14. Romance - Partie 2
Le remue-ménage qui régnait à présent dans la salle d’armes avait attiré moult curieux. Le combat entre Dorian et Lucinda était impressionnant. La jeune femme se battait comme une lionne et n'hésitait pas à utiliser ses tours de druidesse pour déstabiliser son adversaire. Ce dernier utilisait sa magie pour contrer les racines s’élevant sournoisement du tapis mais maniait l’épée avec brio. Cela faisait plusieurs heures qu’ils s’affrontaient et personne ne semblait prendre le dessus. Par moment, Dorian parvenait à briser la garde de Lucinda et cessait le combat avant l’estoc ; à d’autres moments, il se retrouvait à terre une dague sous la gorge. La lutte était à son paroxysme quand soudain, une pernicieuse entrave sortit du sol pour enserrer la cheville de son adversaire. Dorian avait senti le coup venir mais bizarrement, s’était laissé emprisonner. Il en avait profité pour attaquer, même ainsi retenu, il porta un puissant assaut qui fit voler l’arme de la jeune femme. Il ajouta un sort qui envoya une rose de glace dans les mains de Lucinda et récupéra l’épée de son opposante en déclarant :
- Ça y est, tu es morte.
- Quelle délicieuse mort, s’amusa la rouquine en humant la fleur de glace.
C’est quand il entendit les curieux applaudir le combat que Dorian se rendit compte du nombre de personnes présentes dans la pièce. Il envoya un sort pour faire disparaître la racine qui le maintenait et s’approcha de Lucinda pour lui tendre son épée et lui dire :
- Ce fut un entrainement fort intéressant. Il faudra que nous le réitérions plus souvent.
La jeune femme se fendit d’un merveilleux sourire qu’il lui rendit sincèrement puis se désintéressa d’elle pour remettre sa chemise qui gisait à côté de Virgile.
- Waouh, déclara le lycan, ça, c’était du combat et…
- Voici donc à quoi ressemble le monstre qui torture ma sœur, déclara une voix froide derrière eux.
Dorian se retourna doucement et toisa froidement la jeune fille qui venait de lui parler. Même si c’était la première fois qu’il la voyait, Dorian n’eut aucun doute sur l’identité de la sœur que son interlocutrice mentionnait. L’inconnue avait le visage d’albâtre de Galadrielle et les cheveux bleutés de Firiel, comme si un artiste s’était amusé à fusionner les deux elfes pour en faire une troisième.
- Et on peut savoir qui vous êtes, demanda froidement le mage.
- Je suis Céleste, répondit la jeune femme avec arrogance, héritière de la Reine Galadrielle. Je rentre de mission en Eranshar et constate, avec étonnement, que ma soeur refuse de me voir et reste cloitrée dans sa chambre depuis des jours à cause d’un homme.
- Et ? questionna sur le même ton le mage en haussant des épaules.
- Et qu’il faut que vous gardiez à l’esprit que manquer de respect à la famille royale est passible de la peine capitale.
- Rien que ça, ironisa Dorian en se désintéressant de la jeune femme pour quitter la salle d’armes.
Céleste le retint en lui posant la main sur l’épaule.
- Ne sous-estimez pas la puissance de notre lignée et…
L’atmosphère de la salle devint soudain polaire quand Dorian coupa :
- Et ne sous-estimez pas la puissance d’un Mage Noir qui a accepté d’aider cette famille. Dites-vous que vous avez plus besoin de moi que je n’ai besoin de vous.
Il quitta la pièce comme un roi sans un regard derrière lui.
***
Dorian se rendit directement à la chambre de Firiel. Il devait comprendre ce qu’il se passait et surtout ce qu’on lui reprochait à nouveau. Il frappa doucement à la porte mais la réponse qu’il reçut le refroidit :
- Je ne veux voir personne.
Qu’à cela ne tienne, il entra sans même y être invité :
- Vraiment personne ? demanda-t-il.
- Vraiment personne, répondit Firiel en cachant son visage.
Dorian comprit que la jeune femme n’allait pas fort, les rideaux étaient tirés et la belle était assise pathétiquement sur son lit. Il vint s’agenouiller devant elle et redressa son menton pour voir son visage. Elle avait visiblement pleuré.
- Que se passe-t-il ? demanda le mage d’un ton amical.
- Rien, va-t’en, répondit-elle en détournant le regard.
Dorian essuya d’un geste de la main la larme qui coulait sur la joue de la jeune femme et déclara paisiblement :
- Firiel, je viens de croiser ta seconde sœur. Elle m’a accusé une nouvelle fois de t’avoir fait du mal. Explique-moi, que me reproches-tu ? Cela fait deux fois que tu sembles m’en vouloir pour quelque chose mais je ne comprends pas quoi.
La jeune femme hésita un long moment puis commença à tâtons :
- Tu… Dorian, est-ce qu’il y a plusieurs âmes dans ton corps ?
Dorian la regarda droit dans les yeux avant de répondre un simple non. L’elfe allait répliquer mais il posa ses doigts sur ses lèvres pour la faire taire et enchaina :
- Je sais ce qu’il s’est passé le jour de ton agression car j’étais là. J’ai vu mon double t’endormir, je pressentais que ça tournerait mal alors je m’en suis mêlé. Je l’ai chassé avant de te réveiller.
- Dorian, on m’a fait un portrait si sombre de toi. Au départ, je ne voulais pas y croire mais…
- Ce qui est arrivé il y a quelques jours est une erreur et je m’en excuse sincèrement. À présent, si tu préfères que je quitte ces lieux et que je n’intervienne que lorsque vous avez besoin de moi, je le comprendrai.
- Non !!!
Le refus de Firiel avait quelque chose de désespéré, de trop catégorique pour ne pas cacher autre chose.
- Non, Dorian, reprit-elle, je ne me comprends pas en ce moment. Mon âme me conjure de t’oublier, de t’ordonner de partir avant que tu ne me détruises mais mon cœur ne peut s’y résoudre.
- Firiel, avoua alors le mage, sais-tu ce qui m’a arrêté il y a quelques jours… Tes larmes. Je me damnerais si je te faisais le moindre mal. Tes larmes sont autant de lames qui déchirent mon cœur.
Il allait ajouter quelque chose quand soudain, l’elfe vint se blottir contre lui en déclarant :
- Je veux passer le restant de mes jours avec toi.
Dorian resta coi. Il ne savait pas quoi faire. Son esprit lui répétait qu’il venait de rêver cette phrase, qu’il était impossible que Firiel ait dit ces mots. Il referma ses bras sur la jeune femme, goûtant au plaisir de se sentir aimé en retour, savourant cet instant inespéré.
- Moi aussi, déclara-t-il dans un souffle, j’aimerais passer ma vie à tes côtés.
Le charme de l’instant fut soudain rompu par un serviteur qui frappant discrètement à la porte chuchota :
- Princesse Firiel, la Reine aimerait que vous la rejoigniez à sa table pour le repas du soir.
Les pas du serviteur s’estompèrent par la suite, sans même attendre une réponse, sans doute était-il résigné à ce que l’injonction de la Reine tombe à nouveau dans les limbes. Dorian s’écarta un peu de l’elfe pour observer son visage. Il semblait plus lumineux, presque soulagé d’avoir vidé sa conscience.
- Il faut que tu acceptes cette invitation, déclara-t-il tendrement.
- Viens avec moi, s’empressa de demander la jeune femme.
Dorian eut un sourire amusé.
- Je viens de terminer une séance d’entrainement particulièrement musclée, je ne pense pas que ma tenue soit appropriée à un dîner royal et…
- Rejoins-moi là-bas, s’il te plait ?
- D’accord, capitula-t-il.
Il quitta la chambre d’un pas serein, il flottait sur un nuage de plénitude. Il n’aurait jamais cru que cela puisse un jour lui arriver, il n’aurait jamais cru que ce sentiment puisse être aussi puissant.
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