Chapitre 6 :
Je le toise de haut en bas un moment et me lance :
– Bruno, dis-moi ce que tu fous là !
– Je ... je suis venu rendre visite à ta maman ....
Mon cœur rate un battement et la haine me ronge de l’intérieur. Mais il se fout de ma gueule ! Si ma mère est ici, enterrée dans ce cimetière, c'est bien à cause de lui et il ose me dire qu'il est venu lui rendre visite...
– Hahaha ! Dis-moi que c'est une blague ! Parce que si c'en est une, elle m'a bien faite rire !
– Non Sheila, ce n'est pas une blague...
– Mais tu n'as pas honte ? lui demandais-je,furieuse
– De quoi devrais-je avoir honte Sheila ?
– Mais c'est à cause de toi que ma mère est morte ! Tu le comprends ça ? C'est à cause de toi bordel de merde ! Si tu ne l'avais pas abandonné pour aller avec une pétasse, en ce moment même, ma mère serait à son boulot en train de travailler, avec le sourire jusqu'au oreille comme elle l'était juste avant que tu ne la trompe !
– Je ne l'ai pas trompé Sheila... Tu ne sais rien du tout ! Laisse-moi t'expliquer !
– Je n'ai pas besoin de tes explications ok ? Ma mère m'a déjà tout raconté !
– Sheila ...
– Tais-toi et vas-t-en ! Je ne veux plus te voir ici tu m'a bien comprise ? Je ne veux plus te voir t'approcher de ma mère !
– Sheila ...
– VAS – T – EN !
Il s'éloigne petit à petit et une fois sorti du cimetière, je m'écroule par terre. Je ne pleure pas, ne crie pas et ne bouge pas... Je suis juste tétanisé... Je ne réalise toujours pas ce qu'il vient de se passer. Il était là, lui, l'homme que je hais le plus au monde ! Celui à cause de qui une partie de moi s'est envolé... Je reste ainsi, à genoux durant quelques minutes qui me paraissent être une éternité, puis me relève lentement en prenant sur moi et retourne près de ma mère ...
– Excuse-moi maman... si j'avais su qu'il venait te rendre visite, j'aurais tout fait pour l'en empêcher... lui chuchotais-je comme si je devais me cacher
Je reste allongée ici, au pied de cette pierre tombale durant des heures et des heures... La nuit tombe mais je n'ai pas envie de rentrer... Je veux rester ici, je veux dormir près de celle qui venait me border tous les soirs quand j'étais malade ou quand je faisais des cauchemars...
Mais soudain, une lumière se pose sur moi et m'éblouit. Je me relève tout en balançant des injures et met ma main en paravane devant mes yeux pour apercevoir la personne qui tient cette lampe torche. C'est un homme d'une trentaine d'années, assez dodu, avec une moustache fine au-dessus des lèvres, des cheveux brun foncé et des yeux d'un bleu magnifique. Il est vêtu d'un uniforme, ce qui me laisse penser que c'est le gardien du cimetière. Il me regard un moment et me demande :
– Bonsoir jeune demoiselle, que faite vous ici à une heure pareille ?
– Bonsoir monsieur, je... euh ... J'étais venue rendre visite à ma mère et je n'ai pas vu le temps passer ...
Je ne sais vraiment pas mentir. Je ne sais pas si c’est un défaut ou une qualité mais en tout cas ça m’aurais bien aidé de ne pas me faire prendre à chaque fois.
– Je pense que vous devriez rentrer, votre famille doit s'inquiéter ...
Mes yeux le fuient et une réponse inaudible se frai un chemin à travers mes lèvres :
– Je n'ai pas de famille, la seule famille que j'ai est ici, enterré six pieds sous terre…
C’est mots me font réaliser à quel point je suis seule et perdue. Les larmes menacent de couler de mes yeux mais je les retiens même si au fond de moi, des océans se créent.
– Oh ! Excusez-moi, je... Comment dire... Je ne voulais pas vous blesser.
– Non ce n'est pas grave, vous ne pouviez pas le savoir de toute manière... Est-ce-que ça vous dérange que je passe la nuit ici ?
Le gardien me dévisage un petit moment avec un air surpris et me répond :
– Euuh... Comment dire... Je n'ai pas la permission de laisser qui que ce soit dans le cimetière après dix-neuf heure trente et il est déjà presque vingt heure...
– D'accord, je comprends... Je ne voudrais pas vous mettre dans une situation inconfortable avec vos supérieurs... Merci quand même.
Mes yeux se posent une dernière fois sur la tombe de ma mère avant que je ne commence à m'éloigner. Soudain, un soupir atteint mes oreilles.
– Bon d'accord ! Mais c'est vraiment exceptionnelle ! C'est que pour cette nuit je vous préviens !
– Oui promis que pour cette nuit ! Merci beaucoup !
– Mais j'ai une condition...
– Laquelle ?
– Vous allez me suivre pour que je vous passe une petite couverture sinon vous allez être frigorifié cette nuit.
– Oh merci c'est très gentil de votre part.
– Allez, suivez-moi.
Nous marchons sans bruit pendant quelques minutes, et finalement le gardien décide de rompre ce silence :
– Comment vous appelez vous ?
– Sheila, je m'appelle Sheila et vous ?
– Moi c'est Tommy mais appelle moi Tom.
– On... on peut se tutoyer ?
– Oui bien sûr je n'y vois pas d'inconvénient.
– Ok, ça m'arrange, vraiment, je n'aime pas beaucoup vouvoyer j'ai l'impression que c'est ... comment expliquer... trop officiel, voilà c'est ça trop officiel.
Le gardien me fait un beau sourire et je remarque qu'il essaye de ne pas rigoler...
– Je comprends me dit-il, et tu as bien raison d'ailleurs je pense exactement la même chose que toi.
– Dis-moi Tom, si ce n'est pas trop indiscret, pourrais-tu me dire ce qui t'a poussé à devenir gardien de cimetière ? Parce qu’au dernières nouvelles, ce n'est pas le métier le plus amusant du monde...
– Oh... c'est pour une cause... assez personnel.
– Ah ! Tu n'es pas obligé de me le dire tu sais... je suis un peu trop curieuse excuse – moi.
– Etre curieuse n'est pas un défaut Sheila et ça ne l'oublie jamais... Si je travaille ici c'est pour la même raison que toi, tu veux rester dormir ici ce soir... J'ai perdu ma famille dans un accident il y a quelques années de ça et ils sont tous enterrés ici. Ma mère, mon père et mon petit frère. Mais il y a aussi la femme que j'aime. Donc, pour pouvoir continuer à vivre avec eux, j'ai décidé de travailler ici.
– Je... je suis vraiment désolé Tom...
– Ne le soit pas Sheila... Tout le monde meurt un jour ou l'autre et on ne peut pas savoir quand l'ange de la mort viendra récupérer notre âme. C'est bien pour cela qu'il faut vivre sa vie au jour le jour et éviter de trop réfléchir car qui nous dis que l'on sera toujours en vie demain ?
– Tu as raison Tom... D'ailleurs, quand j'y pense, depuis que ma mère est décédée, je ne vie plus... c'est comme si... c'est comme si j'étais morte avec elle en quelque sorte... Je n'ai plus goût en rien.
– C'est normal Sheila, tu es encore jeune et les évènements t'affectent beaucoup plus. Tu as encore un bout de chemin à faire avant de pouvoir contrôler tes sentiments et tes émotions.
– ...
– Dis-moi, si ce n'est pas trop indiscret comme tu me la si bien dis il y a quelque seconde, comment est décédé ta maman ?
– Elle... elle s'est suicidée.
– Ahh…
– Mais tu sais Tom, le pire dans cette histoire c'est qu'elle l'a fait devant mes yeux...
– Je suis désolé petite...
– ...
Nous continuons encore un peu à marcher et au loin, à quelques mètres, une petite maisonnette blanche avec un toit et des volets rouge apparaît. C'est une maison qui a l'air très accueillante. Tom se tourne vers moi et me propose de boire un café. Je décline gentiment car je préfère retourner à côté de ma mère. Un sourire se dessine sur son visage puis il entre dans la maison. Il ressort quelques minutes plus tard avec une couverture assez épaisse qui, j'en suis sûr me tiendras bien au chaud ce soir. Je lui fait un signe de la tête pour le remercier et commence à marcher quand il me dit :
– Tu es une fille bien Sheila... Fait en sorte de contrôler tes sentiments et tu verras que ta vie sera plus belle ... ne vit pas dans le passé et comme je te l'es dit tout à l'heure vie au jour le jour sans penser ni au passé ni à l'avenir...
– Merci Tom... Merci pour tout... On se reverra bientôt.
– Je l'espère petite... Je l'espère
Sur ces mots, avec une couverture sur les épaules, mes jambes me mènent à la tombe de ma mère. Je m'allonge au pied de sa pierre et tout ce qu’il s’est passé aujourd’hui tourne en rond dans ma tête. Je ne sais pas comment va finir ce jeu. Je ne veux pas le savoir d’ailleurs. Un mauvais pressentiment se faufile en moi sans que je ne puisse rien faire, puis, je sombre peu à peu dans un sommeil profond.
Les premiers rayons de soleil viennent caresser mon visage et rependent une chaleur agréable tout le long de mon corps. Je me redresse sur mes coudes, et reste assise pendant quelques secondes, avec mon visage tourné vers cette source de lumière.
– Salut maman... Si tu savais comme ça m'avais manqué de dormir avec toi...
Mes yeux s’écarquillent quand ils se posent sur ma montre. Il est déjà sept heure et demi. Mon sac atteint mes épaules en une fraction de seconde et quelques minutes plus tard, je me trouve déjà devant la petite maisonnette où loge Tom. Je lui dépose la couverture devant la porte avec un petit mot.
Salut Tom, merci pour la couverture elle m'a bien servit :) En espérant te revoir le plus vite possible et promis cette fois ci je resterais boire le café et nous pourrons discuter un peu plus :D
Vu qu’il est impossible que j’arrive à temps à la fac, et que je n’ai pas d’affaire de rechange, je me résigne à suivre le chemin me menant chez moi.
Ça fait déjà quelques mois que j’empreinte ce trajet, et tous les jours c’est la même chose. Cette femme magnifique qui prend place au fond, trouve toujours le moyen d’énerver son mari qui, au final, lui hurle dessus. Ce garçon, toujours solitaire, est constamment assit à la même place, le front collé contre la vitre et les écouteurs dans les oreilles. Je me demande ce qu’il peut bien écouter parfois… Puis, il y a cette vieille femme aussi, qui fixe une photo durant tout le trajet. Je pense que ce doit être son mari ou bien ses enfants. Ça se voit dans ses yeux. La tristesse et le manque.
Parfois, je me demande ce que les gens lisent sur mon visage. La haine ? Non, je pense que mon faux sourire aide au camouflage. La solitude ? Peut-être bien, mais qui n’est pas solitaire dans ce monde ?
Perdue dans mes réflexions, je ne me rends même pas compte que je suis déjà devant ma porte d’entrée. Les clefs embrassent la forme de la serrure qui ne tient pas sous la pression que je lui inflige.
Je jette mon sac sur le fauteuil et m’écroule juste à côté. J’ai l’impression d’avoir courus le marathon. Que de mieux qu’une bonne douche pour se détendre ? Aussitôt dit aussitôt fait. Mes vêtements se retrouvent par terre un par un et le premier jet d’eau atterrit sur ma peau. L'eau chaude glisse sur moi et comme d'habitude, j’en profite. Une heure plus tard mon petit plaisir prend fin.
Malgré le fait que je ne sois pas allé en cours, je bosse quand même un minimum. Cette fois ci je m’attaque à de la chimie organique. Les molécules danses entres elles et les réactions se suivent. Lorsque je décide de faire une petite pause pour avaler quelque chose, je vois qu’il est déjà seize heure trente. Le téléphone dans une main et le café dans l’autre, je check mes messages, mails et réseaux sociaux pour voir s’il n’y a pas de nouveauté. Un petit détail attire mon attention. En dehors des messages de Célia et Luke me demandant pourquoi j’ai disparu, un autre message, d’un numéro anonyme, saute à mes yeux. Ne résistant pas à la tentation, mon doigt s’aventure dessus et mes yeux défilent sur les lignes.
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