposer de l'accompagner...

— C'est vrai, intervient le principal intéressé d'une voix hésitante.

Je ne l'avais pas remarqué, légèrement en retrait derrière Sarah.

— Je pensais que ça serait cool qu'on s'amuse un peu ensemble. Je n'ai pas pu venir à la dernière fête et je me dis que...

— Toi dans une discothèque ? m'exclamé-je, un peu surpris. Je ne pensais pas que tu aimais ça. Tu as bien compris le thème au moins ? Soirée où tout est permis.

— Oui, répond-il d'une voix qui se voulait forte et dure.

— Et d'abord, ça veut dire quoi « soirée où tout est permis » ? demanda Oscar, narquois.

— Eh bien, c'est une soirée où vous êtes libres de faire ce que vous voulez. Tu n'as pas entendu ma belle présentation tout à l'heure ? me plains-je faussement déçu.

— J'étais parti prendre l'air...

— Habillez-vous comme vous le souhaitez, enchaîné-je sans l'écouter. Faites ce que vous voulez, si vous voyez ce que je veux dire (je leur lance un clin d'œil), rien ne pourra vous arriver.

— Ça peut être cool, tente Sarah.

— Hors de question, dit Oscar en même temps.

Je lève les mains en signe de paix.

— Je crois que je vais vous laissez vous chamailler entre frangins. Le peuple m'appelle.

Je leur fais signe de réfléchir. La sœur est dans la poche, le frère suivra, j'en suis sûr.

Je souris, content de mon coup avant de porter la main sur ma poitrine. Je tâte ma veste, cherchant un petit sachet transparent dans la poche intérieure. Le sentant sous mes doigts, je m’éclipse rapidement en direction des toilettes. Toute cette effervescence fait bouillir mon sang. Cette soirée va être monumentale, j'en suis sûr !

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