Enquête : Disparition (12)
Tyriel n'était pas ici de son plein gré, à l'évidence. Attaché et molesté, du sang gouttait de ses mèches brunes, et sa paire de lunettes aux verres circulaires et teintées, pendait lamentablement sur une de ses oreilles.
- J'imagine que vous n'aviez pas d'autre choix que le mettre dans cet état, énonça Alejandra.
À présent, elle discernait les discrétes tâches rougeâtres, incrustées entre les plaques de métal et les rouages des prothèses de Perraul.
- Effectivement. Mais ne le pleigner pas trop. Attendez un peu de savoir ce qu'il a à dire, rétorqua-t-il sans le moindre remord.
L'enquêtrice n'était pas étrangère à l'usage des mauvais traitements sur les témoins. Lors de leur première entrevue, elle avait appris alors qu'il était aussi tendre qu'un nouveau-né, prêt à craquer avant le premier de ses os. Le Commandant avait évacué sa frustration sur lui. Un vrai travail de brute.
Alejandra souleva son menton. Ses doigts collèrent au sang coagulé dans sa barbe. Il émit un gémissement prouvant qu'il était toujours vivant. Ses paupières s'entrouvrirent et il la reconnut.
- Al... toi...je.
Il sursauta lorsqu'il aperçut les reflets du bras qui l'avait si facilement passé à tabac.
- C'est bon, il te fera rien. Tant que tu parles, assura l'enquêtrice avec plus de dureté qu'elle ne l'aurait escompté.
- J'ai crus... qu'tétais morte, soupira-t-il.
- Il faut plus qu'une bombe pour me tuer.
- Ma bombe...
Alejandra encaissa la nouvelle, se contenant pour ne pas lui faire sauter la tête à son tour.
- C'est toi qui as failli me faire sauter !?
- Pas de traces... j'savais pas que... tu y serais.
Elle inspira profondément, tentant de réprimer l'envie de l'achever. Tyriel pouvait se révéler utile, en particulier quand sa vie était dans la balance.
- Écoute bien si tu veux t'en tirer. Tu vas répondre à mes questions, sinon je demande à l'autre enclume d'éclater ta face de traître.
Tyriel opina en gémissant. Alejandra entendit Perraul grogner sa désapprobation feinte.
- On commence facile donc. Qui sont-ils et que veulent-ils?
- J'sais pas. Ils m'ont payé pour... arh... faire des bombes. C'est tout. Ils m'ont rien dit d'autre.
Qui qu'ils soient, ils ne manquaient pas de fonds, mais cette information ne lui était d'aucune aide pour le moment.
- Je vois, mais tu les as rencontrés. Tu peux me dire quoi sur eux ?
- Ils utilisaient des noms de code. J'ai vu qu'un homme, une vieille et une gamine
- La gamine, qu'est-ce que tu peux me dire sur elle ?
- Nepthis... je crois que c'est comme ça qu'elle s'appelle. Ils m'ont demandé de lui apprendre à utiliser des outils... et aussi de la soudure. J'sais pas pourquoi, admit-il.
Alejandra fronça les sourcils. Pourquoi Hel aurait-elle besoin de ce savoir, en prévision d'un prochain coup ? Dans ce cas il fallait agir rapidemment.
- Où et quand tu l'as vu ? reprit-elle
- Aujourd'hui au début du 4e cycle. J'sais pas où... Ils m'ont mit un sac sur la tête sur le trajet.
Perraul grogna un son étouffé, que l'enquêtrice ignora. Le calcul était simple. Les deux tiers du 4e cycle s'était écoulé, donc Hel avait rencontré Tyriel seulement trois ou quatre heures auparavant. Son avance se réduisait. Restait encore à la localiser. Soudain Perraul lança son poing dans le ventre de Tyriel.
- Menteur ! hurla-t-il. Je t'ai suivi et à cette heure là tu cuvais comme un clochard dans une impasse !
Le prisonnier, crachant du sang ne contexta pas. La hargne dans ses yeux percuta Alejandra comme une gifle.
- Ty... Tyriel, pourquoi tu joue à ça ? l'interrogea-t-elle dépitée.
- Parce que t'en a rien à foutre de moi, ou de n'importe qui. T'es prête à tout pour retourner à ton petit paradis. T'as vu qui est à tes côtés ?
- Je vois, conclut Alejandra en se tournant vers le Commandant pour le mener à l'écart.
- Prête à tout hein ? répéta Perraul.
Le silence d'Alejandra fut éloquent. Les fausses amitiés volaient en éclat. Tyriel l'avait doublement trahit le premier. D'abord en construisant la bombe qui avait manqué de la tuer, puis en lui en mentant effrontemment. Elle se blâmerait plus tard de l'avoir crut, pour l'heure elle allait lui rendre l'appareil.
- J'ai besoin de votre arme.
Perraul l'observa attentivement, cherchant à deviner ses intentions. Quoi qu'il perçut, il fini par lui tendre le pistolet, qui s'avéra bien plus léger qu'elle ne l'aurait cru.
- Il n'y a qu'une balle, précisa-t-il.
- Parfait.
Elle se retourna et mit Tyriel en joue.
- Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ? demanda-t-elle sans émotion.
- Quand tu seras là-haut... Penses à moi pétasse, prononça-t-il avant que la balle ne traverse son front, et que sa cervelle gicle sur les murs.
- Wahou, et dire que c'est moi qui tue de sang-froid, ironisa Perraul en reprenant l'arme.
Alejandra détourna les yeux du cadavre de l'homme qu'elle aurait pu considérer comme un ami, se répétant qu'elle lui avait évité une fin bien plus atroce. Quelques secondes plus tard et son esprit n'y songeait déjà plus, accaparé par les détails insolites.
- Une seule balle, pourquoi ?
- Il n'en faut pas plus pour abattre quelqu'un. J'aurais put l'utiliser sur vous, mais vous ne faisiez pas partie du contrat, expliqua le Commandant.
- Vous deviez le tuer, pour le compte de qui ?
- Le Pomte Mandrin en personne. C'est le service que je devais rendre en échange desn aide dans ma libération.
Alejandra avait toujours eu affaire à des subalternes de Mandrin. Il était le Pomte des réseaux de contrebande, et assez talentueux pour que ses circuits arrosent même les autorités de la surface, qui tiraient des bénéfices de ses trafics. On le disait miticuleux et paranoïque. S'il s'était présenté lui-même à Perraul, cela signifiait qu'il tenait vraiment à la mort de Tyriel, et qu'il ne laisserait aucun témoin en vie, y comprit les assassins de sa cible.
- J'espère que vous avez un plan pour sauver nos peaux ? dit la femme d'un ton grinçant.
- Moi non, mais vous oui. Vous aller faire une offre, que le plus grand criminel de cette cité ne pourra pas refuser.
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