Une cohabitation étrange

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Le cœur battant, je montrais, incidemment, les photos à Flore qui, à mon entière satisfaction, demeura figée devant ce spectacle. Je vis dans ses yeux naitre et croitre la lueur de passion que j'avais reconnu quelques mois auparavant, lors de notre fameuse discussion, m'ayant montré la face cachée, passionnée, de ma sérieuse collègue. Même si elle ne se répandit pas en démonstrations d'enthousiasme, je sentais bien que ça bouillonnait à l'intérieur. Je pouvais presque entendre les pensées déroulant dans sa tête : « oh ! mais ça ressemble aux antiques Jardins, ça », et : « comment je pourrais aller les visiter ? ».

Le lendemain, elle me demandait si elle pouvait passer un après-midi dans ma maison de campagne … A sa demande, je feignis la surprise, mais accéda bien vite à sa requête. Sur place, elle me parut transfigurée : ses yeux flamboyaient. Ce n'était plus une lueur de passion qui les animait, mais un véritable feu, qui ne s'éteignait pas, comme le buisson ardent de Moïse. Elle parlait beaucoup, marchait sans cesse. Au bout d'une demie-heure de ce régime, je dus me replier vers l'intérieur de la maison, épuisé. Je l'observais, de mon canapé, parcourir infatigablement les allées du jardin, s'arrêtant pour, visiblement, s'extasier devant telle perspective, mais toujours silencieusement. Le feu restait confiné à l'intérieur d'elle, peut être était ce pour cela qu'il ne s'éteignait pas. En fin de journée, elle vint me rejoindre au salon, elle paraissait fraiche comme une rose, toute pimpante, et prit congé : son ton ordinairement morne et dévitalisé était devenu mélodieux, chantant, rieur. En quittant les lieux, elle donnait l'impression d'une nymphe des bois, virevoltant entre les arbres, sautillant tout en marchant à la manière caractéristique des petites filles.

Elle vint de plus en plus souvent : je la voyais inventer des prétextes, pour justifier de ses demandes réitérées, jusqu'au jour où elle m'avoua : « je me sens à ma place à cet endroit. C'est ici ma vraie maison », dans un moment d'abandon. Inutile de vous préciser que je fondis de bonheur à ces douces paroles, et que je gardais précieusement ces instants gravés dans un coin de ma mémoire, le coin réservé aux occasions spéciales. Et survint le jour où elle me demanda de rester là à demeure, ce que j'acceptais, bien entendu, après les étonnements simulés d'usage.

Notre situation était un peu étrange : nous habitions ensemble, tout en nous comportant comme de simples collègues. Les visiteurs croyaient que nous formions un couple, et dans un certain sens, c'était vrai. Je faisais semblant de trouver notre relation un peu spéciale parfaitement naturelle. Elle de son côté n'en parlait jamais, ne paraissant pas craindre de dormir sous le même toit qu'un homme qu'elle ne connaissait finalement pas très bien. Avait elle senti, deviné, que je me rangeais dans la catégorie des hommes patients et relativement maitres de leurs pulsions ? La fameuse intuition féminine ? Au bout de quelques semaines je constatais qu'elle commençait à prendre ses aises. Le soir, elle n'hésitait plus à aller regarder un film en pyjama, en ma présence.

Elle me donnait l'impression de m'étudier en silence, sans en avoir l'air, en douceur, par petites touches successives. Sûrement me testait elle pour voir comment je réagissais dans telle situation. Derrière son apparente insouciance, à l'évidence elle se demandait si je ne nourrissais pas des arrières-pensées amoureuses à son endroit. Alors elle m'évaluait, se montrant un jour plus familière et souriante, pour voir comment je réagirais. Et comme je ne montrais aucun signe de fébrilité passionnelle, elle se détendait progressivement. Moi de mon côté, tant qu'elle était restée plutôt distante, je demeurais globalement de marbre. Mais la voir à côté de moi toute une soirée eu pyjama commença à m'agiter. Sans compter qu'elle s'abandonnait de plus en plus à son bonheur de se retrouver dans ce cadre.

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