Enquête: Disparition (7)
Elle ouvrit les yeux sous une lumière blanche, trop intense. Elle grimaça, provoquant un tiraillement de douleur, se propageant dans son torse et dans son bras droit. Un cri déchira sa gorge. Une silhouette apparue au-dessus d'elle. Toujours sous le choc de l'explosion, Alejandra perçut une voix, sans en discerner les paroles.
Elle dut perdre à nouveau conscience, car elle se trouvait à présent dans une pièce à la lumière tamisée. Un néon agaçant tressautait. Elle tourna la tête espérant apprendre où elle se trouvait, mais fut immédiatement prise de nausée.
- N'essayez pas de vous lever. Vous êtes trop faible encore, lui conseilla une voix connue.
Une femme vint s'asseoir à côté du lit inconfortable sur lequel la blessée avait été installer, et truffée de tuyaux et d'électrodes. Alejandra peina à fixer sa vision assez précisément pour reconnaître la femme à la peau pâle et aux cheveux carmin intenses.
- Super...bi, Superpiseuse, bredouilla-t-elle
- C'est toujours Errin pour vous. Ne faites pas d'effort inutile. Vous êtes à l'infirmerie des élevages. Vous l'avez visitée un peu plus tôt.
Errin perçut son incompréhension, car elle reprit :
- Un contact nous a avertit que l'Escurgeon serait surement piègé. Rochi vous a suivi. Il était au rez-de-chaussée quand la bombe a explosée. Si vous êtes encore en vie c'est grâce à lui.
Le colosse ? Il devait avoir un sacré talent pour se dissimuler, car elle n'avait jamais senti sa présence. Une main sortant d'une manche blanche, approcha un instrument des yeux de la patiente, en testant les réflexes oculaires.
- De quoi vous souvenez vous ? l'interrogea la Superviseuse.
- Bombe, bredouilla la blessée.
- Oui, nous sommes au courant. J'ai envoyé une équipe inspecter la planque. Ils ont rapporté les restes du dispositif, nous allons le faire examiner. Mais je dois savoir si...
Soudain, Alejandra fut prise de tremblements incontrôlables, et failli chuter sur le sol.
- Vite, inoculez lui le sérum! ordonna Errin.
- Il n'est qu'expérimentale, ça pourrait la tuer ! plaida un infirmier.
- Elle va mourir si vous ne faites rien! Donnez- lui ce foutu sérum !
L'infirmier obtempéra. Quelques secondes plus tard, Alejandra sentit du liquide s'écouler dans ses veines, et l'écume aux lèvres, ressombra à nouveau dans l'inconscience.
Ses poumons engloutirent l'air comme si elle était sur le point de noyer. Alejandra se redressa violemment, arrachant tubes et électrodes sur sa peau. Les silhouettes des autres occupants de la pièce tanguaient comme lorsque Eolna traversait des turbulences.
- Que m'avez vous fait ? réclama la blessée devenu malgré elle, un sujet d'expérimentation.
- Calmez-vous, l'implora Errin. Vous encaissez bien le traitement. Vos os se sont ressoudés.
Alejandra était prête à lui coller son poing dans la figure, mais elle s'aperçut alors que la Superviseuse disait vrai. Elle ne soufrait plus d'aucune fracture, même ses côtes s'étaient reformées. Elle essaya de descendre du lit d'hôpital, mais l'air autour d'elle était aussi résistant que de l'eau. Elle bascula en avant et ne fut retenu que par les infirmiers, qui la forcèrent à se rasseoir le temps que le vertige passe.
Quelques instants plus tard, Errin leur ordonna de la laisser seule avec l'enquêtrice.
- Vous allez m'expliquer ce qu'est ce foutu sérum, oui ou merde ? s'impatienta Alejandra qui n'était vraiment plus d'humeur à faire preuve de courtoisie et de déférence.
- Pour la faire courte, des cellules souches d'Amphiptères. Depuis des années des scientifiques cherchent à utiliser leurs capacités régénératives, et l'appliquer aux humains. Il n'y a qu'à vous regarder pour constater qu'ils ont réussi. Les ecchymoses guériront avec le temps, mais personne ne serait capable de dire qu'hier vous vous êtes prit un toit sur la tête.
Deux émotions violentes s'opposaient dans l'esprit d'Alejandra. D'un côté, elle savait qu'elle devait se montrer reconnaissante envers Errin pour s'en tirer à si bon compte, de l'autre elle se sentait utilisée, souillée par ce sérum qu'elle sentait couler dans ses artères.
- Il y a des effets secondaires ?
- Les vertiges et la sensation de lourdeur, devraient perdurer encore quelques cycles. Le reste devrait aller, si vous ne tirez pas sur la corde pendant les prochains jours.
Alejandra songea alors à Clovis. Était-il toujours ici, alité, la moitié de son corps rongé par l'acide ?
- Pourquoi moi ? Vous ne manquez pas de cobaye dans le coin, fit-elle remarquer.
- Ils ne sont pas aussi utiles que vous. Vous étiez sur la piste de la gamine, avant de manquer de vous faire exploser. Dites-moi ce que vous avez appris, avant que je regrette de vous savoir épargner des mois de convalescence douloureux.
Du pur pragmatisme. Voilà une chose que comprenait l'enquêtrice. Un instant elle avait craint que la Superviseuse est éprouvé un brin de compassion. Vu son poste il fallait mieux en être dépourvu.
Alejandra lui fit son rapport sur l'état de son enquête. Des témoignages de Grim et Clovis, à sa malencontreuse exploration de l'appartement de Escurgeon. Errin analysa ses informations, entortillant machinalement une méche de cheveux rouge entre ses doigts.
- Très bien. L'Ordonnatrice ne commence son inspection que dans trois cycles, cela nous laisse encore du temps. Vous allez vous rendre chez les Dioscures, voir ce que vous pouvez en tirer. Quant à moi, je vais faire analyser les restes d'explosifs. Si on sait ce qu'ils contenaient, on pourra remonter jusqu'au fournisseur.
- Je connais quelqu'un. Un petit réparateur du nom de Tyriel, proposa l'enquêtrice.
- Vous lui faites confiance ?
- Pas vraiment. C'était un de mes indics dans une ancienne vie. Dernièrement, il me doit pas mal de services. Dites-lui que s'il coopére, j'efface sa dette.
Errin opina du chef et ouvrit la porte. Alejandra prit sa suite, mais les muscles de ses jambes semblaient peser une tonne. Si bien que la Superviseuse se résolût à appeler son garde du corps.
- Rochi va vous emmener en amphipousse jusqu'à la manufacture des Dioscures, déclara-t-elle d'un ton qui ne souffrait aucune contradiction.
- Vous dépensez beaucoup de temps et d'énergie pour impressioner une patrone, que vous ne connaissez pas, souligna Alejandra tandis que Rochi l'aidait à s'installer sur le siège passagé.
En temps normal, elle se serait abstenue d'une telle remarque. Ce foutu sérum lui faisait vraiment un drôle d'effet.
- Je suis comme vous, répondit Errin après réflexion. Je ne suis pas née dans ce dépotoir, et je ne compte pas y finir mes jours. J'espère rentrer dans les bonnes grâces de cette Ordonnatrice sortie de nul part. Si j'obtiens un poste à la surface, je saurai me souvenir des personnes qui m'y ont aidé.
Sur cette compréhension mutuelle, les deux femmes se saluèrent d'un hochement de tête, tandis que l'amphipousse se mettait en branle.
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