19.    Un Odieux Chantage - Partie 1

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Dorian apparut alors aux portes du palais de Sorgat. Les soldats, surpris par une telle arrivée, tirèrent sans sommation mais le mage avait déjà érigé sa protection. Il pénétra dans le château comme un roi, sans se soucier des tentatives des gardes pour le retenir. Dorian n’eut aucun mal à localiser Zorgal dans la grande salle. Ce dernier, en grande discussion avec Drake, sursauta lorsque le jeune homme fit son entrée. Dorian balaya d’un revers de main les renforts qui convergeaient vers lui pour essayer de l’arrêter. Drake l’observait stoïquement, comme ravi du spectacle auquel il allait assister. Zorgal tourna les talons et tenta de s’enfuir mais Dorian l’en empêcha. Le mage projeta son éther en dizaines de tentacules glacées qui saisirent son adversaire pour lui couper toute retraite. Zorgal hurla lorsqu’un appendice gelé le toucha, il rua pour se défaire de ce lien douloureux mais les autres ne tardèrent pas à l’enserrer aussi. La souffrance déformait à présent ses traits quand les entraves le ramenèrent auprès de son rival.

  • Dorian, je t’en prie, implora le mage, tu deviendras Mage Noir si tu me tues comme ça.

Mais le jeune homme fut sourd aux suppliques du mage. Il prit la tête de son adversaire pour pouvoir plonger son regard dans le sien. Zorgal hurla de douleur puis soudain, implosa, repeignant les murs et le sol en rouge sang. Dorian avisa ce qu’il restait du cadavre encore chaud de son ennemi avec haine puis reporta son attention sur Drake qui applaudissait le spectacle :

  • Impressionnant, déclara le squelette. Sais-tu qu’à présent, tu ne peux plus revenir en arrière ? Les elfes te traquent, l’Ordre t’a condamné à mort. Ne veux-tu toujours pas me rejoindre ? À nous deux, nous pourrions gouverner ce monde et je pourrais, pourquoi pas, faire quelque chose pour apaiser ton cœur.

Dorian lui lança un regard froid et haineux :

  • Je refuse Drake, déclara-t-il, et continuerai à le faire.

Le squelette haussa les épaules :

  • Soit, déclara-t-il laconiquement.

Il tourna le dos un instant au mage avant d’enchainer :

  • J’avais cependant, quelque chose à te proposer.

Il fit apparaître une petite boule de cristal au creux de sa main, l’orbe contenait une étrange fumée bleutée.

  • Je voulais t’offrir ceci, reprit Drake, je pense que tu dois savoir ce que c’est ?

Dorian oublia sa fureur d’un seul coup, il observa la boule sans vouloir y croire. Il avait la claire sensation qu’une âme était prisonnière de ce cristal et son cœur lui soufflait qu’elle ne fût pas n’importe laquelle. Il tenta de bluffer en répondant négativement à la question du squelette mais le mage ne put cacher sa tension quand Drake fit mine de faire tomber l’orbe. Il eut un rire satanique :

  • Une âme de cristal pour un cœur de glace, reprit-il.

Il lança soudain la boule et Dorian n’eut aucun mal à la rattraper.

  • Tu sais comment cela fonctionne, reprit le squelette, si tu l’utilises, je garde ton prisonnier. À présent, rentre chez toi et fait le bon choix.

Drake expédia Dorian dans son monde, le mage ne lâchait pas le cristal des yeux comme envoûté. C’était impossible que Drake ait pu capturer l’âme de Firiel dans cette boule mais le doute était là. S’il brisait l’orbe à côté de sa dépouille, l’esprit retrouverait son corps et sa belle reviendrait à la vie. Dorian projeta sa conscience vers la brume, quand il caressa l’énergie de sa douce, toute ambiguïté fut instantanément balayée. C’était bien elle. Syphilis se matérialisa soudain sur son épaule :

  • Qu’est-ce que c’est ? s’enquit-elle.
  • L’âme de Firiel, souffla le mage sans trop y croire.
  • Quoi ? s’étonna le familier. Drake vient de t’offrir ce cadeau ? Contre quoi ?
  • Valérian, lâcha-t-il sans pouvoir détourner ses yeux du cristal.
  • Dorian, tu ne peux…

Mais les mots du familier s’arrêtèrent là quand le mage la fusilla du regard, Syphilis comprit qu’il avait déjà fait son choix.

  • Dorian, gronda-t-elle, c’est suivre le jeu de Drake que de la faire revenir.
  • C’est ma seule faiblesse, souffla le jeune homme.
  • C’est aussi ta force, reprit l’hermine, sans elle tu n’aurais pas triomphé de Valérian à votre premier combat. Mais faire revenir Firiel c’est offrir à ton ennemi le moyen de te manipuler.

Dorian acquiesça avant de reprendre :

  • Je suis conscient de ça. Je suis également conscient que j’offre à mon ennemi le plus grand allié mais je ne peux pas. Je ne peux pas continuer seul. Je ne vis plus depuis cette nuit, combien de jours se sont passés, je ne pourrais le dire. Le monde pourrait sombrer dans le chaos que je m’en moquerai. Je veux vivre, je veux retrouver le bonheur de la serrer dans mes bras. Il n’y a rien d’autre qui m’importe.
  • Céleste ne te laissera pas l’approcher, tenta de le convaincre l’hermine, tu…

Mais le familier savait que ses mots sonnaient creux.

  • Ton ennemi a fomenté un plan infaillible, lâcha-t-elle, et tu t’apprêtes à…
  • Je m’apprête à l’exécuter de plein gré, avoua Dorian, un étrange sourire aux lèvres.

Il plongea son regard dans la brume du cristal et murmura :

  • J’arrive.

Puis il disparut, laissant Syphilis seule dans son monde glacé. L’hermine poussa un soupir de peine :

  • Espérons que ton choix n’entraine pas de catastrophe.

***

Dorian apparut soudain au beau milieu des terres elfiques. La reine avait élevé une sorte de mausolée dans une pièce reculée du palais. Firiel était étendue là, plongée dans un sommeil éternel. Le mage s’en approcha silencieusement. Il se pencha sur le tombeau de la jeune femme pour la regarder, il serait prêt à se damner pour elle, à faire les plus grands sacrifices pour goûter au bonheur de sa présence. Sans la moindre pensée pour l’avenir, il serra dans sa main le délicat orbe jusqu’à le faire éclater. Le cristal lui entailla la paume mais surtout, il libéra la brume qui y était enfermée. Cette dernière coula entre ses doigts et entoura le corps de l’elfe. Une étrange aura bleutée l’enveloppa aussitôt et Firiel ouvrit les yeux en aspirant une gigantesque goulée d’air. Elle observa le monde autour d’elle, paniquée, mais quand son regard se posa sur Dorian, un merveilleux sourire illumina son visage. Elle fondit sur le mage pour se lover dans ses bras en murmurant :

  • J’ai eu tellement peur.

À cet instant, il n’avait plus de doute, plus aucune peur du futur retour de son père, plus aucune inquiétude quant au sort que pourrait lui réserver l’Ordre ou les elfes. Il n’y avait que ce moment qui comptait, pouvoir serrer sa douce dans ses bras.

  • Tout est terminé, déclara-t-il sentant sa voix partir dans un sanglot, je suis là.

Dorian eut voulu que cet instant dure une éternité. Il n’eut, cependant, pas le temps d’en profiter. La porte de la pièce s’ouvrit avec fracas. Dorian se tournait vivement vers cette intrusion qu’il tomba au sol, incapable de bouger. Un mage venait de paralyser le jeune homme ; il était accompagné de Céleste, et la garde royale. Elle stoppa soudain en voyant Firiel jeter des regards désespérés autour d’elle pour comprendre ce qu’il se passait.

  • Nécromancie, hurla la nouvelle souveraine ! Cet acte est contre nature, c’est une insulte à Gaïa elle-même.

Elle s’approcha de Dorian quand Firiel posa la main sur son bras :

  • Céleste, qu’est-ce qu’il se passe ?
  • Tu étais morte, ma sœur, avoua l’elfe tout en fusillant le mage du regard.

Firiel sentit son esprit défaillir, elle tourna un regard paniqué vers son compagnon. Quand elle croisa ses yeux, elle n’eut plus de doute, sa sœur venait de lui dire la vérité. Elle éprouva alors un étrange sentiment, une partie de son cœur se révoltait à l’idée que son amant eut une nouvelle fois fait appel à des forces obscures et interdites mais d’un autre côté, il l’avait fait pour elle. Il se moquait de la damnation si ça pouvait lui permettre de vivre à ses côtés. Il était prêt à endurer une mort certaine pour qu’elle continue d’exister. Ce sacrifice la toucha. Elle allait prendre sa défense quand soudain, une lumière vive envahit la pièce. Gaïa venait d’apparaître entre le mage et la reine.

  • Dorian n’est pas à l’origine de ce sort, déclara-t-elle d’une voix douce. De plus, l’âme de Firiel n’a jamais atteint le monde des défunts. Il n’y a donc pas de nécromancie là-dedans.

Elle posa une main sur le mage qui reprit à nouveau contrôle de son corps et se releva.

  • Cependant, reprit-elle en dévisageant Dorian, je n’approuve pas ce choix.

Et avant que quiconque n’ait eu le temps d’ajouter quoi que ce soit de plus, elle disparut soudainement.



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