Elle ou moi

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Bip !

Biiiipp !

On se réveille !

Oh non, encore cette alarme et cette voix intransigeante. À chaque fois qu’elle résonne, ma poitrine se fige. Il n’y a rien de pire que de l’entendre lorsqu'on émerge, après une bonne dose de cette fichue drogue du violeur qu’ils m’injectent pour me trimballer n’importe où.

Le seul moment où je ne culpabilise pas, c’est lorsque je dors. Quand je fais un bond matelassé dans le temps, huit heures plus tard. C’est un tiers de mon existence de souffrance que l’on m’épargne, un véritable cadeau. Laissez-moi pioncer encore un peu.

Jean, réveille-toi, tu vas rater le train !

Le pire, c’est qu’il fait de l’humour. Où est passé le respect ? Saleté de voix, d’accord, ouvrons les yeux et voyons la nouvelle épreuve qui nous attend. J’ai un mauvais pressentiment, alors restez avec moi jusqu’au bout, d’accord ?

C’est ce que je craignais… Lyse est située sur les rails en face de moi. Je suis moi-même allongé, il y a deux sensations froides en travers de mon corps et des cailloux piquent ma peau… Je peux sentir quelque chose de lourd et de rapide me communiquer des vibrations métalliques dans le dos, il y a un grondement au loin… Très bien, j’ai compris. Voilà donc ce que ça fait d’être à leur place.

Test final, Jean, choisi bien, c'est ta dernière chance !

A – Jean Roi : Le coupable.

B – Lyse Roi : La victime.

La manette est sous ta main droite ! Cette fois-ci, il n’y a pas de position neutre ! Pas d’échappatoire ! (Sale lâche…) J’ai pris soin de la mettre sur A par défaut, au hasard… Non, je ne cherche pas du tout à t’influencer… Tu as le choix Jean, tu as toujours eu le choix.

Il est bien bavard celui-là, ça ne lui ressemble pas.

Je suis de bonne humeur, après ce cas, je prends ma retraite ! N’est-ce pas merveilleux?! Tu m’as donné énormément de travail ces dernières années Jean, tu es le pire collaborateur que j’ai eu. Donc dépêche-toi de faire ton choix, on n’a pas toute la journée… Enfin… Surtout toi. Haha.

Content de voir qu’il y en a qui s’éclatent au boulot… Attends… Comment il a fait pour m’entendre ? J’ai parlé à haute voix ?

Tu n’as toujours pas compris Jean ? Tu es vraiment long à la détente, toujours un train de retard. Mais tu sais, je t’aime bien quand même. Tu es… Touchant.

C’est ça, ferme bien ta gueule et laisse-moi gérer la connerie dans laquelle tu m’as mis. J’ai le droit de faire mes adieux, vous me devez bien ça.

  • Lyse ! Tu m’entends ? N’aie pas peur, tout est fini, tu es innocente. Je vais… La personne qui se charge de nous juger va me choisir, car j’ai commis une grave erreur. Tu ne risques rien.
  • Jean ! Que se passe-t-il ?
  • J’ai fait une bêtise Lyse. Pardonne-moi de t’avoir mise dans cette situation, je vais mourir, mais tu vas vivre ! On a plus beaucoup de temps, alors je vais te dire ce que je n’ai jamais pu te dire en 20 années de mariage. Pardon pour toutes les fois où l’on s’est disputés, pardon pour l’accident, pardon de t’avoir mise en danger. J’aurais dû te rendre plus heureuse, profiter de tous ces moments avec toi. Je t’aime tellement, je mourrais pour toi…
  • Moi aussi, on ne m’a jamais laissé l'occasion de te dire ce que je ressentais. Je te pardonne Jean, tu n’as jamais été coupable de quoi que ce soit. Je ne t’en ai jamais voulu, je bénis le jour où je t'ai rencontré, amour de ma vie. Enfuis-toi d’ici, oublie-moi, tu dois vivre ! Sois heureux. Adieu.
  • Qu’est-ce que tu racontes ? Écoute-moi, merci d’avoir été à mes côtés pendant toutes ces années. La seule raison pour laquelle j’ai peur de mourir c’est que l'idée d'être séparé de toi me terrorise.

Le train arrive ! Fais ton choix !

Ça sera A, évidemment, je n’ai jamais été aussi sûr de quelque chose dans ma vie. Je ne sais pas si ça me rachètera, je m’en fiche, je pourrais aller en enfer pour elle, j’y écrirais des lettres d’amour avec la peau que l’on m’aura arrachée.

Un grondement de plus en plus oppressant approche. C’est le cavalier d’acier fumant et sifflant. Tout ce que j’arrive à voir ce sont ses roues crissant sur le fer dans leur course effrénée.

  • Lyse ! Adieu, prends soin de toi, merci pour tout.

Je ne fermerais pas les yeux avant l’impact. Je veux regarder ma bien-aimée une dernière fois.

Jean, c’est si touchant. Je regrette presque d’avoir échangé vos positions sur l’aiguillage…

Quoi?! Non !

Du calme, je plaisantais. Pour qui tu me prends ? Un monstre ? Nous sommes plus proches que tu ne le crois. Adieu Jean.

Je peux sentir le souffle du taureau d’acier dans mon cou. J’ai tellement peur, mon sang est aussi froid que la tôle qui va me déchiqueter. La terreur coule dans mon dos, mon cœur explose dans ma poitrine au rythme de mes dents qui claquent. Les seules choses chaleureuses que je possède encore sont mes larmes, elles se déroulent et étreignent mes joues comme si elles voulaient me réconforter.

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