Un geste, faix de maux
J’ai longtemps contemplé mon reflet dans les eaux déformées d’un lac au nom fantasque.
J’y voyais un cartographe, voguant en d’infinis espaces peuplés d’orbes maîtresses aux souffles-caresses.
Parfois ç’eut été preux paladin au masque forgé de courage et à l’oriflamme brodée de l’Amour du Monde.
Oh et comment oublier l’aède emmusé qui déclamait le verbe des fleurs et le chant des vents, et ses doigts délicats qui peignaient des portraits aux couleurs des rêves ?
Des images folles, fiévreuses.
Car en vérité, je contemplais une créature chétive et fébrile ; qui n’avait qu’un batel de papier pour seule caravelle, qui jugeait bouclier implacable l’écorce flottée d’un noyer, et qui bafouillait quelques babils impolis et spécieux dans l’espoir de plaire aux Étoiles.
Une ombre pâlote qui avait peur des destins qui se font et se défont, du poids des idées, des tourmentes tragiques et de la morsure des mots.
Mais je dois bien admettre que ce lac, aussi trouble soit-il, m’a renvoyé sincère des éclats véritables.
Tant d’astérismes qui murmurent humanité et commisération, des constelles qu’acclament les valeurs du cœur.
Et si le pauvre hère s’est connu et reconnu dans les vagues scélérates du lac aux éclats magnifiques, qu’il a gouté l’Océan et ses larmes ; les filles de la Faute, les mères du Remord ;
Et s’il s’est laissé surprendre par la marée, ignorant tout du bruit que fait la Mer, perdant ses amers jusqu’au souvenir même de son foyer, la couleur du feu, sa chaleur ;
Et s’il s’est échoué sur les froids rivages qu’imitent Solitude et Contrition ;
Sachez qu’il s’est accroché aux éclats. Il a gardé quelques ocres poussières au creux de la main ; juste assez pour que ne s’éteigne courage, juste assez pour souffler pardon, quelques mots scellés derrière des lèvres asséchées.
Il s’est réveillé sous un saule d’or et les traits du Soleil.
La trace d’un sourire au fond des yeux.
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