Chapitre 3 :
Matt :
J'entre dans l'amphithéâtre, je jette un petit coup d'œil autour de moi. J'aperçois une fille. Je ne sais pas pourquoi mais en la regardant un sentiment que je n'ai jamais ressenti auparavant me traverse. Je décide donc d'aller m'asseoir à ses côtés et en m’approchant j'arrive à discerner les traits de son visage. Elle est différente des adolescentes que j'ai côtoyées jusqu'à présent. Sa posture, ses mouvements rapides et précis me laissent penser que c’est une personne qui a confiance en elle mais, l’expression de son visage et le reflet de ses yeux décrivent une solitude et un isolement. Cela m'intrigue énormément. Lorsque je pose mon sac et que je m'installe sur le siège à côté, elle tourne la tête et me regarde. Cependant, je sens qu'elle ne m'apprécie pas vraiment. Je me lance quand même et décide d'entamer une discussion
- Salut, moi c'est Matt ! lui dis-je en lui tendant la main.
- Salut, moi c'est Sheila... me répondit-elle en me la serrant.
- Je suis nouveau ici, et vu que nos cours ne durent que la matinée, est-ce-que ça te dérangerait de me faire visiter ?
- Bien sûr, pas d’problème, je te présenterais à mes amis aussi, histoire que tu t’intègres plus vite…
- Merci, c'est gentil...
Sur ces mots, le cours commence. Malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à me concentrer. Sa présence, son parfum et ses gestes me distraient énormément. Sa chevelure parfaite me donne l'envie d'y passer mes mains pour la caresser. Ses yeux bleu océan me font voyager à chaque fois qu'elle tourne la tête dans ma direction. Mais son expression fermée me fait peur... Je n'avais jamais vu une fille comme elle auparavant. C'est la première personne que je n'arrive pas à cerner au premier abord et cela me dérange un peu. J'attends la fin du cours avec impatience. Qui sait, peut-être qu'elle me laissera entrer dans sa petite bulle. Peut-être qu'elle m'autorisera à apprendre à mieux la connaître. Les minutes se suivent mais l’attente me parait interminable.
En somme, le temps de prendre quelques notes, le prof nous libère et tout le monde se précipite vers la sortie. Je me lève à mon tour et commence à ranger mes affaires. Mes yeux dévient vers Sheila et je m’aperçois qu’elle fait de même.
A ma plus grande surprise, elle me demande si je veux manger avec elle. J'accepte sans hésiter et me mets à la suivre. On marche sans trop parler jusqu'à la cafétéria. Elle se dirige vers une table où sont installés une fille et un garçon. On s'assoit à leur côté puis, Sheila prend la parole :
- Célia, Luke, je vous présente Matt, c'est le nouveau. Et Matt je te présente Célia ma meilleure amie et Luke un ami d'enfance.
- Enchantés ! dirent-ils en chœur.
- De même ! leur répondis-je.
Nous mangeons et rigolons ensemble. Tout se passe bien et je me sens rassuré. J'appréhendais énormément mon premier jour de cours mais rien ne se déroule comme je le craignais. Nous discutons pendant une bonne heure. Me penchant sur mon téléphone, je me rends compte qu'il est déjà quatorze heures. Je regarde Sheila et le lui montre aussi. Elle me sourit et dit à ses amis qu'elle doit me faire visiter la fac et les alentours. Sans attendre, nous saluons tout le monde et nous éloignons vers la sortie. Sheila m'a fait part de sa préférence de commencer par la visite extérieur et je n'ai pas riposté. Ca n'a vraiment aucune importance pour moi.
Perdu dans mes pensées, je bouscule Sheila. Sans que je ne puisse m'excuser, elle s’éloigne de moi son téléphone en main.
Sheila :
En avançant vers la sortie, je me remémore le rendez-vous que j'avais donné à Gill « mon grand-père » et décide de m'éloigner de Matt pour l'appeler. Le téléphone sonne deux fois puis une voix se fait entendre à l'autre bout du fil. Son ton ne reflète pas de la contrariété comme je le craignais mais plutôt de la déception. Même si nous ne sommes pas proches, un sentiment de culpabilité me ronge. Alors, m'excuse gentiment même si c'est très dur pour moi. Bien sûr il accepte mais, je ne me sens vraiment pas bien, donc je prends l'initiative de l'inviter à dîner. Il ne riposte pas et me questionne sur mon adresse. Je la lui transfert directement par texto et raccroche après de bref salutations avant de rejoindre Matt.
Tout d'abord, Je lui montre les fast-foods intéressants pour manger le midi au cas où il voudrait changer de la cafétéria. Je lui montre aussi les librairies, les cafés, les boutiques de fringues et bien-sûr le plus important, les places de parkings où il pourra se garer tranquillement. Pendant notre petit tour, je lui pose quelques questions pour être sûre que c'est bien « son » fils. Ses réponses confirment mes suppositions. Malgré la haine que j'éprouve envers lui, je ne laisse rien paraître et lui expose mon plus beau sourire.
Arrivé à la fac, je lui montre les différents amphis où les cours se déroulent habituellement, les bibliothèques et les bureaux administratifs. Plus les heures défilent et plus je vois qu'il est heureux mais cela ne va pas durer très longtemps... la visite se poursuit dans les couloirs de la fac jusqu'à ce que je m’arrête. Matt m’imite et regarde dans ma direction avec un air interrogatif.
- Qu'est-ce qu'il se passe Sheila ? Il y a un soucis ? Tu as oublié quelque chose ?
- A vrai dire, oui, j'ai oublié de te montrer un endroit... c'est un endroit très important et très précieux pour moi.
Un sourire se dessine sur son visage. Mais il ne sait vraiment pas ce qui l'attend.
Je ressors de la fac et me dirige vers un petit entrepôt tout près où sont rangées toutes les affaires inutiles. C'est un endroit inconnues par les autres élèves et voire même par certains professeurs. Moi, je m'y rendais souvent après la mort de ma mère pour m'isoler du reste du monde. Donc, je possédais déjà les clefs. L'intérieur, aménagé à mon goût me permet de me reposer et de couper tous les liens avec l’extérieur.
Plus on avance et plus je vois le sourire de Matt s'effacer. Il fronce les sourcils et serre la mâchoire. Il ne reste aucune trace de la personne enjouée. Son visage se ferme et le stress se lit dans ses yeux. Je le rassure et lui rapelle que c'est mon petit coin où je m'isole lorsque je ne vais pas bien et que j'ai envie de rester seule.
Devant la porte, je sors mes clefs et j'ouvre. Une fois qu'il est entré à l'intérieur, je claque la porte et me hâte pour la verrouiller. Il met des coups violents dans la porte.
- Ouvre la porte ! Putain mais qu'est ce qu'il te prend ? A quoi tu joue Sheila ? Ouvre cette putain de porte !
Je me contente juste de lui chuchoter une phrase. Cette phrase qui lui annonce une année très difficile : « je me vengerais ».
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