Dorian se matérialisa directement dans l’univers de Céphéus sans même prendre la peine de masquer son aura sous une forme primaire. Le mage apparut quelques instants après son étrange invité.

• Dorian, minauda-t-il, je ne m’attendais pas à ta visite et…
• Où est-elle ? Coupa le Mage Noir d’une voix austère.

Céphéus hésita mais quand il vit le regard noir et la voix peu engageante du mage, il comprit qu’il valait mieux ne pas trop jouer avec.

• Dorian, je t’avais dit que j’interviendrais quand tu seras lassé de…
• Ai-je l’air lassé ? rétorqua-t-il avec colère.

Céphéus prit un air à la fois inquiet et hésitant :

• Malheureusement, déclara-t-il, tu arrives trop tard. Il…

Il ne put terminer sa phrase car le jeune homme venait de bondir sur le mage, refermant une poigne de fer sur la gorge de ce dernier. Il allait serrer jusqu’à ce que le mage rende son dernier souffle quand soudain, une voix féminine hurla :

• Non, je vous en prie, Monseigneur, ne faites pas de mal à mon fiancé.

Dorian comprit, sans mal, l’horreur de la situation quand Firiel, pomponnée et vêtue d’une somptueuse robe, vint poser la main sur le bras du mage avec un visage implorant. Céphéus profita de la confusion de Dorian pour lui fausser compagnie et disparaître. Le jeune homme prit alors Firiel par les épaules et la força à lui faire face. Son regard était vide de tout souvenir, ses beaux yeux verts bleutés étaient bordés de larmes prêtes à couler.

• Firiel, déclara-t-il avec une infinie douceur, te souviens-tu de moi ?

Mais un regard, dépourvu de sensations, lui répondit. Dorian entreprit de lui rappeler des souvenirs, des moments qu’ils avaient partagés, leur première rencontre, le combat avec Valérian, le baiser fougueux qu’ils avaient échangé ce jour-là. Le mage ferma les yeux un instant et sentit qu’il perdait pied lorsqu’il comprit que ses efforts étaient vains. Céphéus avait effacé toute mémoire, tout sentiment. Son cœur oscillait entre une peine sans nom et une haine incommensurable envers son ennemi. Il utilisa sa frustration pour trouver la force de saisir violemment la jeune fille, rendant impossible toute échappatoire. Il vit la terreur vaincre les larmes de Firiel. Peut-être cet électrochoc fonctionnerait, c’était sa dernière idée. Il sentait son esprit sombrer doucement dans ce qui ressemblait à de la folie. Il plongea son regard dans celui apeuré de l’elfe et lui déclara d’une voix qui n’avait plus rien de doux et inquiet :

• Tu es ma chose, tu m’appartiens.

Il força l’elfe à l’embrasser, laissant couler ce sentiment de puissance et de frustration qui l’envahissait. Au départ, il sentit la jeune fille se soumettre, comme résignée à accepter son sort puis son corps de tendit et avant qu’il ne puisse faire le moindre geste un violent coup de genou fit déferler une vague de douleur au niveau de son intimité. Dorian rompit le contact en reculant machinalement et sa mâchoire accueillit un poing qui l’envoya au sol. Quand il redressa les yeux vers l’elfe, Firiel se tenait droite, haletante, un masque de pure rage était peint sur son visage.

• Dorian, souffla-t-elle, fils de chien, comment oses -tu ?

Tout ce qui put s’afficher sur le visage du mage à cet instant fut un éclatant sourire de soulagement. Il fut balayé par un cri de frustration de Céphéus.

• Non, ce n’est pas possible, ça ne se peut pas.

Dorian en profita pour mobiliser une grosse partie de ses pouvoirs et lança un orbe vers Céphéus. Ce dernier hurla de douleur et d’étonnement tandis que sa cape prenait feu. Le monde autour de l’elfe partit alors instantanément en fumée. Dorian se releva et fondit sur Firiel. La belle eut un mouvement de recul mais face aux flammes qui les cernaient n’avait pas d'autre choix qu’accepter que le mage s’avance. Dorian planta son regard dans celui de l’elfe :

• Si tu veux sortir d’ici en vie, serre-moi fort.

L’elfe hésita puis capitula. Elle s’avança vers le jeune homme et vint se blottir contre lui :

• Tu me paieras cet affront, siffla-t-elle.
• Des milliers de fois s’il le faut, rétorqua le jeune homme, si on sort en vie de cet enfer.

Il jubila lorsque l’elfe se lova contre lui. Cependant, le jeune mage profita un peu de la situation, ils apparurent dans la cellule qu’il venait de quitter. Dorian avait pris soin d’attiser le feu qui les entourait. Il savait qu’à présent, tout danger était écarté mais ces flammes lui permettaient de garder sa douce contre son cœur un peu plus longtemps.

• C’est fou comment l’enfer nous rapproche, lui chuchota-t-il tendrement.

Il aurait voulu que ce moment perdure à jamais mais Calion hurla après Dorian, le forçant à détruire son illusion. Firiel allait le repousser avec vigueur mais le jeune homme se recula de lui-même pour faire face à Calion, les mains tendues avec résignation. Firiel prit alors conscience du monde autour d’elle. Elle reconnut les prisons du palais. Sa sœur se tenait là à côté de son plus fidèle lieutenant. Une certitude fit son chemin dans son esprit, Dorian venait de lui sauver la vie, encore une fois. Elle chercha à croiser le regard du mage, obtenir une explication à ce qu’il s’était passé mais Dorian restait stoïquement à observer l’elfe noir lui remettre ses entraves. Quand elle sentit une main sur son épaule, elle comprit qu’on lui parlait, elle leva les yeux vers le visage inquiet de Galadrielle. Il y avait trop d’informations, trop de sentiments qui affluaient dans son esprit. Elle ne sut pas la raison mais les larmes lui montaient, Firiel les refoula avec colère et s’enfuit de la cellule en courant. La Reine lança un regard plein de reconnaissance vers le jeune mage et murmura un merci avant de quitter à son tour la prison.