Enquête: Disparition ( 6 )

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Deux pistes s'offraient à présent à Alejandra. Celle de l'Escurgeon, et celle des Pomtes Dioscure. La seconde lui semblait pour l'heure la plus périlleuse. Les rumeurs enjolivaient la dureté des frères jumeaux supervisant les usines métallurgiques de la ville sombre. Ils faisaient partie des forces maintenant un statu quo violent sous la Carapace, et ce, depuis bien avant la Révolution. Ils ne s'étaient pas cachés d'ailleurs d'avoir largement financé les Maçons, pour leur propre bénéfice.

Alors qu'elle était encore une enquêtrice assermentée par la Vigie, le centre de commandement politique d'Eolna, elle avait fait la désagréable rencontre de Pol, le plus approchable de la fratrie, qui lui avait laissé une impression d'écoeurement. De l'autre frère, Castus, elle ne savait pas grand-chose, à part qu'il passait la majorité de son temps dans son atelier, tandis que son rapace de frère menait leurs affaires. Toutefois, il y avait peu de chance pour qu'ils sachent qu'on volait l'huile minérale de leur usine. Il lui fallait une preuve plus substantielle que le témoignage de Clovis, avant de les avertir. Les Pomtes préféraient qu'on leur serve leur Orfleur sur un plateau, plutôt que de la traquer eux-mêmes.

Alejandra prit donc la direction de la pension de L'Escurgeon. Plus de vingt ans auparavant, elle avait eu l'occasion de goûter en compagnie de son frère, la chair de ce poisson. Oh elle ne l'avait pas trouvé bonne, mais pouvoir la déguster signifiait que son père avait pris de l'avancement auprès des Apôtres, et donc que ses enfants pouvaient espérer un jour faire partie de la haute société d'Eolna, et vivre encore plus haut dans les nuages. Elle pouvait parier que le fondateur de la pension, n'avait fait que rêver de ce poisson.

La façade de l'établissement à deux étages, aurait bien eut besoin d'un coût de frais, comme à peu près tous ceux de la ville sombre. C'était un des prix de vivre dans la moiteur d'un corps de milliers de tonnes, volant à travers le ciel.

Alejandra ne s'était jamais servi de son arme, quand elle était encore en fonction. Pourtant son poids contre ses côtes l'avait toujours rassuré. Encore un autre privilège perdu. Si les saboteurs possédaient un minimum de cervelle, ils auraient déjà quitté les lieux. Néanmoins la prudence restait de mise.

Un vieux réceptionniste bedonnant fumait tranquillement une cigarette, sans se soucier de savoir si la fumée âpre dérangeait qui que ce soit. Le bougre ne fut pas long à débité ce qu'il savait, contre une généreuse somme. Il confirma la version de Grim. Il était venu accompagner d'une certaine Nephtys, qui louait l'appartement au deuxième étage depuis deux semaines. Le vieil homme prétendait ne pas surveiller les aller et venus de ses pensionnaires, mais il pouvait dire que quatre autres personnes avaient été dans l'appartement. Une femme assez âgée "plus ridée qu'une pomme", un quarantenaire sentant l'usine de déchets, et homme plus jeune qui trimbait un gros sac. Chacun ne restait pas plus de quelques heures, mais il y avait toujours quelqu'un dans l'appartement, jusqu'à que la vieille femme rende les clés au nom de sa petite fille, quelques heures à peine avant l'arrivée d'Alejandra.

L'enquêtrice soupira et se satisfit de ces descritpions parcellaires à défauts de nom, puis demanda à inspecter le fameux appartement. Le réceptionniste écrasa son mégot dans un cendrier, gromela pour la forme, avant de se saisir d'une clé et de la précéder dans l'étroit escalier.

La porte métallique grinça sur ses gonds. Alejandra qui s'attendait à pénétrer dans un dépotoir, dû admettre que le reste était malgré tout bien entretenu. Ce n'était pas le grand luxe, mais les chaises tenaient bien sur quatre pieds, les draps du lit paraissaient propres, et l'évier de la cuisine n'était pas bouché par de l'Orfleur.

- Il y a une autre pièce derrière la porte coulissante. La salle de bain est juste à côté, informa le réceptionniste.

- Vous êtes venue ici depuis que leur départ, vous avez touché à quelque chose? s'enquit l'enquêtrice.

- J'suis rentré dans cette pièce pour voir si s'était pas le bordel. En fait ils ont même fait le ménage. C'est même mieux que quand la petite est arrivée.

Ils avaient nettoyé leurs traces pour sûr. Personne ne se montrerait si consciencieux pour rendre ce genre d'appartement en si bon état. Ils étaient restés deux semaines ici, il y avait forcément quelque chose à trouver. D'un regard appuyé elle congédia le réceptionniste, qui accepta de lui laisser une heure de paix.

Alejandra avait déjà dû opérer sur ce genre de scène de crime. Cela remontait à peu près à huit ans en arrière. Elle était alors l'adjointe de l'enquêteur Rioma. Il avait aiguisé ses sens à percevoir la moindre incongruité en tout lieu, et l'appartement de l'Escurgeon n'en manquait pas. Un examun approfondi de la pièce principale lui apprit que plusieurs couverts avaient disparus. Des locataires particulièrement dans le besoin auraient pu les voler, mais ça n'avait pas l'air d'être le cas d'Hel et ses comparses. De plus ce type, de breloque ne valait rien dans la ville sombre. Non s'il avait quelque chose de précieux à emporter, c'était un petit coffret en bois gravé juste à côté du lit. En effet il n'y avait pas de forêt sur Eolna. Cette matière était importée depuis d'autres Amphiptères, et coutait la peau des fesses, même pour un si petit objet qui tenait dans une paume. Il provenait à coup sûr de la surface. Le dessous du coffret vide confirma l'hypothèse d'Alejandra. Le nom d'Hel y avait été gravé. Pourquoi l'avait-elle laissé ici ? Mystère.

L'enquêtrice se dirigea ensuite vers la porte coulissante. Pas de lit cette fois, mais un hamac en toile usée par le temps. À part cela, la pièce était entièrement vide, beaucoup trop propre. Se mettant à genoux elle examina le sol. Pas la moindre anfractuosité ou cache. Elle nota cependant des rayures, quatre rayures en carré pour être précise, comme ceux d'une chaise qu'on aurait déplacée et remise à sa place des dizaines de fois. Mais de chaise nulle trace. Encore une disparition d'objet étrange.

Tentant de visualiser la position de l'objet grâce aux traces, Alejandra déduisit que la chaise avait été régulièrement trainée jusqu'au centre de la pièce. D'instinct elle leva les yeux. Des moins expérimentés, si seraient trompés, mais l'enquêtrice discerna un léger écart entre deux dalles du plafond. Voilà la cache des saboteurs.

Elle alla prendre la chaise de la pièce principale et la ramena dans celle au hamac. Puis la plaça sous la plaque suspecte, et monta sur la chaise. Le plafond n'était par chance pas très haut, et en s'hissant sur la pointe des pieds, elle put déceler la plaque déchaussée, constituée d'un alliage bien plus léger que le reste. La plaque coulissa et deux phénomènes inquiétants se produisirent successivement. Tout d'abord la résistance d'un fil collé à la plaque céda, suivie par un petit et néanmoins terrifiant: " clic".

Alejandra n'eut que le réflexe de se jeter à terre, alors que le plafond s'effondrait sur elle.

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