11. L’Imposteur - Partie 2
Pourquoi ? Pourquoi toujours lutter ? Pourquoi ne s’était-il pas rangé dans un camp neutre en contemplant la tuerie ? Dorian était à présent tiraillé. Il n’avait clairement plus aucun allié au milieu des elfes. Drake n’allait pas tarder à utiliser Syphilis pour faire pression sur lui. Pourquoi continuait-il à se battre ? Il aurait été si simple de baisser les bras et de rejoindre l’armée démoniaque. Pourquoi sa conscience se refusait-elle à prendre une telle décision ? Même unies, les troupes elfiques n’avaient pas la moindre chance. Il déambulait dans les couloirs du palais, la tête remplie de questions quand soudain, quelque chose entra en contact avec lui. Une force colossale qui le projeta contre le mur d’une chambre voisine. Dorian n’eut pas le temps de réagir. Son assaillant le fit tomber et commença à le ruer de coups. Ils devaient être deux car il vit du coin de l’œil la porte se refermer. Le mage put enfin faire le point sur cette agression lorsque celui qui les avait enfermés retint son acolyte. Dorian mit de longues minutes à analyser, la douleur lui cuisait le côté. Il tenta de retrouver un souffle quand une poigne de fer le souleva du sol et le plaqua contre un mur, un glaive sous la gorge. Il reconnut son attaquant : l’elfe au Néphilim.
- Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te tuer, souffla l’elfe hors de lui.
Dorian chercha quelques secondes son souffle avant de répondre :
- C’est simple, à la minute même où mon cadavre encore chaud touchera le sol. Valérian pourra de nouveau arpenter ces terres.
- Je savais que tu ne l’avais pas tué, siffla une voix toute proche.
Dorian n’eut pas à voir son propriétaire pour identifier qui venait de parler :
- Non, Elminster, répondit-il, je n’ai pas été obligé de le faire.
- Qu’est-ce qui m’atteste que tu es bien de notre côté, demanda le vieux mage en s’avançant ?
- Absolument rien, rétorqua Dorian d’un air narquois.
- Et tu crois que je vais me contenter de ta parole ? Me dire que tu ne le feras pas réapparaître au plus mauvais moment de cette guerre ? Je ne te ferai confiance que le jour où j’aurais la preuve que son âme brûle en enfer.
- Tant que je suis en vie, ça ne risque pas d’arriver.
Elminster fit signe à l’elfe de lâcher sa proie et Dorian s’écrasa au sol en grognant de douleur.
- Alors, explique-moi, déclara le vieux mage, convaincs-moi de ne pas te tuer à l’instant. Tu as disparu durant un mois, quand on te retrouve, tu es commandant d’une armée ennemie, que tu trahis pour une raison qui m’échappe totalement. Tu dis que Valérian est prisonnier mais toi seul sais où il est et surtout comment le libérer. C’est trop brouillon pour ne pas sentir la perfidie à plein nez. Tu as rejoint Drake et ton père est avec toi. Vous êtes en train de fomenter un plan pour nous détruire de l’intérieur. N’est-ce pas ?
Dorian se releva péniblement. Il passa une main sur ses côtés pour évaluer les dommages et surtout se soigner, ne serait-ce que superficiellement puis il lança un regard flamboyant au vieux mage :
- Afin qu’il épargne Firiel, j’ai défié Valérian. Je l’ai combattu jusqu’aux portes de la Mort. Je suis parvenue à l’amener sur mes terres. Il y est à présent retenu prisonnier, enfermé dans une gangue de glace. J’ai donné tout ce que j’avais, j’ai quasiment tari mon éther. Je suis resté inconscient plus d’une trentaine de jours. Quand je suis revenu à moi, j’ai appris qu’une armée de Drake marchait sur ce royaume, je me suis donc empressé de vous rejoindre. C’était sans compter sur mon état, je me suis retrouvé, invité très spécial de Drake, enfermé dans les prisons de Sorgat alors qu’un double s’amusait à jouer avec vos certitudes. Je n’étais pas à la tête de cette troupe, je n’ai jamais blessé Firiel.
- Ton histoire ne tient pas debout, le coupa Elminster. Pourquoi Drake te séquestrait-il ? Et, si tu étais captif, comment se fait-il que tu sois ici ?
- Drake veut que je rejoigne son armée, avec Valérian. Je lui ai faussé compagnie en drainant l’éther d’un mage.
- Tu sais que c’est interdit, reprit le vieil homme.
- Au point où j’en suis, railla Dorian. Si on devait me juger pour tous les actes prohibés ou immoraux que j’ai faits, j’écoperais d’au moins dix condamnations à mort.
- Qu’est-ce qu’il me prouve que tu n’as pas rejoint Drake et que ton père est bien prisonnier ?
Dorian tenait la main vers le vieil homme :
- Venez avec moi, je vous montre où il est.
L’elfe se pencha alors vers le vieux mage et rétorqua :
- C’est un piège.
Dorian eut un soupir d’exaspération.
- Écoute mon gars, déclara-t-il en perdant patience. Si j’avais vraiment voulu vous trahir, au moment même où tu as posé la main sur moi, j’aurais convoqué le monstre qui t’habite afin de tuer Elminster. On est dans un coin assez reculé du palais pour que tu me fracasses la gueule sans témoin. Demande-toi combien de temps on mettrait à retrouver vos cadavres.
Ayant libéré sa morgue, il tourna son regard vers le mage pour connaître sa décision.
- J’accepte, déclara le vieil homme. Mais à une condition. Confie ton familier à Andromède.
- Ce n’est pas possible, rétorqua le jeune mage, Syphilis est retenue prisonnière de Drake.
Elminster eut un mouvement de recul quand il apprit ça. Il secoua la tête d’étonnement :
- Mais alors, qu’est-ce que tu fais ici ?
Dorian plongea son regard de glaces dans celui du vieil homme et répondit sincèrement :
- Je voulais m’assurer que Firiel allait bien.
Un long silence s’installa entre les deux hommes puis Elminster prit sa décision, se tournant vers Andromède, il lança :
- Si je ne suis pas revenu dans dix minutes, sonne l’alerte.
L’elfe allait répliquer mais le vieil homme avait déjà tendu la main vers le mage. Dorian la saisit fermement et ils disparurent dans un souffle.
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