Enquête: Disparition (10)

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CW:  Contenu érotique et actes sexuels ( consentis)

Alejandra peinait à retrouver son calme, s'accablant de la bêtise qu'elle venait de commettre. Après une telle démonstration, l'Ordonnatrice ne la laissera jamais remonter à la surface. Même si Errin comptait respecter sa promesse, elle ne mettrait pas sa place en jeu pour sauver ses fesses. Elle avait merdé.

Sans le chercher, elle se retrouva sous un petit préau de tôle à l'arrière du Bouiboui. Dans une autre vie, c'était un minable refuge, quand elle n'arrivait plus à supporter la clientèle du cabaret, ou voir Jez dans les bras de son frère. Elle y fumait un bien meilleur tabac qu'aujourd'hui, son frère la rejoignant pour la taquiner. Pour autant qu'elle le sache, il n'avait jamais rien su de sa jalousie. Poldan avait toujours eu une affection pour ce lieu, pour cette ville sans ciel, qu'elle n'avait jamais vraiment comprise ni partagée. Si les rôles avaient été inversés ce jour-là. Si Perraul avait logé une balle dans sa tête, et que son frère avait vécu, il aurait trouvé le moyen d'être heureux ici, dans le ventre d'une bête avide d'espoir.

- Tiens. Je me fous pas de toi, c'est toujours la meilleure de la Carapace, l'interpella une voix roque dans son dos.

Jez lui tendit une chope remplie à ras-bord, et lui mit de force dans les mains. Alejandra lae remercia d'un signe de tête et but une gorgée. Toujours aussi amère que dans ses souvenirs.

- Y t'es arrivé quoi, pour être dans un tel état ? s'enquit Jez.

Elle ne savait pas si iel parlait de ses blessures, ou du spectacle pitoyable qu'elle venait de donner. La première option lui était moins pénible.

- Pas grand-chose, juste une petite bombe qui m'a explosé à la gueule, éluda-t-elle.

- De ce que je sais, c'était loin d'être une petite bombe. Tu devrais être morte!

- Et depuis quand t'en as quelque chose à foutre ?!

Elle n'avait pas eu l'intention de lae repousser, l'épuissement et l'amertume parlaient pour elle. Jez se détourna pour sentir une flasque d'une poche de sa combinaison moulante. Iel dévissa rageusement le bouchon, et en avala la moitié du contenu.

- Pardon, je... commença Alejandra

- Depuis que ton frère m'a demandé de veiller sur toi. Non, avant ça même. J'croyais qu'on était ami.e.s, ou un truc du genre. Sauf que t'étais aux abonnés absents, et tu te pointes ici au bout d'un an, sans explications, simplement pour poser des questions sur une gamine.

- T'avais pas l'air de m'en vouloir pourtant.

- P'être parce que ça me faisait plaisir de te revoir ! P'être parce que c'est mon putain de job de cacher mes sentiments !

Iel jeta violemment sa flasque qui s'éclata contre un mur. Ses membres tremblaient, et durant une demi-seconde, Alejandra craignit qu'iel défoule sa rancoeur sur elle. Ce n'était pas son genre. Jez inspira profondément pour se calmer, mais lui tournait toujours invariablement le dos.

- Excuse-moi. J'viens de voir ma mère. Ça me met à cran.

Elle n'était même pas au courant qu'iel avait une mère, ou même de la famille. Aveu de confiance ou moment de faiblesse. Qu'importe, Alejandra comprit que si elle voulait conserver un semblant d'amitié, elle devait offrir quelque chose en retour. Elle posa la chope au sol. Ne sachant quoi dire, elle vient se placer derrière Jez, et avec précaution passa ses bras autour de sa taille. Elle huma son parfum. Un mélange de bière, de tabac et d'orange. C'était trop intime, trop tôt, trop vite. Alejandra commença à s'écarter, mais Jez retint ses mains sur son ventre. Iels partagèrent plusieurs respirations ainsi.

- Je suis désolée de ne pas être revenue. C'est juste que toi, cet endroit, tout me rappelait Poldan. Il l'adorait et il t'adorait toi, confessa-t-elle tout bas.

- Pas assez visiblement. J'étais tellement en colère quand il m'a annoncé que vous alliez vous battre pour les aristos qui exploitaient cette ville.

- Les Maçons ne font pas mieux, tenta de se dédouaner Alejandra.

- Je sais. C'est juste que je pensais compter plus que son devoir. Il me manque, soupira Jez.

- À moi aussi.

Un silence chaleureux s'installa. Alejandra ne percevait plus la clameur du cabaret ou de la rue, ni les bourdonnements des machines, ni la respiration d'Eolna. Même les tiraillements de son corps s'étaient apaisés. Dissimulée à la vue des curieux, Jez entre ses bras, reposant sa nuque contre son épaule, elle éprouvait un sentiment de bonheur incomplet. En cet instant, elle savait ce qu'il lui manquait, et que pour l'obtenir, elle devait risquer de perdre.

- J'ai besoin de t'avouer quelque chose, mais s'il te plaît ne te moque pas de moi. Promis ?

- D'accord, c'est promis, sourit Jez.

- Je... c'est que...si je suis pas revenue, c'est aussi parce que... merde. Toi et Poldan, vous étiez bien, mais je...

- Laisse-moi deviner. Tu pensais que je le méritais pas, que je voulais le corrompre ou un truc du genre. Tu étais mignonne dans le rôle de la soeur inquiète.

- Non. Pas la soeur inquiète, la soeur jalouse, corrigea-t-elle.

Jez se retourna, l'air perdu.

- J'étais jalouse de lui. J'avais envie que ce soit pour moi, que tu offres des verres gratuits, confessa enfin Alejandra.

Elle se sentait aussi pathétique qu'une adolescente, mais Jez avait très bien compris son aveu à demi-mot. La balle était dans son camp. Iel resta impassible une bien trio longue minute, avant de passer ses bras autour de la femme, et de l'attirer contre son corps.

- Oh petit criquet, je t'offrirai tous les verres que tu veux. Mais est-ce que tu me veux encore ? chuchota-t-iel dans un trémolo.

- Embrasse-moi et tu le sauras, répondit-elle du bout des lèvres.

Jez prit son visage entre ses mains, et Alejandra eut l'impression de lae voir pour la première fois entièrement, sa force et ses cicatrices pleinement dévoilées. Sa bouche se posa timidement sur la sienne, comme une erreur. Elle ne pouvait s'en contenter. Délaissant ses hanches, Alejandra prit entre ses doigts la mâchoire de Jez, et intensifia leur baiser.

Le désir monta, et à la plaisante surprise d'Alejandra, Jez la poussa jusqu'à l'appuyer contre le mur. Elle lâcha un gémissement de douleur.

- Pardon, ça va aller ? s'inquiéta Jez.

Pour toute réponse Alejandra l'embrassa de nouveau passionnément. Elle ne comptait pas être raisonnable. Jez la faisait vibrer bien mieux qu'aucun homme ne l'avait jamais fait. Elle écarta les jambes, et Jez répondit à son invitation en y glissant sa cuisse. La pression mouvante excitait Alejandra qui, cette fois gémit de plaisir.

- Pas mal, pour "miss je mouille que quand j'ai un mec attaché au pieu", commenta Jez tout en renforçant la pression d'un coup de bassin.

- Jez, attache-moi à ce que tu veux, mais pitié déshabilles moi !

- Ici ? J'ai du mobilier bien plus amusant à l'intérieur, proposa-t-iel.

La vision exquise d'elle et Jez en train de s'ébattre sous la lumière tamisée de sa loge privée, dissimulée par un simple rideau, s'imposa à elle.

Rouge et humide d'excitation, tous ceux qui prêtèrent attention à leur entrée dans le cabaret purent deviner leur projet. Alejandra s'en fichait. Sa main dans celle de Jez, elle se laissa guider à l'étage non sans quelques pauses baiser ou tripotage. Heureusement, le public était focalisé sur la prestation démante d'Ecstasy.

Une fois sur la mezzanine, Jez fit signe aux quelques occupants des loges de vider les lieux, et d'aller profiter des boissons gratuites au bar. Une fois les derniers clients mécontents ayant quitté le planché, Alejandra retira sa veste et déboutonna sa chemise avant de s'allonger lassivement sur la table de la loge. Jez observa le spectacle en contrebas quelques secondes, avant de la rejoindre, une lueur de doute dans le regard. Alejandra emprisonna ses hanches entre ses jambes, voulant ranimer l'ardeur atténuée par ce léger retard, mais rien n'y fit. Les baisers de Jez étaient réservés, ses mains osant à peine explorer sa peau nue. Alejandra en suspectait la cause. Elle mit fin au baiser, et se redressa. Assise sur la table, elle ne libéra pas Jez de l'étreinte de ses cuisses, l'obligeant à lui faire face.

- Eh. Est-ce que j'ai des raisons d'être jalouse de l'autre barde aux cheveux roses ?

- Ecstasy ? Non, pas du tout, d'où tu vas chercher ça ?

Elle ne savait pas pourquoi, mais même si Jez semblait sincère, elle n'arrivait pas tout à fait à lae croire.

- J'ai vu comment tu l'as matais la dernière fois. Et même là, je suis prête à faire toutes les positions les plus scandaleuses avec toi, et toi tu t'arrêtes pour la regarder jouer !

Des larmes lui étaient montées aux yeux sans qu'elle s'en rende compte. Elle les essuya violemment et reboutonna sa chemise. Jez lui saisi les mains et les porta à ses lèvres.

- Non, attends, écoutes moi petit criquet. Il n'y a rien entre elle et moi. Bon j'admets j'ai tenté ma chance, mais elle m'a repoussé.

- Alors pourquoi tu hésites s'il n'y a personne d'autre ?

À cette question, iel sembla meurtri. Jez prit délicatement le visage d'Alejandra entre ses mains et posa son front contre le sien. Elle comprit que ses prochains mots lui en coûtaient.

- Alejandra, toi et moi je veux pas que ça soit juste une putain de bonne baise. Je veux plus. J'ai déjà eu le coeur brisé, alors j'ai une question, et faut que tu répondes franchement. Si cette lèche-aristo t'avait proposé un poste à la surface, tout à l'heure, tu l'aurais accepté ?

Le silence d'Alejandra valut mille réponses.

- Je vois, conclu Jez. Je m'en doutais, mais je sais pas. J'me disais qu'au bout d'un an, t'aurais trouvé quelque chose à aimer dans ce "dépotoir". Moi par exemple.

- Attends! supplia Alejandra. Je lui ai dit d'aller se faire voir. Jamais elle ne me donnera l'occasion de remonter.

- C'est pas la question. Je veux pas être un foutu lot de consolation. Surtout qu'on sait que tu voudras toujours retrouver ta vie d'avant, aussi merdique qu'elle était.

Alejandra haleta. Ça ne pouvait pas se terminer ainsi. Tandis que Jez se dégageait de ses jambes, elle lae retint une dernière fois. Elle aurait pu être douce, rassurante, enjôleuse, mais ce fut son aigreur et sa frustration qui prirent le dessus.

- Tu ne peux pas comprendre, tu n'as jamais vu le ciel, cracha-t-elle.

- Je n'ai pas besoin de le voir pour savoir qu'il y a autant d'ordures là-haut qu'ici, répliqua Jez en s'écartant définitivement.

Alejandra lae fixa passer l'encadrement de la loge, s'appuyer contre la rambarde et regarder le final d'Ecstasy. Elle se rhabilla prestement, les larmes coulant sur son visage. Quand elle passa à sa hauteur Jez ajouta en lui tournant toujours le dos.

- Ne viens plus me demander des services, petit criquet. Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver.

Trop fière, elle sécha ses larmes et quitta le Bouiboui sans se retourner.

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