18. Perte Tragique - Partie 2
Son cœur le guida dans un lieu étrange. Une immense clairière au milieu d’une forêt. Il y avait un gigantesque pan rocheux au centre duquel une médiocre maison avait été bâtie. La pierre et le bois semblaient avoir fusionné. Dorian s’assura d’être assez loin du royaume elfique, la seule poche d’âmes qu’il découvrit était un petit hameau à quelques lieues de là. Son cerveau se mit alors à analyser la situation. L’enfant n’avait pas passé la nuit mais pourquoi, pourquoi sa douce Firiel, cette compagne si pleine de vie l’avait rejoint dans la tombe ? Il avait envie de mourir sur place, de disparaître tant la peine était immense. Il se laissa tomber en pleurs, hurlant son amour perdu, ne retenant pas son éther qui figea cette région dans un hiver soudain. Le mage resta prostré au sol durant de longues heures, des jours peut-être car quand il leva enfin les yeux pour observer le monde qui l’entourait, le soleil se couchait paisiblement. Dorian comprit rapidement que la maison était abandonnée, projetant ses sens, il découvrit qu’il avait atterri à l’extrême Ouest du pays dans un coin bien reculé du royaume de Sorgat et de l’Empire elfique. Il décida donc de s’y installer, de transformer ces lieux en un exil hivernal jusqu’à ce que son cœur aille un peu mieux. Il se rendit alors compte qu’il avait faim, non qu’il avait envie de boire, de se souler comme dans les années glorieuses qu’il avait passées avec son père. Du vin pour oublier, pour apaiser ses maux. Il se dirigea machinalement vers le hameau le plus proche et trouva sans encombre la taverne. Le bruit de la fête qui y régnait et l’odeur de la nourriture mirent le mage dans une humeur sombre. La tenancière convergea immédiatement vers ce nouvel arrivé.
- Que puis-je faire pour vous étranger ? Une chambre et un repas bien chaud.
- Non, répondit froidement Dorian, du calme et du vin… beaucoup de vin.
Il créa une bourse bien remplie de pièces d’or et la tendit à la tenancière qui la fit disparaître avec célérité. Elle l’installa à une table à l’écart et alla chercher ce qu’il venait de commander. L’alcool ne tarda pas à arriver, il n’était pas aussi doux que le vin elfique, il n’était pas aussi bon que la piquette de la taverne où il avait ses habitudes mais il avait l’avantage de monter rapidement à la tête. Dorian entamait son troisième pichet quand soudain les rumeurs de l’auberge se turent. Trois hommes venaient de pénétrer dans les lieux. Une montagne de muscles entourait deux gringalets. Le mage se désintéressa d’eux jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent devant sa table.
- Tiens, déclara celui qui semblait être le meneur, un nouveau venu. Tu es déjà au courant du prix que tu dois payer si tu veux t’asseoir ici ?
Dorian leva un œil curieux vers celui qui venait de parler puis replongea son attention sur son verre.
- Et, je t’ai causé, mon gars, s’emporta le chef. Tu sais ce qu’on pourrait te faire si tu nous manques de respect.
- Franchement, répondit nonchalamment le mage, ce n’est pas deux vampires rabougris et un lycan bodybuildé qui vont me faire peur. Partez avant que je m’énerve.
Le chef vampire balaya alors la table faisant s’écraser au sol le verre et la jarre de vin.
- Tu te prends pour un chef, s’énerva le vampire, on va te le faire payer.
Dorian soupira puis se redressa doucement. Il regarda le chef vampire droit dans les yeux puis soudain attaqua. D’un coup violent, il fit fuser son épée et décapita le lycan d’un seul geste. Sa lame virevolta dans les airs et tua le second être des ténèbres aussi rapidement. Elle stoppa sa course sous la gorge du leader qui recula d’un pas impressionné.
- C’est toi qui vas payer, déclara le mage. En m’offrant un nouveau pichet de vin ensuite tu donneras quelques pièces supplémentaires à la femme de ménage qui va devoir nettoyer ça.
Le vampire tourna rapidement les talons et disparut. La tenancière s’approcha du mage et lui offrit le reste de sa tournée. Jamais personne n’avait osé tenir tête à ceux qui terrorisent la ville. Dorian passa alors sa nuit à boire, à boire jusqu’à s’endormir sur la table de l’auberge.***Lorsque Dorian émergea ce matin-là, ce fut le plus phénoménal mal de crâne qui l’accueillit. Il était allongé dans un lit, dans une chambre qu’il ne connaissait pas. Il voulut se redresser mais sa tête tournait comme un manège. Il resta donc allongé à détailler le lieu où il se trouvait. Il eut cependant le courage d’offrir un maigre sourire quand Syphilis se matérialisa devant lui. On lisait dans ses petits yeux noirs une étrange inquiétude :
- Comment vas-tu ? s’enquit-elle.
- J’ai mal au crâne, j’ai la bouche pâteuse et je ne me suis jamais senti aussi nauséeux après une cuite.
- Je ne parlais pas de ça, soupira le familier.
Après un court silence, elle enchaîna :
- Je n’ai pas de très bonnes nouvelles.
- Alors, laisse-moi cuver en paix.
- Le Royaume elfique va mal et…
- Je m’en moque, hurla le jeune homme.
- Il faut que tu saches, Dorian, la Reine a été ravagée par cet événement, elle a abdiqué et elle est partie. Céleste a pris sa place. Elle a mis ta tête à prix. Calion est déjà en route pour se venger. Elminster a tenté d’intercéder en ta faveur mais il a été chassé lui aussi. Il… il a découvert ce qu’il s’était passé. Ce qu’il a pris pour un lien naturel entre l’enfant et sa mère était en fait une entrave magique qui…
Syphilis ne continua pas son explication quand elle vit des larmes emplir les yeux de son maître.
- Zorgal ? demanda-t-il dans un sanglot.
Le familier acquiesça silencieusement. Dorian ravala ses larmes et laissa place à une violente fureur. Il se releva d’un seul coup comme si toutes les vapeurs d’alcool s’étaient subitement évaporées.
- Il va mourir, annonça-t-il.
- Dorian, tenta de le raisonner l’hermine, ne fait rien d’inconsidéré et…
- Il va crever, répéta froidement le mage, je vais lui arracher le cœur, je vais le vider de ses entrailles, le pendre avec.
- Drake le protège.
- Je ne crains pas Drake.
Sa colère était froide, dangereuse. Syphilis comprit qu’il était inutile de vouloir le raisonner aussi le laissa-t-elle à sa vengeance.
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