Les Jardins Suspendus

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Je retournais donc à mon existence bien ordonnée, sans folie, certes, mais également sans dérapage. Je travaillais sur la génétique du lierre, cherchant à créer une variété plus aisée à détruire, que le modèle original, qui s'accroche obstinément aux murs des maisons, et plus généralement à tout ce qui peut lui servir de support. Au cours de mes recherches, je m'aperçus que les gènes codant « l'adhérence » du lierre aux parois pouvaient être manipulés aussi bien dans le sens d'une moindre accroche, que dans le sens opposé. Du lierre qui adhère davantage … je ne mis pas longtemps à comprendre qu'un tel végétal permettrait de recréer facilement les fameux Jardins Suspendus de Babylone, qui paraissaient à jamais perdus et hors de portée.

Finalement, l'idée qui m'avait apparu totalement folle, se matérialisait à présent devant moi, un peu comme par magie, comme par un clin d'oeil amical et complice du destin. Du lierre solide comme une corde, reliant de hauts arbres en des passages pouvant être empruntés par des humains … Le rêve de Flore à portée de ma main, enfin surtout à portée de mon cerveau. A partir de cette prise de conscience, je travaillais avec une passion grandissante sur ce sujet de recherche, qui ne représentait jusqu'ici pour l'essentiel qu'un gagne-pain.

Mais je parvenais bientôt à une grosse difficulté concernant le codage génétique de la solidité du lierre. Je butais encore et encore, chaque jour augmentant ma frustration, sur un nœud de gènes inextricable, dont je ne parvenais pas à saisir le mécanisme. Au bout d'un moment, je n'y tins plus. Moi, l'honnête homme, mesuré, raisonnable, entrait dans un état de rage plus ou moins permanent. Je craignais de parler à Flore quand je me trouvais dans cet état là, de crainte de la rudoyer. Je prenais du temps pour me calmer, alors, avant d'aller la voir. La situation devenait intenable.

Un jour, je tapais du poing sur la table. Je pris un week-end complet, sans télé, sans sortie, sans communication avec mes semblables, tout entier consacré à ma recherche. Je plongeais progressivement dans la fatigne, frôlant le mal de crâne, et un malaise de plus en plus prononcé. J'échappais de ce week-end de feu dans un état proche de la décomposition et cotoyant l'épouvantable. Le dimanche soir, avant de m'endormir, je me répétais en boucle : « jamais je ne referais un truc pareil, c'est inhumain ». Mais le lendemain au réveil, au milieu des traces de fatigue et de lourdeur héritées de la veille, se dessina dans mon esprit ébahi la merveilleuse esquisse de la solution à mon méga problème de génétique du lierre.

Durant les jours qui suivirent, je peaufinais mes avancées, et bientôt je fus en mesure de produire des pousses de jeune lierre modifié vers une plus grande adhérence et une plus grande solidité. J'empruntais quelques-unes de ces pousses au laboratoire, pour les planter dans le jardin de ma maison de campagne. C'était un jardin d'une étendue conséquente, parsemé de grands arbres, le terrain idéal pour du lierre renforcé. En quelques mois, les pousses envahirent les arbres, et des passerelles se constituèrent entre les hauts chênes. Le tout donnant vraiment l'impression que les Jardins Suspendus venait de ressurgir de terre. Je pris d'amples photos de l'ensemble, sous toutes les coutures, et surtout celles avantageuses pour mon édifice végétal, en forme d'architecture grandiose

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