Renaissance
Le voici dans son berceau, entouré de tous les soins. Il dort dans son costume de papier recouvert d’une peau de mouton. Nourri à l’encre de Chine, il rêve de voyages en Extrême-Orient, d’aventures, de poésies et d’amour, il veut changer le monde. Bientôt, il est livré à lui-même, prend sa liberté. Il est admiré, convoité et finalement acheté. Il voyage de main en main sous le regard bienveillant de multiples possesseurs. On l’échange, on le prête, on le revend, on le donne, on le maltraite et, finalement, on le jette. Ballotté comme un vulgaire chiffon, il s’éloigne de son enfance, c’est bientôt la délivrance. Les mots s’échappent de son corps, il est à l’article de la mort, c’est le dernier chapitre, le mot de la fin. Soudain un tourbillon l’emporte, il rêve, il est sur les flots, il rame, il perd ses feuilles, avant de couler, il essaie de crier, mais il n’y a pas d’écho. Il est pris dans un étau et broyé, tout semble terminé portant le calme revient. Espoir. Le ciel s’éclaircit, il flotte à nouveau, retrouve sa beauté et l’éclat de sa jeunesse. Une douce chaleur l’enveloppe. Un souffle de brise sèche ses larmes. Son papier blanchit. Son retour à la vie va faire couler beaucoup d’encre, on parlera de lui. Le voici recyclé, adieu papier jauni, pages déchirées, il est prêt pour une nouvelle vie.
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