Chapitre 26 - EXTERIEUR - FIN DE LA PARTIE I
- Nous avons accédé à ta... requête particulière, Willer. Diane est ici, en sécurité, et elle se remet rapidement des séquelles de son emprisonnement. À présent, c'est à toi de nous donner des réponses. Comment savais-tu qu'elle était là ?
- Je suis capitaine de la DFAO, crache l'homme, menotté à une table en fer.
Calmement assis devant lui, son interrogateur tente par tous les moyens de lui tirer les vers du nez.
- Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que cette information touche de très près le Gouvernement. Et surtout, qu'elle n'a aucun rapport avec l'Organisation. Donc, tu n'avais aucune raison d'être au courant. Alors, explique-toi, comment ? assène son interlocuteur avec une tranquilité peu commune.
Coincé, Willer détourne ses petits yeux vers le sol. Puis, le petit moment de flottement passé, il relève la tête avec une lueur furieuse dans ses prunelles noires.
- Je n'ai aucun compte à vous rendre. Je vous ai aidé à arracher un prisonnier de haute importance à une des prisons les plus sécurisées du Gouvernement. Sans mon aide, vous n'auriez jamais réussi. Alors, j'estime en avoir assez fait pour cette cause. Au lieu de perdre votre temps avec moi, interrogez-la, elle. Je pense qu'elle a bien plus de choses à vous apprendre que moi, en particulier au sujet de Christian Carren. Cependant, puisque vous insistez, je ne vois pas de raison de cacher ce secret plus longtemps.
Ses yeux lancent des éclairs, il fixe une fraction de seconde la caméra qui suit le moindre de ses mouvements avant d'accorder de nouveau toute son attention à son interrogateur.
- Christian est mon frère. Vous aurez beau me torturer de toutes les manières possibles et imaginables, vous n'obtiendrez rien de plus de moi. Maintenant, j'aimerais retourner dans ma cellule.
Mais son interlocuteur ne semble même pas avoir entendu sa requête.
- Supposons que tu dises vrai, pourquoi le trahir ainsi ? D'après toi, Diane a un lien direct et très fort avec lui. En nous la livrant, tu le mets donc dans une position inconfortable, n'est-ce pas ? Et peut-être même plus qu'inconfortable...
- Je vous ai déjà dit que je ne dirai rien de plus. Ces informations ne vous serviront à rien. Faites-le tomber, c'est tout ce que je demande, quitte à faire brûler le monde entier avec vous. Je n'en ai plus rien à faire, maintenant. Je n'ai plus rien à perdre, termine-t-il.
Après un instant d'hésitation, l'homme en face de lui se lève d'un geste sec, remets sa chaise en place et quitte la pièce sans un regard en arrière.
Quelques secondes à peine plus tard, deux gardes viennent se saisir du capitaine déchu, qui n'offre aucune résistance alors qu'il se fait ramener dans sa cellule.
*
En surface, la nuit a déjà recouvert le monde de ses ailes d'encre depuis longtemps, mais dans le complexe secret qui héberge l'Organisation depuis des décennies entières, les lumières viennent tout juste de s'éteindre, marquant le début du couvre-feu.
Très loin du ciel étoilé, dans une petite cellule, le sol bétonné se recouvre petit à petit d'une flaque pourpre, dans un silence presque total. Presque, parce que, en tendant bien l'oreille, on peut percevoir quelques petits bruits mouillés et étranglés qui proviennent d'une silouhette à peine visible, étalée par terre. Les flots de sang qui s'écoulent de son cou, où une longue estifilade rougeâtre s'étire comme un sourire, s'écrasent dans la mare déjà formée comme une puissante vague sur la côte. Sauf que, à la différence de l'eau salée sur le sable de la plage, il n'y a rien pour éponger et absorber ce liquide-ci. Il se contente donc de se répandre toujours plus loin, teintant les rares pieds de meubles de vermeille sur son passage, jusqu'à atteindre les limites de la cellule.
Au milieu de cette mer rouge, les gargoullis se taisent enfin.
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