2. L'exil du vieux roi

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Je suis seule dans l'immensité, dans un jardin de silence. Ce que je vois ne semble exister que par mes yeux ouverts. Où est le temps ? Où sont les souvenirs de ce qui a été. Il n'y a rien, seulement moi et le vide. Ce qui s'étend là, ce que crée mon regard, n’est qu’une lande à perte de vue, stérile sous la nuit et les nuées de l'orage naissant. Le vent bat mes cheveux et une robe écarlate sur ma peau.

Je marche sur la terre grise. Des dunes rases observent mon passage, l’air pétrifié. Au loin dans l'infini, une aurore livide tente vainement de percer l'obscurité. Mais la tempête vient, comme un grondement perdu, étouffé par le silence de la steppe. L'humidité alourdit l'air, à l'approche des nuages. Je marche.

Une forme se découpe dans les brumes du crépuscule. Un lion vient à ma rencontre. Il est grand et majestueux. Il avance à travers le vide et sa coiffe d'or étincèle à travers la nuit sans fond. Arrivé à ma hauteur, un hurlement surgit, dans cet avenir qui s'infuse à l’horizon. L’animal se retourne, contemplant les ténèbres immaculées qui étendent leur emprise au loin. C’est un vieux lion. Sa crinière s’est argentée sous des âges lointains, qui dépassent peut-être sa propre mémoire. Qui est-il ? Et quel était ce monde qu'il a quitté ? Tant de questions me viennent. Mais le roi s'en va, la tête basse. Son ombre ocre s'évanouit doucement. Est-il le dernier, le retardataire d'un exil vers un passé que j’ai perdu ? Question sans réponse. De nouveau, le vide s’étale. De nouveau je suis seule sur la lande.

Déjà, le vent l’a faite sienne. Il tempête sur ces terres arides, en émissaire de l'orage en approche au-dessus de ma tête. Il envoie ses courants, ses flux immenses et invisibles. Ils martèlent le sable dans de grands cris. La terre s’arrache sous leurs assauts répétés et crache ses grains morts sur ma peau. Le ciel se fissure des éclairs de l'orage. Ses hurlements envahissent les alentours, brusquant l'air et secouant les sols.

Le monde semble vouloir s'effondrer. Dans sa chute je le sens aux portes de ma perception, tirer mon esprit dans le néant. Il agrippe leurs battants dans son autodestruction. Sans rien à sentir, il le sait, ma raison sombrera de n'avoir de motif d'exister. L'abîme s'ouvre à mes pieds. Je marche vers l’horizon, guidée par un destin flou.

Je regarde la terre en lambeaux et une ombre se dessine sur l'ombre de l'orage. Je regarde le ciel éclaté et une masse descend entre les nuages. Assailli par la foudre et les vents, un zeppelin lutte au-dessus de moi. Les éclairs jettent sur lui de larges stries de lumière.

Une petite forme apparait : un homme peut-être, pendu à un fil, tombant dans la tempête. Je ne vois pas son visage. Son manteau bat sur son corps en volées anarchiques. Les vents s'amusent de lui. Il oscille comme un pantin ridicule, en tourbillonnant dans l'orage.

Soudain, porté par une rafale, il me saisit et je virevolte avec lui entre les bourrasques. Au-dessous, le chaos semble encore mélanger la terre au ciel.

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