Réveil
Vous émergez de votre sommeil éternel et regardez l'heure à votre poignée – une habitude héritée de la veille époque, sans doute. Votre montre affiche 1:23 et n'en démord pas.
Dans le ciel, un soleil grisâtre, un soleil de plomb, illumine la scène. Autour de vous, des corps éparpillés, maquillés de terre et de poussière. Tout comme vous, ils semblent avoir cette même montre étrange et encombrante aux poignées.
Tout près de vous, deux corps. Un grand, en blouse blanche dont la tête a un angle improbable, et un autre, plus petit.
D'autres yeux commencent péniblement à s'entre-ouvrir. Puis certains corps —dont les deux à vos côtés— se redressent péniblement. Perchés sur leur deux pattes, ils se frottent les yeux – tous comme vous l'aviez fait.
Il ressemble tantôt à des zombies, tantôt à des enfants, cherchant à comprendre.
Ainsi, vous remarquez que vos vêtements —tous comme votre peau— tombent en lambeau, là où vous avez encore la chance d'en avoir.
Cette vision de cauchemar vous traumatise tous. L'homme à la blouse blanche, ne semble pas accepter la réalité. Pour se convaincre que ce n'est pas réel, il commence à gratter frénétiquement sa peau, de ses ongles bien trop longs.
Et à force de gratter la surface —sans qu'il n'en ressente la moindre douleur — il réveilla une vérité encore plus atroce que la précédente. Gluant un peu, rayonnant vert-fluo beaucoup, cette substance jaillit de ses veines sans prévenir.
La consternation est générale. Apeuré, vous regardez les veines de vos bras avec dégoût.
C'en est trop, vous cherchez à fuir, à vous rattraper à une terre connue. Et c'est par instinct, que vous, et les autres gentlemen les plus réveillés, coupez à travers les champs de désolation, dans une direction commune.
Au hasard des embranchements, les gentlemen se dispersent. Après être entré dans les ruines d'une ville, votre instinct s'arrête pile devant une maison. L'étrange homme à la chemise blanche et le plus petits, vous ont suivi, tout comme les petits canards suivent leur mère aveuglément à la naissance.
Mue par une sorte d'instinct maternel, vous vous agenouillez. L'horrible vérité vous frappe dans toute sa violence : les fleurs, dans lesquelles vous aviez placé tant d'amour à cultiver chaque jour, ne sont plus que charbon.
Les deux autres derrière vous, passent, ignorant votre malheur, et entrent dans cette maison de ruines.
Vous passez vous aussi dans l'antre et apercevez ces deux étrangers. Le petit s'est assis sur le cadavre du canapé, quand à celui avec la tête à angle improbable, il tente de réparer une télévision ayant survécu par miracle.
Vous ne comprenez toujours pas se qui s'est passé, mais une chose est sûre : il vous faut des armes. Les deux étrangers dans la maison vous font peur, surtout qu'ils semblent alliés.
Vite, vous courrez vers une pièce dans laquelle 7 ans de malheur vous attendent. Vous saisissez vos armes, qui par miracle, sont restés intactes: votre trousse de beauté.
Devant le miroir, vous commencez à aiguiser votre beauté – arme fatale de toutes femmes. Vos cheveux dissidents et bien trop longs déposent les armes. Et c'est la vue dégagée, que vous vous lavez le visage avec un peu d'eau. Mais en relevant la tête, un monstre se tient devant vous.
Une peau plus fripée qu'une momie égyptienne, d'une blancheur extrêmes, sous laquelle des veine vertes luminescentes transparaissent, tout en pulsant avec lenteur.
Votre sens de l'esthétisme ne peut en supporter plus : d'un poing, le miroir se brise en morceaux, vous soulageant ainsi de votre hideuse apparence.
Cette vision en tête, vous cherchez desespérément dans d'anciens jouets, un peu de pâte à modeler. La voilà, vous agrippez votre salut, et commencez à en appliquer frénétiquement sur votre visage, pour combler les profondes irrégularités de votre peau.
Quand le toucher vous parait enfin aussi lisse que votre ancienne peau de bébé, vous reprenez un morceau de miroir tombé et contemplez le résultat. Votre charme semble un peu revenu, mais cette pâte blanche vous donne une allure post-mortem.
De diverses cosmétiques, poudres et lotions en tout genre, vous redonnez peu à peu vie à votre visage.
Dans le salon, vous entendez un grésillement ; les deux inconnus, à force de coup et d'insultes, ont finalement réussi à réparer la télévision.
Vous gardez le fragment pointu de miroir, et allez contempler leur travail. Sur un fond de neige grésillante, une retransimission passe et repasse inlassablement:
Francais, Francaise, c'est votre président qui vous parle:
Je vous prie de ne pas céder à la panique, et d'écouter mes mots jusqu'à la fin.
C'est le cœur serré, que je vous annonce aujourd'hui, que contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, avoir usé de la force atomique, en réponse préventive à une défaite certaine.
Cet ennemi, lui aussi fort de la puissance de l'atome, risque de riposter. Mais ne cédez pas à la panique car, dans l'éventualité improbable où une bombe tomberait à proximité de notre belle nation, nos chercheurs assurent que les radiations ne franchiraient pas nos belles frontières tricolores.
Nous vous invitons tous de même à calfeutrer vos maisons et à ne pas laisser vos enfants dans les bacs à sable. Certains de nos chercheurs pensent aussi qu'une enveloppe thermique —comme celle dans les frigos— pourrait stopper les quelques radiations résiduelles.
Après avoir regardé 3 fois cette retransmission, les 2 inconnus vous regardent. Ils fixent votre nouveau visage d'un air confus. Leur expression est tantôt amusée, tantôt effrayée.
C'est alors, que tête-pas-droite ouvre la bouche, pour la première fois depuis notre réveil:
— Ces lueurs à nos poignées ne sont pas normales, les montres ont du couler, et cette étrange substance semble être passée dans notre sang... Fascinant... Inquiétant, mais fascinant... Il faut vite que j'étudie ça, venez avec moi, j'ai le vague souvenir que mon laboratoire se trouve par là-bas.
Vous le suivez – vous n'avez rien à y perdre, mais vous pourriez y gagner des réponses sur votre passé. En sortant de la maison, vous vous apercevez qu'il pleut des cordes.
Comme une bassine d'eau glaciale, vous prenez la vérité en pleine face : vous n'avez plus aucun habits dignes de ce noms. Seul vos chaussures, et vos sous-vêtements ont résisté au temps atomique, et votre masque, celui que vous avez tant peiné à modeler et à cosmétiser fond doucement, emmenant avec lui votre beauté retrouvée, ainsi que quelque larmes amères.
Ce sont tête-pas-droite et le petit qui réussissent à vous extirper de votre chagrin, car en démêlant leur tête de leur épaisse chevelure, vous comprenez que les éternels canons de beauté n'existe plus en ce bas monde.
Après quelque vingtaines de "par là-bas" et de "vague impression", vous vous retrouvez enfin face à un imposant bâtiment, où en grandes lettres de métal est écrit: Vault-tec® .
Tête-pas-droite essaye de forcer la porte. BING, BANG, PAF en furent ses outils rudimentaires, qui n'arrachèrent que AIE, OUILLE, OUCH à sa bouche qui répétait la douleur de ses poings maintenant bien émoussés.
Voyant son incompétence jusqu'à l'os, vous l’écartez de la porte ensanglantée de vert fluo. Vous sacrifiez le dernier bastion de votre beauté, en enlevant votre épingle à cheveux. Vous vous penchez délicatement sur la serrure et commencez à la triturer. Une demi-heure plus tard: CRAC, votre épingle —déjà trop tordue— casse.
C'est au tour du petit de montrer son incompétence. Bêtement, il s'approche, et stupidement tire la porte en arrière comme si elle allait vraiment s'ouvr—CRIIII: sur ses vieux gonds rouillés, porte pleurent votre sottise.
Vous passez la "porte du progrès et de l'avenir". Tête-bancale se dirige comme un poisson dans l'eau, jusqu'à la porte "Chef de projet ", porte qu'il défonce avec enthousiasme – n'ayant jamais pu la passer jusque là.
Dans ce bureau resté hermétique, trône au centre une enveloppe apposée du sceau de Vault-tec®, enterrée sous la poussière. Il la prend, la décachette et vous lit son contenu:
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Document Confidentiel Vault-tec®
Si vous avez moins de 18 ans, ou si vous n'êtes pas accrédité d'un badge de niveau 3 Vault-tec®, alors veuillez ne pas lire ce document et le reposer là où vous l'avez trouvé .
— merci de votre compréhension.
À l'attention du chef du projet Watch-Boy:
Il est crucial pour que cette expérience réussisse, que les sujets ne se doutent de rien. Dans l'éventualité où certaines montres déclencheraient leurs mécanismes avant l'heure cruciale, ne manquez pas d'inclure des petites lignes rassurantes dans la notice.
Les impulsions électriques mélangées au stress et la panique des minutes précédant la chute des bombes, devraient permettre de masquer les injections progressives du vaccin miracle.
Pour que le vaccin miracle soit optimal, veillez à respecter les doses exactes en radium, buffout, jet, psycho, etc,... Mais surtout, vous devez programmer une augmentation régulière de la dose pour que l'organisme puisse s'adapter à la radioactivité.
PS: N'oubliez pas de bien expliquer à vos employés qu'il y a vraiment quelque chose derrière la porte de l'abri 123. Il faut que les sujets aient un objectif pour détourner leur attention de l'expérience. Ainsi qu'un lieu où se regrouper pour que nous puissions étudier leur états respectif pendant la vaccination.
Note technique: La Watch-Boy® a été faite a partir du projet avorté de la Keep-Watching-Boy®, qui fut un échec car son vaccin miracle ne se montra pas assez efficace contre la peste rouge, et aussi car son nom était trop long et n'inspirait pas assez la confiance. Constatant de son inefficacité contre le communisme, nos équipes ont du la reconvertir et surtout la renommer.
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