Code: Nepthys ( 2 )
Hel retenait son souffle. Les ondulations de l'eau contre sa peau nue la nettoyant de sa crasse. Elle se sentait presque en paix, jusqu'à ce que les visions d'horreur ne lui reviennes. Ce pauvre homme brûlé par l'acide, étendu au milieu des coquilles et chairs d'embryons d'amphipousse. Soudain l'eau trembla, propageant les coups étouffés contre la paroi de la baignoire en cuivre. Hel émergea brusquement de l'eau, prête à saisir le poignard à portée sur le tabouret. Elle hésita cependant, car on lui avait présenté la personne présente comme de relative confiance.
Au vu de l'expression de profond agacement de lae proprio du Bouiboui, elle n'était pas certaine de rester longtemps la bienvenue.
- Rapelle-moi ton nom jeune fille.
- Euh, Hel. Euh non Nepthys, Monestre, balbutia-t-elle.
- Dans ce cas, n'hésite jamais à t'armer Nepthys, conseilla Jez en avisant le poignard. Maintenant grouille toi. Faut qu'on parle.
Iel sortit de la salle de bain, laissant toute son intimité à la jeune fille désemparée, pour s'habiller et trier ses émotions. Jez avait raison, dans la ville sombre elle ne pouvait pas s'apesantir sur le passé. Elle avait une mission, on l'avait prévenue des dangers et des inévitables dommages collatéraux. Elle ne pouvait blâmer que sa propre naïveté.
Il manquait une manche à sa tunique, et le pantalon trop large, mais au moins, les bottes étaient ajustées avec des plaques de métal sous les semelles, qui lui permettraient de marcher su rla chair nue de l'amphiptère, sans prendre le risque d'y rester collé.
Elle entrouvrit la porte, reconnaîssant les voix de Jez et Jalud.
- C'était stupide d'impliquer une gamine surfacienne, elle attire l'attention, affirma lae proprio du Bouiboui.
- Vous prêchez un converti, mais la gamine voulait prouver sa valeur, et vous-savez-qui a validé le plan, soupira Jalud.
Jez maugréa quelque chose que la jeune fille ne saisit pas. Elle allait signaler sa présence quand Jez reprit :
- Sa mère a recruté une ancienne enquêtrice de la Vigie pour la retrouver.
Hel manqua une respiration. Mom voulait la retrouver, après toutes les horreurs qu'elle lui avait balancées à la gueule. Elle poussa la porte pour entrer dans un petit salon sobrement aménagé de quelques bibelots et meubles sans autre sortie apparente, le tout éclairé comme à l'ancien temps avec des bougies, comme celles utilisées pour les cérémonies religieuses des Apôtres, enfin, jusqu'à ce qu'ils soient tous jetés dans le vide par les Maçons. Hel trouvait cela dommage car elle avait toujours admiré les regarder se consumer, en répendant des senteurs exotiques.
Un tiers du salon était occupé par une vieille causeuse en bois et aux tissus défraîchis, sur laquelle Jez était affalé.e, une clope entre les lèvres. Jalud, lui, était appuyé nonchalamment contre une table et lorgnait du côté d'un présentoir de bouteilles bien garni. Propre, il avait bien plus fière allure, et sa moustache rasée semblait transformer totalement son visage. Il lui offrit un sourire qui ressemblait davantage à une grimace. Hel se tourna vers Jez, qui la fixait du coin des yeux tel un faucon se gossant du moineau ne sachant pas encore voler.
- Ma mère, elle veut vraiment me revoir ? demanda Hel d'une voix qu'elle jugea trop puérile.
- Vu qui elle a engagé, elle espére bien te ramener par la peau des fesses s'il le faut, commenta Jez en expirant sa fumée. - Je connais bien l'enquêtrice en question, elle ne lâchera pas facilement l'affaire. Ecstasy lui a dit que tu tournais autour de Grim.
Hel resta estomaquée quelques secondes, une vague de colère déferlant en elle.
- Pourquoi vous l'en avez pas empêché ?! Vous mettez sciemment toute l'organisation en danger !
Lentement, Jez se redressa, écrasant son mégot au sol. Le faucon était prêt à frapper.
- Baisse d'un ton gamine. Si vous êtes là, c'est parce que personne ne connaît mes allégeances. Tout le monde pense que je suis qu'une ordure cupide, prête à garder ou divulguer n'importe quel secret tant qu'on me paye bien.
- Ce qui est pas faux, commenta Jalud.
Jez l'ignora, reprenant sa tirade presque menaçante.
- Si je n'avais pas donné d'info à Alejandra, elle aurait trouvé ça suspect et mis son nez dans mes affaires. Ce n'est pas quelqu'un dont il faut être l'ennemi. Qu'elle perde son temps aux élevages, vous serez déjà loin d'ici.
- Si Grim est en vie et parle, elle peut facilement remonter notre piste, réalisa la jeune fille.
- Elle ira p'être à l'Escurgeon, mais j'te l'ais dis, le gars qu'on a engagé est un pro. Y restera pas grand chose de cette fouille merde, déclara Jalud.
Hel crut discerner un léger spasme dans les yeux de Jez, mais iel se reprit aussitôt s'enfonçant encore plus profondément dans le rembourrage de la causeuse.
- Votre problème pas le mien, mais y a des chances que le lieutenantGrim soit en vie, ajouta-t-iel jouant avec son pendantif.
- Comment vous la savez ? s'étonna Hel.
- Le bureau de la Superviseuse essaye de couvir l'attaque. Il me paye grassement pour faire courrir la rumeur que c'est qu'un léger problème de maintenance. Ça devrait tenir un cycle ou deux. Mais s'il y avait eut des morts, le prix serait bien plus élevé. Alors, soulagée ?
Hel revit l'homme brûlé. Il avait survécu, sa mort ne pèsera pas sur sa conscience.
- Y a des cicatrices pire que la mort, énonça sombrement Jalud.
Jez leur accorda encore trois heures avant de débarrasser le plancher. Iel lança un dernier regard structateur à la jeune fille, en lui fourrant dans les mains des ciseaux et une bouteille de teinture. Hel ne se détendit que lorsqu'iel quitta la pièce par une porte dérobée, dissimulée derrière le présentoir à bouteilles.
De retour dans la salle de bain, Jalud entreprit de lui faire une nouvelle coupe de cheveux qui la ferait passer inaperçue. Elle était encore chamboulée, et puisque ses dernières décisions ne s'étaient pas révélées des plus avisées, elle fit confiance à sa créativité. Il sifflota gaiement tout du long. Sa Mom le faisait aussi quand elle brossait sa tignasse. Hel aimait tellement ce son qu'elle ne s'était jamais plainte, même quand elle lui tirait les cheveux.
- Tada ! Alors, j'ai pas trop perdu la main ?
Hel s'examina dans le miroir qu'il lui tendait. Ou non, pas Hel. Nepthys. Hel pouvait rester là, blottie confortablement dans son innocence, mais Nepthys avait une mission, et elle ne laisserait pas des imprévus, ou les jugements d'inconnus, l'en dissuader.
Elle fit donc la connaissance de sa nouvelle apparence. Des cheveux noirs asymétriques, avec la nuque complètement rasée. Ce n'était pas parfait, mais Jalud avait l'air si fier de son ouvrage, qu'elle n'osa pas lui gâcher ce plaisir. De petites larmes montèrent même à ses yeux, qu'il essuya prestement.
- Tout va bien ? s'inquiéta Nepthys.
- Oui, juste de vieux souvenirs. Aller, faut qu'on se bouge, occulta-t-il en s'éloignant.
Sans poser plus de questions, elle obéis et chargea son sac sur l'épaule. En se retournant, elle vit Jalud mettre une bouteille de vodka dans le sien.
- Tu es sûr que Jez est ok pour que tu prennes ça ?
- Bien sûr que non. C'est mon truc, je peux pas m'empêcher de chiper des trucs. Ça me perdra. Aller gamine, on y va. Les Maçons ne vont pas se dégager tous seuls.
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