Enquête: Disparition ( 1)

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L’huile lui empestait les narines et collait à son blouson de cuir rapiècé. Ce n’était pas dans le taudis qu’elle louait pour un prix exorbitant, qu’elle trouvait de quoi se rincer convenablement. Remarque, ils n’étaient pas nombreux ceux ayant un logement décent dans la Carapace.

Laissant ses bottes crasseuses à l’entrée, elle balança cette veste, dernier souvenir d’un passé , dans la bassine. Elle tira sur le levier et après un reflux mi-organique mi-mécanique, un liquide argenté surgit avec trop de pression, l’éclaboussant elle et la moitié de la pièce, épargnant sa paillasse.

Elle maudit davantage Tyriel. Cet idiot de mécanicien recycleur l’avait supplié de venir ratraper ses conneries. Résultat, elle se retrouvait couverte d’Orfleur, un joli mot pour qualifier ce qui était avant tout de la merde. Et c’était même pas la première fois qu’il lui faisait le coup. Cette fois, il avait intérêt à la payer rubis sur l’ongle!

Après son blouson, elle enleva le reste de ses vêtements puants. C’était dans ce genre de moment que sa vie à la surface lui manquait. Il y a un an encore, Poldan l’aurait aider à faire disparaîre ces vilaines tâches, sur son bel uniforme d’enquêtrice. Mais il n’était plus là, et s’il l'était, eh bien elle ne serait pas là, nue, épuisée, entrain de s’écorcher les mains, en tentant veinement de faire reluire un peu d’une grandeur renversée. Elle devait s’estimer heureuse que les Asipis ne l’ai pas exécutée, mais cette vie de paria, reléguée dans la ville sombre, ne lui offrait qu’un profond sentiment d’amertume.

Abandonnant son linge dans la bassine, elle s’allongea sur sa paillasse ruminant sa journée et toutes celles qui l’avaient précédée depuis la Révolution.

Trois coup timides retentirent contre ce qui servait de porte à son clapier. À cette heure-ci, il s’agissait sans doute de Clovis. Un bel homme qu’elle avait emballé deux nuits plus tôt. D’habitude elle n’aimait pas trop les timides, mais celui-là s’en était bien tiré. Pas en complimentant ses beaux yeux verts, mais en lui susurant presque honteux, que sa voix roque et son ton cassant le faisait bander. Le jeune manutentionnaire appréciait être soumis, et elle avait été plus que ravie d’exaucer son fantasme. Ce soir, baiser lui ferait le plus grand bien, avec son amant à genoux devant elle près à lui prodiguer la plus profonde des jouissances. Finalement sa tenue était déjà très appropriée. Au moins comme ça Clovis ne se sentirait pas obligé de lui faire la conversation, et ils pourraient passer directement à l’action.

Ebouriffant ses boucles brunes, elle retira le verrou et ouvrit la porte. Pour son plus grand agacement, ce n’était pas son amant qui se trouvait sur le seuil, mais une femme à la large carrure et aux cheveux grisonnant, vêtue d’un uniforme taupe en queue-de-pie trop serré, fort surprise par un tel accueil.

- Oh! Euh Alejandra ? Toussota la nouvelle venue.

Alejandra la connaissait d’une autre vie, du temps où elle fricotait davantage avec des Gouverneurs que des petits manutentionnaires d’élevage.

Il n’y avait pas de jour ni de nuit sous la Carapace, si bien qu’il y avait toujours du passage, et autant ses voisins ne seraient pas choqués de la voir dans son plus simple appareil, autant une Gouverneure sur le pas de sa porte, risquait de faire jazzer.

Alejandra saisi fermemant le bras de la femme et la projeta violemment à l’intérieur. Emporter par son élan et sa prodigieuse musculature, la femme s’écroula sur la paillasse.

- Qu’est-ce que tu me veux Boda ? siffla Alejandra avant que son invitée impromtue n’eut le temps de sauter sur ses pieds rouges de honte.

- Euh, ben pas déjà ce que toi tu avais en tête. Je peux repasser si tu veux.

La journée ne pouvait pas être plus merdique de toute façon, et moins son ancienne amie serait vu dans le coin, mieux ça vaudrait.

- Nan vas-y crache le morceau, l’encouragea-t-elle avant de passer une vielle chemise, afin de paraître un tant soit peu décente.

Boda avala sa salive, ses mains étaient moites, et son inconfort ne semblait pas provenir de son imposante stature dans un espace si étroit. La jeune femme l’avait rencontrée bien des années auparavant, et la seule fois où elle avait été dans un tel état, c’était avant de demander sa femme en mariage. Elle l’encouragea de nouveau, elle n’était certainement pas descendu dans la ville sombre juste pour prendre de ses nouvelles.

- Eh ben voilà, j’ai un service à te demander. T’étais l’une des meilleures enquêtrices d’Eolna, c’est pas juste qu’ils t’aient suspendu mais bon. J’ai besoin que tu retrouves quelqu’un, quelqu’un de très important. Ma fille Hel, elle a fugué.

Le souvenir vague d’une petite fille rousse turbulente traversa l’esprit d’Alejandra. Cela remontait à plusieurs années, elle devait avoir quoi maintenant, quinze, seize ans ?

- C’est la première fois, qu’elle se casse de la maison? soupira l’ancienne enquêtrice qui aurait bien aimé avoir autre chose à se mettre sous la dent qu’une fugue d’ado. Les petites fesses musclées de Clovis par exemple.

- Non mais d’habitude elle revient toujours. On s’est disputées. C’est de plus en plus difficile depuis la mort de sa mère, confia-t-elle. Elle en veut à tout le monde et particulièrement à moi. Elle est partie depuis une semaine. J’ai cherché partout en surface, mais elle est introuvable.

Alejandra fronça les sourcils. Hel ne serait ni la première ni la dernière ado rebelle, à venir défier l’autorité de ses parents dans la ville sombre. Elle en savait quelque chose. À prèsent, elle comprenait pourquoi la Gouverneure avait besoin de ses services. Elle n’avait peut-être pas eut la présence d’esprit d’utiliser un intermédiaire pour la contacter ; plutôt que de se présenter en personne devant sa porte, en uniforme qui plus est ; mais le mal était fait. Il fallait mieux pour toutes deux que Boda retourne prestement à la Colorette, les quartiers de pilotage du grand Amphiptère sur et dans lequel Eolna prospérait.

- Tu as une piste, pour commencer l’enquête ?

- T'acceptes ? s’entousiasma la mère inquiète.

Alejandra se maudit. Elle n’avait pas dit oui, mais ne se voyait clairement pas lui refuser ça ? C’était un petit service qui lui coûterait une journée, deux si la gamine s’était vraiment fichue dans la merde. Elle pourrait en tirer une petit compensation, ou mieux encore un petit service.

- Bon d’accord, soupira-t-elle je vais la retrouver. Mais dis-moi, t’as des contacts à la Vigie. Les miens se sont soient fait exécuter, ou on bien trop peur pour leur statut pour garder le contact avec une paria.

- Je connais une ou deux personne pourquoi? répondit Boda

- J’aurais besoin d’info, mais d’abord je me charge de ta gosse. C'est quoi ta piste?

Boda la serra dans ses bras gigantesques bien plus forts qu’elle ne l’avait espéré.

- Je t'en prie, retrouve là. Je sais qu'elle trainait au Bouiboui. Mais je ne sais pas ce que c'est. Pitié dis-moi que c'est pas un squat puant, où on se drogue ?! supplia la mère horrifiée

Le coeur d'Alejandra se serra à l'évocation du nom de l'établissement. Elle assura à sa vieille amie qu'il ne s'agissait que d'un cabaret, mais se garda bien de commenter sur ce qu'il pouvait se passer dans la moiteur des loges. Heureusement que Boda était venue à elle, plutôt que de s'y rendre elle-même. Une Gouverneure en uniforme casserait l'ambiance, et lae proprio n'aimait pas qu'on vienne lui exiger des comptes.

Légèrement rassérénée par l'échange Boda prit rapidement congé, au grand soulagement d'Alejandra. L'ancienne enquêtrice devrait bientôt saluer une vieille connaissance, qui lui raviverait à n'en pas douter, un passé plus heureux.

Elle contempla ses vêtements toujours mouillés au fond de la bassine. Pour ne rien arranger à cette soirée minable, il semblerait que Clovis lui ait posé un lapin.

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