4. L’Enlèvement - Partie 2
Roxanne avait vécu son enlèvement comme un enfer. Le mage le plus âgé semblait dangereux ; le plus jeune, inquiétant. Elle avait rapidement compris qu’il était impossible de quitter ces lieux : ils ne l’auraient pas laissée gambader dans le château sans surveillance le cas contraire. Elle s’était donc posée dans une chambre qui paraissait inoccupée. Ses pensées s’évadèrent vers Zacarias, son fiancé. Ce n’était pas tant le fait qu’il s’était réfugié chez son père qui la terrifiait mais plutôt que ce dernier le sacrifie pour sauver son unique fille. Zacarias donnait des cours à la Tour Blanche, il s’en était sorti par miracle avec quelques blessures bénignes mais à présent que celui qui avait détruit cette tour réclamait les enchanteurs qui s’en étaient échappés… Roxanne frissonna. Soudain, elle sentit un manteau se poser sur ses épaules. Elle se retourna d’un bond, s’étonnant de se trouver nez à nez avec le cadet de ses geôliers. Depuis quand l’épiait-il ?
- Eh, du calme, déclara-t-il d’une voix douce, je ne vous veux aucun mal. Je m’appelle Dorian.
- Roxanne, répondit la jeune femme machinalement.
- C’est joli comme prénom, complimenta le tortionnaire dans un grand sourire. Ne vous inquiétez pas, ça sera bientôt fini. Vous pourrez rentrer chez vous et mon père continuera ses représailles sur une autre cité.
- Qui venge-t-il ? demanda Roxanne se disant qu’entamer la conversation avec le moins hostile des deux mages serait peut-être une bonne idée.
- Ma sœur... et ma mère, elles…
Mais il ne put finir sa phrase. Entré en trombes dans la chambre, Valérian plaqua la jeune femme contre un mur.
- Donne-moi des noms, qui ton père aide ? Quels mages, dis-moi.
Dorian tenta de s’interposer pour calmer son géniteur mais la jeune femme répondit avant qu’il n’ait pu intervenir :
- Yann, Achmet, Zorgal…
- Je le croyais mort celui-là, lâcha le père en coulant un regard de reproches au fils. Qui d’autre ?
Roxanne perdit son regard dans la moquette, évitant de croiser celui de Valérian.
- Qui d’autre ? hurla Valérian en levant la main pour la frapper. Tu vas me répondre. Elminster, c’est ça ?
- Non ! s’interposa Dorian. Elminster est chez les elfes, c’est là-bas qu’il a trouvé refuge.
Valérian descendit son bras en coulant un regard étonné vers son fils.
- Et tu me caches ça depuis quand ? siffla-t-il entre ses dents. Depuis quand cautionnes-tu les agissements de l’assassin de ta mère ?
Un orbe de magie frappa Dorian de plein fouet. Le jeune homme s’effondra au sol, incapable de la contrer. Valérian semblait fou de rage, il attaqua une nouvelle fois son fils au sol, le gratifiant d’un assaut magique à chacun de ses mots :
- Depuis quand cautionnes-tu les agissements de l’assassin de ta mère.
Dorian ne bougeait plus, les attaques l’avaient affaibli et il avait sombré dans le néant. Valérian allait de nouveau frapper quand soudain, une sphère de protection se forma autour du jeune mage. Syphilis apparut en trottinant sur le bouclier afin de croiser le regard du père.
- Valérian, le gronda-t-elle, cette colère est stupide. Si Dorian t’a caché cette information, c’est qu’il avait une bonne raison de le faire. Peut-être doute-t-il ? N’oublie pas qui a lancé le sort qui a tué Sarah ! Demande-toi comment il réagira quand il apprendra la vérité ?
Valérian se détourna en maugréant :
- J’aurais dû le tuer quand il n’était encore qu’un môme. C’est grâce à moi qu’il est encore en vie, il ne devrait pas l’oublier.
Il tourna les talons et disparut. La protection autour de Dorian s’évanouit dès qu’il fut parti. Roxanne, qui avait suivi l’altercation de loin, s’approcha timidement de la forme allongée au sol. La petite hermine s’avança alors vers la jeune femme :
- Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas sa première correction, quand il reviendra à lui, il ira mieux. Qui avez-vous caché ?
Roxanne secoua la tête, elle ne voulait pas l’avouer. Elle savait que prononcer le nom de son fiancé ici le condamnerait à mort.
***
Quand Dorian revint à lui, la seule information que son cerveau enregistra fut douleur. Valérian n’avait pas été tendre, cette fois-ci. Il se redressa en grognant quand une voix s’éleva derrière lui :
- Comment vous sentez-vous ?
Dorian perçut tout le poids de son intervention, il aurait dû se taire, il aurait dû la laisser se faire malmener. Son action avait entrainé la haine de son père et la divulgation de son secret. Il aurait été fou de rejoindre le mage rouge chez les elfes à présent que Valérian savait où il se trouvait. Quand il sentit une main se poser sur son épaule, la colère l’envahit. Dorian se retourna soudain, saisit le poignet de la jeune femme et vint la plaquer de tout son poids contre le mur. Elle se tenait à présent, face à lui, incapable de bouger :
- Qui protégez-vous ? la harcela Dorian.
Roxanne secoua la tête à mesure que des larmes emplissaient ses yeux. Dorian soupira :
- J’ai consenti à me laisser molester pour vous couvrir. Vous voulez protéger ce mage, soit, si vous continuez à taire son nom, je ne pourrai rien faire pour vous.
- Zacarias, souffla Roxanne.
Dorian fut soudainement troublé. Son père lui avait fait étudier les mages de la Tour Blanche. Le seul enchanteur qui portait ce nom s’avérait bien plus âgé que son géniteur.
- C’est votre oncle, osa Dorian, étonné par cette situation.
Roxanne, furieuse, se tendit :
- C’est mon fiancé, souffla-t-elle.
- Et vous l’avez déjà rencontré ?
Roxanne baissa les yeux et avoua :
- Mon père oui, lorsqu'il a arrangé notre futur mariage.
Dorian caressa doucement la joue de la demoiselle :
- Vous méritez mieux, déclara-t-il, un cœur si pur et si candide ne devrait pas finir ses jours avec un vieil homme.
- Vous essayez de me séduire ? se braqua la jeune femme.
- Si j’avais voulu, commença Dorian, j’aurais fait ceci…
Et il conclut sa phrase par un langoureux baiser. Dorian sut qu’il avait gagné quand la jeune femme, non contente de ne pas se soustraire à l’attaque, lui rendit son étreinte.
***
Valérian arpentait les couloirs du château en hélant son enfant. Il ouvrit la porte de sa chambre pour constater qu’il ne s’y trouvait pas. Il maugréait déjà contre celui qui devait, sans doute, être de nouveau parti en ville, dépenser son temps libre en boisson et galante compagnie. Par acquit de conscience, il projeta sa magie autour de lui et fut surpris de retrouver l’aura filiale dans une pièce voisine. Il traversa le long couloir et entra avec fracas dans sa suite. Son fils, allongé dans le lit se redressa brusquement :
- Fils, déclara-t-il…
Mais les mots s’éteignirent dans sa gorge. Leur otage dormait, à poings fermés, à côté du jeune homme et, à en juger par les vêtements éparpillés dans la pièce et les cheveux emmêlés de la demoiselle, ils avaient poussé le terme « faire connaissance » au maximum de ses possibilités.
- Tu n’en rates pas une, le gronda-t-il, amusé ! Habille-toi, on t’attend dehors.
- Dehors ? s’étonna Dorian.
- Oui, j’ai percé le mystère du mage que ta belle protège. C’est Zacarias, il a dépêché une armée et semble prêt à en découdre pour retrouver son dû. Je me doute que cette partie avait été prévue dans ton plan, alors, je te laisse gérer.
Dorian blêmit. Son plan comprenait pas mal de choses, y compris ce qu’il venait de se passer il y a quelques heures mais certainement pas un siège de leur forteresse par un fiancé en colère. Valérian disparut alors que son fils rassemblait ses affaires. Il fallait trouver une idée, une façon de régler tout ça sans le moindre souci. D’un côté, il y avait son père qui douterait de sa loyauté s’il ne tuait pas ce mage émérite de la Tour, d’un autre côté la promesse qu’il avait soufflé à demi-mot à Roxanne de protéger Zacarias de l’ire de Valérian et enfin, ledit fiancé qui ne prendrait pas avec amusement le fait que sa future femme ait perdu sa virginité. Que faire ? Il avisa la princesse qui dormait toujours à poings fermés puis soupira ; il improviserait.
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