Chapitre 16
J’arrive devant le lycée, il est presque 7h15. Beaucoup de jeunes sont encore devant le portail : certains discutent, d’autres fument des clopes voire autre chose. Je ne me sens pas du tout à l’aise et mes jambes sont encore en coton. Je descends de la moto, sa main s’attarde sur la mienne puis finit par me lâcher. Il s’éloigne et mon cœur se gonfle d’un sentiment d’abandon vite remplacé par de la terreur.
Je prends une grande inspiration et mon courage à deux mains, son pendentif au bout de mes doigts et avance lentement vers la cohue d’adolescents qui rient, parlent fort et se donnent des claques dans le dos.
Plus vite je serai rentré, plus vite la matinée sera passée.
Je pénètre donc dans l’enceinte. Je sais à peu près où je dois me rendre mais j’ai tellement la trouille que je peine à avancer.
Tu fais pitié Tristan.
Encore cette voix. Celle que j’entends lorsque tout va mal. Je me mets mentalement une claque et serre mon pendentif dans ma main. Il m’insuffle le courage qu’il me faut pour avancer.
Cette heure de maths est interminable…
Mme Luxus m’a finalement trouvé, errant dans la cour comme une âme en peine et m’a accompagné jusqu’à ma salle de classe, avec quinze minutes de retard. J’ai eu comme l’impression que tout le monde me dévisageait… Mais ce n’était peut-être qu’une réelle impression. Je me suis installé au fond de la salle et personne n’a plus fait attention à moi. Ce qui n’est pas pour me déplaire.
Une boule s’est logée au fond de mon estomac et ne cesse de grandir. J’ai comme l’impression qu’elle va m’étouffer. J’ai pris en douce un cachet lors de mon entrée en classe mais son effet tarde à opérer.
J’ai bien envie d’en prendre un deuxième…
J’essaie de me calmer. Mes yeux fixent le vide et mes oreilles ont décidé de faire grève. Je suis là sans être là. Pour détourner l’attention de ma crise d’angoisse menaçante, mes doigts triturent mon nouveau pendentif et mon cerveau est allé faire un tour à la grotte.
Je m’imagine le sable doux et chaud, le ressac des vagues et… un certain brun aux yeux à l’azur doré près de moi.
DDDDRRRRRIIINNNNGGGG
Enfin.
Je laisse la salle se vider avant de sortir moi-même. Je mets un pied dans le couloir, bondé d'élèves. Mon inquiétude menace de me submerger. Je ne pleure pas mais ma respiration est courte et mes mains se sont mises à trembler. Je sors mon portable pour appeler Rey. Quelqu’un me bouscule violemment.
- Dégage de mon chemin, pti PD.
Ma tête a heurté une poutre en béton. Je lève alors les yeux vers celui qui m’a poussé et me retrouve face à un garçon aussi énorme que possible qui semble être beaucoup plus vieux que moi. Ses cheveux en bataille et sa barbe de quelques jours lui donnent un air peu commode.
- Qu’est-ce que tu regardes ? me fait-il.
Il a une voix caverneuse.
- Lâche l’affaire Tom, lui dit son camarade. Regarde dans son cou. C’est le pendentif de Rey : je le reconnaîtrais n’importe où.
Ledit Tom fixe ma chaîne des yeux et son visage se décompose. Je crois que Rey lui inspire de la peur.
- Ça doit être lui que madame Stéphanie a accueilli dernièrement. Rey a déjà cassé la gueule de Richie pour s’en être pris à lui. Vaut mieux pas, mec.
- Tssss…
Après un dernier regard dédaigneux, Tom me laisse tranquille. Cette altercation a eu le mérite de calmer ma crise. Je n’ai plus cours et il me reste encore un peu moins d’une demie heure à attendre. Je me dirige lentement vers la sortie en espérant ne croiser personne.
Je passe la grille d’entrée et me pose dans un coin. Il n’y a pratiquement personne devant l’établissement. Rey ne devrait plus tarder. Je repense à nous deux et à sa phrase de ce matin…
À la lumière du jour, ça me paraît beaucoup plus réel que dans la pénombre de la chambre…
- Tiens donc… Ce ne serait pas le petit Tristan par hasard ?
Mon rythme cardiaque s’accélère. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir qui se tient derrière moi : je reconnaîtrai cette voix entre mille… Mais qu’est-ce qu’il fout ici ? Il n’est pas censé être majeur ?
- Mais oui… c’est bien le maigrichon, constate Richie en me contournant, une main sur mon épaule et le sourire mauvais. Mais c’est qu’il a toujours son regard insolent malgré la raclée de la dernière fois, dites-moi…
Ses deux larrons éclatent de rire. Je me souviens de ses coups, de la douleur endurée, de sa lâcheté… Une rage profonde brûle en moi. Je sais que je ne serai jamais à la hauteur face à Richie, surtout qu’il est toujours accompagné… mais je ne veux pas me laisser faire non plus.
- Alors comme ça tu es bien dans mon lycée… Mais c’est parfait ça… Tu es sur mon territoire à présent. Je crois qu’on va bien…
- … s’amuser ?
La voix de Rey a retenti dans mon dos, calme mais d’une froideur à congeler les eaux d’un océan tropical. Au même moment, il dégage le bras de Richie pour y mettre le sien d’autorité puis m’attire contre lui. Je suis soulagé mais en même temps je sais que ça peut vite dégénérer.
- Tiens… Voilà le preux chevalier à la rescousse, se moque l’un des amis de Richie.
Je regarde ce dernier : il grimace et une lueur malsaine passe dans ses yeux. Il crache au sol tout en portant un regard haineux à Rey. Instinctivement, il a porté la main à son torse.
Sûrement là où il a été frappé.
Un petit attroupement se forme, les lycéens ont bien compris que quelque chose se tramait. Certains jeunes nous lancent des regards à la dérobée en souriant bêtement et je prends conscience de notre position, à Rey et à moi : il a son bras passé autour mon corps et je suis appuyé contre lui. J’essaie de me dégager mais Rey m’en empêche. Je lève alors les yeux vers lui : il ne me regarde pas, ses yeux remplis de colère sont braqués sur Richie et sa bande.
Ça va mal se finir.
- Qu’est-ce qui se passe ici ? On se sépare, allez, circulez !!
Le petit attroupement se sépare aussi vite qu’il s’est formé en entendant la voix de Mme Luxus. Cette dernière s’approche de nous, le regard mauvais.
- Bonjour, M. Renaud, lance-t-elle d’un ton froid.
- Mme Luxus, lui répond Rey, une note de malice dans la voix. Comment vous portez-vous ?
- Que faites-vous devant mon établissement ? Étant élève, vous n’y étiez jamais !
- Je suis venu chercher… mon ami, ici présent.
En disant cela, il me serre un peu plus fort. Richie nous regarde : son sourire est… bizarre. Flippant, je dirais. Il chuchote quelque chose à son camarade qui nous regarde tout en disant un “non !?” à Richie. Ce dernier hoche la tête et ils se mettent à rire.
- Bien. M. Valère, M. Renaud, bonne journée.
- Bonne journée, Mme Luxus. Eh ça va ? me chuchote-t-il doucement à l’oreille.
- Rey, lui répondis-je en frissonnant, tout le monde nous regarde !
Il a un sursaut et se sépare de moi, mort de honte. Je suis piqué en plein cœur. Je savais qu’il n’assumerait pas, qu’il en aurait honte… mais le voir de mes propres yeux me fait quand même mal. Il m’accompagne au centre commercial où nous déjeunons ensemble dans un silence gêné.
Je ne me sens pas très bien, comme si mon cœur pesait une tonne. Je me déteste d’être aussi sentimental. Une vraie quiche ! Rey me regarde, me sourit et soupire exagérément : sa main attrape la mienne sous la table et il entrelace nos doigts. Je l’entends murmurer “plus réel… oui, beaucoup plus réel…” en me regardant dans les yeux.
Qu’est-ce que je dois comprendre ?
Mon cœur s’est allégé d’un coup : juste sa main sur la mienne, le contact de sa peau et je me sens bien, rassuré.
Tu es salement piqué, mon gars.
- Rey ! Tristan ! Salut !
- Lydia ? Mais qu’est-ce que ? manque de s’étouffer mon démon angélique.
L’ange roux s’approche de nous, en sautillant, ses cheveux virevoltant autour d’elle. Mon contact a été bien éphémère : Rey se lève, complètement surpris. Elle s’arrête à notre table et plante ses yeux verts, pleins de défis, dans les miens. J’en reste pantois. Elle se penche et va jusqu’à poser un baiser sur ma joue, puis elle me contourne et enlace tendrement Rey, qui lui rend maladroitement son étreinte, avant de l’embrasser lui aussi.
- Tu travailles aujourd’hui Trist ? ( Je hoche la tête ) Cool. Je dois aller à la boutique, on y va ensemble ? Rey tu bosses aussi non ?
- Comment le sais-tu ? Et puis… Tu n’étais pas censée ne plus me parler ? Après… Après ce que je t’ai fait ?
- Disons que je ne compte pas abandonner, lui répond-elle avec un clin d'œil.
Rey lui sourit tendrement avant de lever les yeux au ciel et ma jalousie en prend un coup.
- Merci, Liliou.
- Liliou ? Whaou… Ça faisait longtemps que tu ne m’avais pas appelée comme ça… Bibou.
Bibou ?
Rey se met à rougir et lui donne un léger coup à l’épaule. Leur complicité me fait mal. Il serait tellement mieux avec elle. Je ne suis pas à leur hauteur : ni celui de Lydia, encore moins celui de Rey.
- Merde ! Je n’ai pas vu le temps passé ! Je vais être en retard. À plus tard, mon petit lion !
Il réalise alors qu’il l’a dit à haute voix et se plaque une main sur la bouche comme s'il regrettait ces paroles, en jetant un regard paniqué autour de lui afin de vérifier que personne n’a entendu. Il nous fait un petit signe de la main et… s’enfuit. C'est le terme approprié pour son départ précipité.
Lydia choisit ce moment pour me regarder et me dire :
- Et moi qui pensait avoir gagné des points…
- De quoi tu parles ?
- Je te l’ai pourtant affirmé : je serai la meilleure. Cela fait des mois qu’il ne m’a pas appelé Liliou… Et voilà que dans la foulée, il prononce ton surnom à voix haute…
- Oui… Mais il en a eu honte.
- C’est vrai qu’il paraissait vraiment gêné, c’en était presque drôle. Allez ! Viens je t’accompagne. Pour aujourd’hui, c’est match nul.
Cet ange est vraiment génial : elle a réussi à me redonner le sourire. Comment veut-elle que je la considère comme une rivale ?
Ça fait maintenant trois jours que j’ai officiellement repris les cours. Je m’en sors à peu près bien, je dois dire. Après tout, je suis un as de la pilule ! À la boutique, tout se passe au mieux, Hannah est patiente et me montre tout ce que je dois savoir.
Il y a juste une petite chose qui cloche. J’ai parfois la désagréable impression que l’on me surveille : vous savez comme si quelqu’un ne vous lâchait pas des yeux. C’est une sensation assez dérangeante. Lorsque je suis devant le lycée ou alors dans la boutique, je me retourne souvent pour traquer ce regard mais ne rencontre que du vide.
Chaque jour, mes sentiments pour Rey grandissent mais je n’ose espérer qu’il ressente la même chose pour moi. Lydia m’a bien prévenu qu’elle n’abandonnerait pas et elle tient sa promesse. Notre défi est notre secret. Nous ne sommes plus un duo mais bien un trio : elle nous rejoint à chaque déjeuner et même le soir après les cours, elle nous retrouve sur le toit lors de nos discussions. Rey a fini par apprendre que je parlais aussi à Lydia. Ces deux-là sont vraiment proches : ils ont comme un lien indestructible.
Comme chaque nuit, Rey me retrouve dans ma chambre. Je me sens un peu morose ce soir : Lydia a monopolisé Rey une bonne partie de la fin d’après-midi et même de la soirée, vu qu’elle est restée dîner. C’est incroyable ce que je peux être jaloux ! Rey est aux petits soins avec elle, sûrement pour se faire pardonner, mais même en sachant cela, je ne peux pas m’empêcher de lui en vouloir.
Ma colère et mes battements de cœur s’estompent dès qu’il pose ses lèvres dans mon cou avant de les descendre vers ma clavicule.
- Ton odeur… mmmh… Ton odeur m’a manqué mon petit lion… me susurre-t-il.
- Vraiment ? Tu avais pourtant le doux parfum de… Liliou… à volonté… toute la soirée… D’ailleurs, tu l’as encore sur la peau… lui répondis-je, tout en me blottissant dans ses bras.
- Tu es… jaloux ? me demande-t-il, un brin sarcastique.
Je ne préfère pas répondre. Si je le faisais… Comprendrait-il enfin la nature de mes sentiments ? Quelle serait sa réaction ? Le silence s’éternise et je me mets à somnoler… Je finis par m’endormir, sa main caressant doucement mes cheveux.
Je me réveille en sursaut à cause d’un cauchemar horrible dont les images s’estompent rapidement de mon esprit. Rey dort encore. Je regarde mon réveil : 4h35. Encore une heure et mon alarme sonnera. Mon coeur bat à une vitesse folle. Je ne pourrais jamais me rendormir. Je me replace auprès de lui et il se positionne jusqu’à se blottir contre mon torse osseux : à mon tour de le prendre dans mes bras et de lui caresser les cheveux.
Le temps passe sans que je ne pense à rien. Rien à part le fait d’avoir celui que j’aime dans les bras. Je l’entends ronfler doucement et me surprend à sourire. Je resserre mon étreinte et pose un baiser sur son front.
- Oui… Oui, je suis jaloux. Tout ça parce que je t’aime.
Ça me fait bizarre de le dire à voix haute et en même temps me fait du bien. Son œil s’est ouvert. En grand. Plein de surprises.
Merde… Il m’a entendu ? Je croyais qu’il dormait !
Il ne bouge pas et j’en fait de même, espérant que ma déclaration est passée inaperçue… Il se frotte la paupière puis lève son regard vers moi.
- Bonjour, mon petit lion…
Ouf…
- Bon…bonjour, mon démon angélique…
Sa bouche se pose sur la mienne, pressante, et sa langue se fraie un passage à travers mes dents. Ce baiser est… désespéré. C’est le seul mot qui me vient à l’esprit. Pourtant, il est chaud, sensuel, profond. Nos langues dansent ensemble comme jamais auparavant. Mon sang s’est transformé en lave en fusion. Je brûle littéralement pour lui. Lorsque nos lèvres se séparent, je suis à bout de souffle.
- Je… Whaou…
J’ai à peine le temps de prononcer ces mots que Rey s’est levé et a commencé à s’habiller. Je le trouve… fébrile. Ses mains tremblent et son regard est fuyant. Je ne comprends pas. Je ne veux pas comprendre la signification de ce baiser.
Ce dernier baiser…
Il pose sa main sur le rebord de la fenêtre et se retourne à demi vers moi. Je ne peux voir que son œil azuré.
- Mon petit lion… Je… Je ne serai pas capable de… Non… je ne… pour moi c’est… c’est… Enfin, voilà quoi.
Et il sort de la pièce. Une dizaine de minutes plus tard, sa moto vrombissait dans le garage. Je me lève et tente de ramasser, de réunir les milliers de morceaux de mon cœur brisé. Peine perdue.
Je suis passé en mode automatique. Attention burn out programmé dans…Non. Stop. Étape 1 : ne rien ressentir. Étape 2 : mettre un masque. Et ainsi de suite… Se lever. Marcher. Se préparer pour le lycée. Avaler deux pilules pour tenter de faire passer l’autre.
Je m’attendais à quoi exactement ? Bien sûr qu’il ne peut pas me retourner mes sentiments.
Ma me dépose au lycée. Elle a bien senti que quelque chose n’allait pas mais ne m’a rien demandé. De toute façon, je ne perçois pas ses mots ou gestes de réconfort. Je suis dans un autre univers, un autre monde. Les voix se sont rallumées dans ma tête mais même elles n’ont aucun effet sur ma léthargie. Je ne suis qu’une coquille vide. Je la laisse partir et n’entre pas dans le lycée. J’erre de rue en rue, jusqu’à me retrouver dans la vieille clairière, pas loin de mon arbre. Cela faisait longtemps, tiens.
BOUM !
Une douleur. Dans le dos. Je me retrouve au sol, dans la poussière.
Là où est ma place.
- Depuis le temps que j’attends ça.
Sa voix est glaciale. Je me tourne lentement pour me trouver face à mon vieil ami Richie. Je remarque alors que son œil n’est pas totalement guéri : une marque violacée y est encore bien visible. Un souvenir de Rey. La peur se propage alors dans mes veines, remplaçant peu à peu le sentiment de léthargie.
Son regard est menaçant mais j’ai presque envie de me laisser faire. Pour ce que ça changera… J’en ai un peu marre, j’avoue mais j’ai honte : une honte de m’être fait jeté, honte d’y avoir cru ne serait-ce qu’un peu, honte d’être une larve. Je sais pertinemment que je n’ai aucune chance mais finalement, sa seule présence m’a… réveillé.
- Ne me regarde pas comme ça, morveux.
Je ne compte pas baisser les yeux, connard.
Tout à coup, je suis en colère. Une colère noire. La personnalité sombre que je m'efforçais jusqu’alors de tenir menace de s’emparer de moi.
- Tu l'auras cherché.
Il me décoche un coup de poing dans l’estomac qui me fait valser puis deux dans le visage. La douleur est fulgurante. Je me mets à tousser et cracher un peu de sang. Je titube mais tente de répliquer.
- Je ne ferai pas ça si j’étais toi… Non seulement tu n’as aucune chance mais… Regarde un peu ça…
Il me sort son portable et me montre… une photo. De nous. Dans la station service. Au moment même où Rey… m’embrasse. Mon cœur a cessé de battre. Qu’est-ce qu’il veut faire avec cette photo ? Ne me dites pas que…
- Aah… Je vois que tu comprends vite, mon petit Tristan. Je peux détruire Rey avec cette photo. Tu m’entends. Le dé-trui-re. Vive les réseaux sociaux et son homophobie. Alors voilà ce qu’on va faire… Tu vas être un gentil petit…
Il s’approche de moi, l’air mauvais…
Ne le laisse pas faire. Tu dois l’arrêter.
Cette voix caverneuse. Richie ne doit pas, non il ne doit pas entacher la réputation de Rey. Ni moi. Je sais ce qu’il me reste à faire. Je n’ai plus d’autre choix. Une froide détermination s’empare de moi.
A quelques pas de moi se trouve une poutre en bois : je la saisis et la balance sur Richie. Il est déséquilibré et tombe à la renverse, cassant par la même occasion le téléphone. Je me mets à califourchon sur lui : il peut me désarçonner à tout moment mais ne fait rien.
- Tu vas faire quoi maintenant hein ? ricane-t-il. Me frapper avec tes petits poings ?
Je pose alors mes yeux sur lui et il a un sursaut : je crois qu’il a compris ma démence, mon instant de folie meurtrière. Ça y est, je la vois, cette peur que j’ai vu naître et grandir dans les yeux de cet imbécile en 4e, dans les yeux de Stéphanie la dernière fois… Elle est à présent dans les yeux de Richie, petite fleur étoilée.
Je profite de cet instant d'inattention pour sortir mon cran d’arrêt tout propre et poli de ma poche et le place sous la gorge de Richie, pile sur la jugulaire : un filet de sang se dessine déjà et mon tortionnaire a perdu le sourire.
- Alors… Mon… Petit… Richie… Tu… Ne… Ris… plus ? lui murmurai-je.
- Tu es complètement taré ! Arrête ça ! cria-t-il.
- Tututut… Ne bouge pas… Qui sait ce qui se pourrait se passer ? Ma main pourrait glisser et…
- Arrête tes conneries putain !
- Pourquoi faire ? Je m’amuse tellement…
J’ai comme l’impression que mon rire lui fait froid dans le dos. Richie n’ose même plus bouger et j'enfonce un peu plus la lame. Je me délecte. J’ai même l’impression qu’il tremble. C’est drôle.
Quelqu’un approche…
- Ne fais pas ça ! Tristan ! Mon Tristan… Mon petit…
Cette voix… Non… ce n’est… pas… possible… Ça ne peut pas être…
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