14.    Romance - Partie 1

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  • Dorian ne fait pas ça !

Syphilis, perchée sur son épaule, ne cessait de lui répéter cette phrase. Face à son insistance, Dorian sentait poindre un terrible mal de crâne. Il s’arrêta pour tourner un regard mauvais vers l’animal.

  • Une promesse est une promesse. Quelqu’un doit payer ses dettes.

Cela faisait quelques jours qu’il était à nouveau libre d’aller et venir à sa guise dans le palais. Firiel avait, jusqu'alors, sciemment évité de se trouver en sa présence mais les choses devaient changer. Elle l’avait dit, elle l’avait promis.

  • Tu vas te détruire, Dorian.

Le mage eut un violent revers de main vers l’animal qui disparut avant que l’attaque ne la touche. Le familier profita cependant pour lancer une ultime pensée vers son maitre :

  • Ce que tu vas faire est mal.

Mais Dorian s’en moquait, au fond de lui il n’attendait qu’une chose, il ne souhaitait qu’une chose : goûter à cette promesse qui lui avait été faite. Faisant fi des bonnes mœurs, il pénétra dans la chambre de l’elfe. D’abord irritée par la rustre entrée de l’homme, le visage de Firiel afficha bientôt de la résignation. Elle baissa les yeux, comprenant qu’elle ne pourrait se soustraire au serment qu’elle avait fait. Dorian verrouilla la porte derrière lui et s’avança en conquérant vers sa proie. Elle n’avait pas bougé, elle n’eut même pas de mouvement de recul lorsque le mage l’embrassa fougueusement. Il se lova contre la jeune femme, l’enserrant délicatement. Elle se laissa faire, silencieusement, résignée. Dorian sentit un volcan s'éveiller au niveau de son ventre, il goûtait enfin à la passion qui l’avait tellement frustré mais quelque chose calma immédiatement ses ardeurs. Il cessa brusquement son baiser pour l’observer. Firiel avait fermé les yeux pour éviter d’ajouter des images à ce moment et elle pleurait. Il saisit alors toute l’horreur de ce qu’il s’apprêtait à faire. Il comprit qu’il ne valait pas mieux que Zorgal qui avait torturé sciemment un enfant, qu’il ne valait pas mieux que Zacarias qui voulait épouser une princesse pour le pouvoir qu’elle lui procurerait. Dans sa volonté d’avoir cette fille, il avait éteint ses sentiments à elle pour se repaître de son égoïsme. Dorian essuya la larme qui coulait sur la joue de la jeune femme et s’approcha doucement de son oreille pour lui susurrer :

  • Je te libère de ta promesse. J’aimerais… j’aimerais tellement que tu sois mienne mais si tel n’est pas ton choix, je n’ai pas le droit de te l’imposer.

Dorian libéra son étreinte et fit volte-face tandis que l’elfe ouvrait les yeux, surprise par ses paroles. Le mage quitta la chambre sans demander son reste. Firiel sentant la tension tomber se laissa choir au sol. Des milliers de questions se bousculaient dans sa tête mais une certitude l’accabla. L’homme qui venait de lui parler avait été trop galant pour être celui qui l’avait agressé. Soit il y avait deux personnalités en Dorian soit Elminster avait raison et ce n’était pas l’odieux individu qui l’avait souillée.

***

Dorian apparut dans son univers, il avait besoin d’être seul. Il hurla toute sa colère et sa frustration, transformant son paradis blanc en un puissant blizzard. Le sort cessa quand il tomba à genou, trop de sentiments se mélangeaient en lui. Ce fut à ce moment-là que son familier se matérialisa. Elle le dévisagea et déclara d’un ton plein de reproches :

  • Ça y est, tu as eu ce que tu voulais, tu es content ?

Dorian explosa alors de colère. Il fit une boule de neige qu’il lança rageusement en direction de l’hermine lui ordonnant de déguerpir, puis une autre, puis encore une autre. L’animal s’évapora et Dorian resta pathétiquement assis au sol. Il ressentait une immense tristesse à l’idée de ne jamais atteindre le bonheur. Aussi, bien à l’abri dans son royaume, il laissa s’échapper sa peine. Il n’eut pas le courage de retenir ses larmes, pas la force de les cacher. Il s’effondra dans la neige en sanglots. Sentant la détresse de son maître, Syphilis réapparut. Elle frotta son museau contre la joue du mage et déclara avec douceur :

  • Ce n’est rien, tout va s’arranger. Qu’est-ce que tu as fait ?
  • Rien, rien du tout, répondit Dorian d’une voix brisée par le chagrin. Je l’ai libérée de sa promesse et je suis parti. J’aurais voulu qu’il en soit autrement mais…

Il secoua la tête, faisant au passage tomber la neige qui s’était logée dans ses cheveux.

« Quoi que je fasse, jamais… jamais elle ne m’aimera. Je pourrais la sauver des milliers de fois, damner mon âme, combattre des démons, atteindre les portes de la mort, jamais je ne compterai à ses yeux autant qu’elle compte aux miens. Il faut se rendre à l’évidence, j’ai fait une énorme erreur en ralliant les elfes et maintenant qu’Elminster est mort, je ne peux plus en partir. »

Sa peine était sortie et c’était à présent l’amertume qui gangrénait le cœur du mage. Dorian se redressa et épousseta son manteau. Il tendit ensuite la main vers son familier. Syphilis s’y précipita et grimpa sur son épaule. Puis d’une voix douce, elle lui dit :

  • Moi, je t’aime, et je resterai tout le temps avec toi.
  • Oui, répondit le jeune homme avec un sourire triste, et en ce monde tu dois bien être la seule.

Il déposa l’animal contre son cœur et se mit machinalement à la caresser.

***

Les jours étaient passés et Dorian avait peu à peu retrouvé sa place au palais elfique, déambulant dans les couloirs comme un fantôme solitaire, espérant croiser Firiel au détour d’un corridor. Il fut surpris, ce jour-là, d’entendre une voix féminine le héler. Il s’autorisa un sourire en reconnaissant la rouquine qu'il avait vue lors de combat.

  • Dorian, commença Lucinda en arrivant à sa hauteur, je… j’ai une demande à te faire. Ça fait plusieurs jours que je te vois marcher et je me disais que peut-être, tu voulais un peu d’exercice. En fait, je… je connais par cœur mes partenaires de combat et j’aurai voulu me mesurer à une autre lame.

Elle ajouta un haussement d’épaules et un sourire qui dérida le mage. Convaincu, il accepta la proposition, déclenchant une explosion de joie chez la jeune femme. Lucinda s’empressa de l’entrainer dans la salle d’armes. Trois personnes étaient déjà présentes là-bas : une frêle elfe avec de longs cheveux d’or et un visage d’ange, une monstruosité de muscles et bien entendu, son compagnon. Ce dernier afficha une mine sombre quand il vit entrer le mage.

  • Je l’ai trouvé, déclara-t-elle triomphalement. Dorian, tu connais déjà Andromède.

Les deux hommes se serrèrent la main par principe mais l’elfe en profita pour broyer les phalanges du mage et lui lancer un regard empli de fureur.

  • Oh la la ! Il y a de l’électricité dans l’air, railla la montagne de muscles.
  • Garde tes remarques pour toi, boule de peluche, répondit d’un ton bourru l’elfe en se désintéressant du groupe.

Lucinda présenta ensuite le jeune homme :

  • Voici Virgile, mon frère.

Durant leur salut, le mage détailla son interlocuteur, son visage carré et ses longs cheveux bruns lui tombant sur les épaules. Il décela même un éclat sauvage dans les yeux du jeune homme :

  • Lycan ? Osa-t-il demander.

Virgile répondit par une sorte d’aboiement et un rire sonore. Lucinda gratifia son frère d’un superbe sourire et présenta la dernière personne :

  • Et voici Anna...

Elle n’eut pas le temps d’en ajouter plus car Virgile avait pris le relai :

  • Anna est le chef des archers de la Reine, elle est drôlement douée au tir, vous devriez la voir à l’œuvre, c’est impressionnant.

Dorian lui offrit un charmant baisemain.

  • Tu as vu la classe, lança le lycan !!! Et, Grandes Oreilles, tu n’es pas censé être aussi raffiné ?

Andromède lui coula un regard hostile :

  • Venant d’un type qui collectionne les puces, j’aimerais savoir ce que tu connais du raffinement ?

Le ton commença à monter entre les deux mais Lucinda s’en détourna. Elle entraina Dorian vers le présentoir aux épées en lui disant simplement :

  • Ils se chamaillent toujours. Bon, des fois, ils en viennent aux mains mais s’arrêtent toujours lorsque l’un d’entre eux pisse le sang.

Elle partit alors dans un rire presque nerveux. Dorian sentait qu’elle voulait lui dire quelque chose mais n’osait pas le faire.

  • Dorian, finit-elle par déclarer, je… je me suis dit qu’une personne comme toi devait avoir une arme qui lui ressemble.

Elle prit un coffret qu’elle avait sans doute posé là à dessein puis l’ouvrit. Le mage s’en trouva sans voix, il contenait une épée, fine, simple mais il se dégageait de cette arme une aura qui le déstabilisa.

  • Où avez-vous trouvé une arme pareille ? s’étonna Dorian en saisissant la garde de l’épée.

Il la trouva agréable, étrangement légère.

  • C’est moi qui l’ai faite, déclara la jeune femme en rougissant.

Le mage reposa l’arme en déclarant sobrement :

  • Je ne peux pas l’accepter.
  • Pourquoi s’étonna la jeune femme ? J’ai forgé cette lame pour toi. Chacune de mes créations est unique. Elle ne sied qu’à celui pour lequel elle a été concue. Tu as… quand nous avons perdu Elminster, j’ai douté, j’ai cru que nous allions tous périr et nous serions tous morts si tu n’étais pas intervenu. Tu as fait fi de ta rancœur pour secourir ceux-là même qui venaient de te condamner et tu as bien failli donner ta vie pour eux. Ce cadeau est ma manière de te remercier, parce que si ce matin, je me suis réveillée aux côtés de l’elfe qui partage ma vie et si je peux continuer à écouter les piques que mon frère lui lance sans arrêt, c’est uniquement grâce à toi.

De toute sa vie, Dorian s’était rarement senti aussi gêné, aussi mal à l’aise d’être ainsi remercié. Il baissa les yeux sur l’épée, il est vrai qu’une partie de lui l’avait convoitée dès qu’il l’avait touchée. Il caressa doucement la garde de l’arme puis la saisit à nouveau fermement, une étrange allégresse l’envahit alors. Il leva un regard empli de reconnaissance vers la jeune femme qui se fendit d’un de ses merveilleux sourires avant d’enchainer :

  • Bon, m’est d’avis qu’il est temps de l’essayer.

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