Chapitre 4

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Dans les jours qui suivirent on parla peu, ou disons de moins en moins, de l'affaire. Le père Gauret avait bien dû s'en occuper car je ne pouvais même plus retrouver le nom du journaliste qui avait écrit le premier article sur l'agence écolo. Autour de moi on parlait d'un pigiste en panne d'inspiration pour le moment, rien de plus. C'était très frustrant.

Bientôt, toute l'excitation serait retombée comme un soufflet froid et on n'en parlerait plus. Mais moi, je ne voulais pas en rester là. J'avais vu la peur dans les yeux de ma mère, et plus encore que le sang sur la terrasse, ça me taraudait. Je voulais savoir.

J'entrepris donc de mener ma propre enquête. Une enquête! Rien que le mot me faisait frissonner et je me complaisais dans les spéculations et autres supputations. Qui avait tué Alain Bougre? Pourquoi? Mon propre père avait-il tiré sur lui? Avait-il refusé de lui porter secours? Un vivier de questions s'agitait en moi.

Tout semblait lié au père Biguey, un original qui vivait au fond des bois et qui s'engueulait toujours avec tout le monde. Il avait été obligé de construire sa baraque en dehors de notre commune parce qu'il ne voulait pas se conformer au style de la région et adopter le toit rougeâtre et les poutres apparentes. À la place il avait choisi des tuiles vertes, mais pétantes, du genre « bonjour la discrétion », si vous voyez ce que je veux dire, des baies vitrées sur quatre murs, et une charpente en aluminium étincelant. Le tout était assez laid, et tout à fait ridicule, mais il avait le mérite d'aller jusqu'au bout de ses opinions.

Il aurait peut-être pu se faire une place au village mais il s'était engueulé avec le maire-dentiste-chasseur-vigneron qui avait de « grandes idées » pour notre humble commune. Le tout tourna très vite au vinaigre et le Biguey alla se cacher dans la forêt où, disait-il, il était mieux qu'en notre compagnie. Je dois dire que je le comprenais, à l'époque, et encore plus aujourd'hui.

Toujours est-il que le Biguey avait acquis un beau morceau de terrain, plusieurs hectares de pins et de fougères, qui s'évasaient largement autour de sa vilaine chaumière. Dans ces bois, se trouvait aussi une très grande quantité de gibier de tout poil et plume.

Comme sa propriété longeait un champ de maïs, il avait la chance, en réalité un cadeau empoisonné, d'avoir une forte communauté de sangliers, dans ses proches environs. Or le sanglier, comme chacun sait, est un gibier très prisé, d'autant plus que c'en est un gros, sauvage et dangereux. Chasser le sanglier, pour les chasseurs de chez nous, c'est comme une injection de testostérone, et on sait à quel point les machos locaux y sont accros.

Cependant, et vous sentez sûrement déjà le drame se profiler, ce n'est pas une activité sans risques. Un jour où sa fillette de cinq ans jouait devant la maison, Biguey vit surgir près d'elle ce qu'il pensa alors être un chien énorme. Inquiet, il se rua dehors, au moment même où un chasseur peu scrupuleux abattait calmement un sanglier à quelques mètres de l'enfant.

Depuis, il est en guerre contre les chasseurs, le Biguey. Le Vieux dit que c'est parce qu'on lui a pas donné sa part de sanglier mais moi, en tant que gamine, j'aimerais pas me trouver à côté d'un sanglier mort ou vif, et d'un chasseur en action. Enfin c'est mon opinion.

C'est vrai qu'à l'époque il avait parlé de Bordeaux et d'agence je-ne-sais-quoi, mais c'était resté dans le vague. Il interdisait la chasse sur sa propriété mais la commune ne le soutenait pas. En effet, les lois concernant le droit de chasse sur une propriété privées sont ambiguës et font l'objet de beaucoup de polémiques. Mais Biguey est seul contre les chasseurs, qui, eux, sont armés, comme ils l'ont si bien démontré dimanche.

La maison de Biguey n'est pas très loin de la mienne mais elle est de l'autre côté de la Route Nationale et complètement enfouie dans les bois. Je pourrais y aller directement avec mon vélo, en empruntant des chemins de traverses mais je ne veux pas qu'on me voie arriver de loin.

J'opte donc pour le camouflage et la discrétion, la petite balade champêtre incognito, du genre je ramasse des champignons, ou des trucs pour le cours de biolo, enfin n'importe quoi. Je vais jusqu'à la gravière principale en vélo et je planque alors celui-ci sous les fougères.

J'ai quand même un peu la trouille de vadrouiller dans cette zone, surtout sur la route, en vélo, parce que les chasseurs se cachent entre les vignes et se lèvent d'un coup, pour tirer les grives qui passent au ras des ceps. J'ai toujours peur de me ramasser un plomb dans l'œil, ou pire, un coup de fusil mortel. Je passe donc, comme une fusée, arrivant hors d'haleine à la gravière.

C'est un immense trou jaune, une gorge profonde et béante. Elle semble toujours prête à avaler le lambeau de ciel qu'elle élargit chaque jour davantage entre les rangs de pins serrés, qui reculent devant sa constante croissance. C'est cette terre grasse et orange, formée de gravillons et autres caillasses qui donne sa couleur jaunâtre à la Garonne et son nom au vin du pays. C'est cette même terre qui se change en bouillasse jaune chiasse et graveleuse et qui suce les bottes en caoutchouc jusqu'aux chevilles, ou détruit irrémédiablement les chaussures des étourdis qui se risquent à l'affronter sans protection, une fois arrivé l'automne venteux et pluvieux.

C'est une terre à flaques poisseuses et vicieuses, de profondeur trompeuse, et qui tord bien des chevilles confiantes qui sont d'un coup aspirées par le sol mou s'ouvrant en dessous d'elles. C'est une terre sale et salissante, non pas noire et dure, mais plutôt molle jusqu'à la liquidité, et toujours cette couleur jaunâtre, presque ocre, qui la fait ressembler à de la diarrhée.

Enfant, il n'y a pas si longtemps, je jouais beaucoup ici. Je prenais mon vélo, comme aujourd'hui, et je descendais l'une des pentes raides, celle aplanie par le passage des camions et des pelleteuses, en me lançant à toute vitesse, sans toucher mes freins. En bas, je me sentais particulièrement petite et vulnérable, dangereusement seule, comme dans un mauvais film de fin du monde. Mon vieux vélo rouillé devenait alors, dans mon imagination, une fougueuse monture, un destrier redoutable et indomptable, approchable de moi seule, et la cavalcade commençait. Je gravissais péniblement les pentes praticables, et je redescendais à toute allure, le visage fouetté par le vent, le coeur battant la chamade.

Aujourd'hui cette même impression de danger, cette émotion intense, je la retrouve en cherchant la cachette pour mon vélo, juste au bord de la gravière. La maison de Biguey n'est pas loin d'ici et le chemin qui y mène le plus directement est la route qui longe la gravière et qui a été tracée, au fil des ans, par le passage des lourds camions et des voitures, creusant ainsi un profond sillon qui balafre la forêt et la coupe en deux. Mais je ne peux pas l'emprunter.

Si le Biguey me voit débarquer, comme ça, la bouche en coeur et les mains dans les poches, il va tout de suite savoir que je cherche l'endroit du drame. C'est pas très discret, et ça m'étonnerait que ça lui plaise.

Je prends donc des chemins détournés, que je connais plus ou moins bien mais que je n'hésite pas à parcourir, au risque de me perdre, ce qui ajoute encore à mon excitation. J'ai l'impression d'être l'un de ces personnages de polars, du genre belle-blonde-trop-curieuse-qui-fait-arrêter-les-méchants-à-la-fin-du-film. Je me dis que, peut-être, je vais découvrir des trucs absolument trouants et qui en boucheront un coin à tout le monde. Mais c'est autre chose que je découvre, bien malgré moi.

Arrivée à un croisement, je me repose un peu, me demandant quelle direction prendre. L'air frais de l'automne naissant me pique délicieusement le visage et je sens mes joues, surchauffées par l'effort de la marche, qui explosent doucement en une symphonie de rouge et de rose.

C'est alors que j’entends le chien. Quand ils pleurent, les chiens hululent leurs gémissements du fond de la gorge, et semblent s'étrangler de leurs propres sanglots. Le chien que j'entends pleurer semble terriblement souffrir. Ses cris étouffés fusent longuement les uns après les autres, enfilés comme des perles. En me rapprochant j’entends, très indistinctement, une voix d'homme, assez faible et comme ensommeillée. Et surtout, j’entends le sifflement sec et le claquement net des coups portés au chien.

Quand j'arrive enfin près d'eux, le couple obscène et grotesque de ce chasseur saoul qui bat son chien me prend à la gorge et je sens la nausée qui monte jusqu'à mes narines. Le chasseur, qui sent indubitablement la vinasse et dont la voix cotonneuse, et les paroles vaseuses, les mots prononcés à moitié, trahissent son degré d'ébriété, a un morceau de tuyau d'arrosage coupé, dans la main droite. De la main gauche, il serre le collier du chien, et, pour le maintenir fermement à terre, il a posé un genou sur sa tête, l'écrasant de tout son poids.

Le chien est un petit épagneul breton, un chien d'arrêt, en général doux et gentil, et en général fidèle car s'il rapporte presque toujours le gibier, difficile à trouver dans les broussailles et les fourrés, il ne le mord ni ne le mange jamais. Cet épagneul a-t-il faillit à sa tâche? A-t-il enfreint les règles strictes de la chasse et mordu dans la chair défendue?

Le chasseur le frappe durement et violement, avec le tuyau épais. À chaque coup, son corps, qui paraît minuscule à côté du chasseur massif et ventru, se convulse et se crispe. À chaque coup, un long sanglot de douleur et de peine traverse sa gorge et il semble enroué, presque aphone. Mais le chasseur n'arrête jamais ses coups, et son bras, emporté par l'élan, redouble de force.

Battu, le chien n'essaie même plus de se débattre et se contente de gémir et de frémir à chaque assaut. Son pelage est maintenant zébré de marques foncées qui ne sont pas du sang, mais la trace des sillons que le fouet a creusé dans les poils et la sueur qui a suinté par en dessous. Le sang se trouve ailleurs. Écrasé sous le poids du chasseur, la tête de l'animal semble prête à exploser. Sa langue pend lamentablement sur le côté et les commissures de sa gueule saignent abondamment. Le collier, enfoncé jusqu'aux oreilles, a pelé peu à peu le cuir, plus tendre à cet endroit, et la chair rouge et vive apparaît sous les écorchures. La truffe du chien ressemble à une fraise écrasée, sanglante, déchirée par endroit. Le petit corps n'est plus que souffrance et impuissance.

Je ne peux pas assister à ce spectacle sans rien faire et je m'approche, tremblante de colère:

- Ça va pas non? criée-je. Vous avez pas bientôt fini de martyriser cette pauvre bête?

Le chasseur s'arrête sans lâcher le chien et me fusille du regard.

- Qu'est-ce que tu fous-là, toi? lance-t-il plutôt qu'il ne demande. Mêle-toi de ton cul, petite connasse.

-Connard toi-même, sale péquenaud, j'ai l'audace de répliquer. Je vais te dénoncer à la SPA, tu vas voir ça.

Je m'avance un peu trop car je ne connais même pas le type, mais je ne peux pas m'en empêcher. Le chasseur lâche enfin le chien qui s'aplatit à terre, vaincu, et il marche vers moi en labourant la terre humide avec ses grosses bottes.

-Casse-toi avant que je m'énerve, ou tu vas t'en prendre une, menace-t-il.

-J'ai pas peur de vous, répondis-je. Et puis qu'est-ce que vous allez me faire, espèce de gros lard impuissant.

Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, peut-être parce que c'est l'insulte qui fait le plus mal à ces gens-là, ces machos minables et inexcusables qui croient que leurs fusils sont la représentation la plus parfaite de leurs bites. Toujours est-il que l'insulte a touché juste et le chasseur devient vraiment menaçant.

-Attend, tu vas voir, commence-t-il en se rapprochant.

Là, j'ai quand même un peu la trouille et je recule, prête à décamper, sachant que le chasseur ne pourra pas me rattraper. Mais je n'ai pas besoin de le faire.

Il est apparu comme par magie, comme un animal sauvage, comme ça, sans qu'on s'y attende. Il n'est pas exactement habillé comme les chasseurs, bien qu'il porte lui aussi des vêtements de camouflage, aux taches brunes sur fond vert sombre, tirant sur le kaki. Sa veste est plus ample cependant que celle des chasseurs traditionnels, et elle est plus longue. Pourtant elle ne l'entrave ni ne le gêne, le protège, au contraire, des ronces les plus coriaces. Son pantalon aussi est plus épais et possède plus de poches, qui courent le long de ses jambes. Un jour il me l'expliquera, c'est pour pouvoir entreposer le plus de gibier possible et le plus de collets, qu'il est ainsi harnaché.

Il est demi-gitan, à ce qu'on dit, et c'est vrai que ses cheveux noirs et épais, sa peau mate, sa grosse moustache, lui donnent l'air d'un manouche. Mais il est sédentaire, vivant dans une roulotte, immobilisée depuis des années, sur un minuscule lopin de terre, qui lui appartient de plein droit. Il a une femme et des enfants, qui ne sont pas gitans mais qui sont néanmoins comme lui, des marginaux. Il vit de mécanique, de petits boulots, et surtout de la forêt et de ses ressources, pour lui essentielles. Les chasseurs le respectent pour son savoir sans pareil et son habileté. Il ne chasse jamais avec eux mais il lui arrive de les conseiller, souvent. Parfois même, les chasseurs l'engagent pour débusquer et rabattre un gibier particulièrement difficile à traquer.

Mais c'est surtout le don qu'il a de trouver, et de soulever sans bruit, de leur sommeil diurne, les précieuses et rares bécasses, qui ne se laissent tuer qu'à travers lui, qui lui assure une autorité certaine et sans conteste parmi eux.

Je ne connais pas son nom, mais je sais qui il est.

C'est le Braconnier.

Il a surgit derrière le chasseur qui, surprit, a levé un bras en signe de défense. Le Braconnier l'a attrapé au vol et a serré son poing puissant autour, et il a simplement dit:

-La petite a raison. Ne bas plus ton chien.

Le chasseur n'a pas bredouillé de menaces, ni même d'excuses. Il a juste baissé les yeux et le Braconnier l'a lâché. Il s'est hâté de faire monter son chien dans sa voiture, qui se trouvait à quelques mètres, le coffre béant. Il a démarré vite et il est parti.

Le Braconnier m'a regardé un moment, un long moment me semble-t-il, mais je peux me tromper et je projette sûrement beaucoup de mes fantasmes, de mes attentes, dans ce croisement de regards. Qu'importe, il m'a regardée, c'est ce qui compte, et il a juste dit:

-Rentre chez toi. C'est dangereux de traîner par ici.

Et il est reparti dans la forêt, comme avalé par elle mais dans un consentement mutuel. Je suis restée bête pendant quelques minutes et, sentant le soir tomber, je me suis dépêchée de rentrer chez moi.

Bien sûr, je n'ai pas arrêté de penser au Braconnier, depuis. On me trouvera un peu naïve ici, voire cucul-la-praline, mais le Braconnier représentait pour moi, à l'époque, l'amant que je cherchais depuis longtemps, le cavalier noir, le garde-chasse ténébreux qui me ravirait à la monotonie moche de mon existence.

Un jour, en cours d'anglais, j'avais vu un film sublime qui s'appelait The Go Between, et qui racontait les souvenirs d'un petit garçon de classe moyenne invité, un été, chez des rupins anglais. S'en suivait une étonnante complicité entre le garçon et la belle du château, qui l'utilisait pour porter des messages à son amant, le beau et sombre garde-chasse. Dans le film, il y avait une scène de sexe qui me faisait, depuis, beaucoup fantasmer, et où le couple illégitime s'envoyait en l'air, dans la paille de l'étable.

C'est dans cette position, à la fois compromettante et confortable, que je m'imaginais, avec le Braconnier. Non pas qu'il ressemblât au garde-chasse du film, mais pour moi, qui m'ennuyait, et qui était sensible au moindre changement de saison, c'était mieux que rien.

Dans les jours qui suivirent, je reprenais mes expéditions qui avaient désormais deux buts: trouver les lieux du « crime », et rencontrer « accidentellement » le Braconnier. Inutile de relater ici le degré d'excitation qui m'animait alors.

À la maison, les vieux faisaient toujours la gueule, ce qui voulait dire que les choses ne s’arrangeaient pas. Le père Gauret venait souvent près du grillage pour causer avec le Vieux, qui s'en revenait toujours tout chamboulé.

J'en déduisais que le Biguey ne cédait pas et qu'il n'allait pas retirer sa plainte, ce qui voulait dire que les chasseurs risquaient d'être arrêtés pour violation de propriété privée, et que donc la mort de l'écolo ne relèverait plus de l'accident de chasse mais, au moins, de l'homicide involontaire.

J'étais parvenue à m'insinuer du côté de chez Biguey, mais sans vraiment pouvoir déterminer l'endroit exact de l’« accident ». J'avais cru qu'il y aurait des barrières et des rubans jaunes autour d'une silhouette dessinée à la craie sur le sol, comme dans les films américains, mais que nenni. La propriété de Biguey n'avait pas bougé d'un poil.

J'avais quand même réussit à trouver une planque derrière un très gros bouquet de fougères, qui me permettait d'observer la maison sans être vue. Un soir je vis une voiture arriver. Avec effroi je vis en sortir les chasseurs, le père Gauret en tête, et, bien entendu, le Vieux. Il avait sa gueule des mauvais jours, les poings dans les poches, prêt à dégainer. Les mâles de la famille sont tous des violents et quand ils se mettent en colère, rien ne peut les arrêter.

Et j'ai peur de voir le Biguey se faire buter. La violence en vrai, c'est pas du tout comme au cinéma, où je peux voir des cervelles gicler en suçotant un esquimau. La vérité, c’est différent. Ça vous prend au corps.

Le Biguey qui a eu l'imprudence de sortir semble lui aussi avoir peur et il parle très fort et très vite. Le Vieux lui tourne autour pendant que les autres lui parlent, un peu moins fort, mais en faisant de grands gestes. Tout d'un coup, le Vieux est derrière lui et l'attrape par le col. Biguey se débat et le Vieux le jette sur le capot de la voiture, en lui tordant un bras dans le dos.

Sur ce, la mère Biguey sort en robe de chambre et crie qu'elle va appeler les flics, du moins je crois car si je vois très bien ce qui se passe, je n’entends pas très distinctement. Le Vieux commence à secouer la carcasse du malheureux Biguey contre la bagnole qui tangue sous leurs poids conjugués.

Mais, tel Zorro en moins beau, le père Gauret intervient. Sur un signe de lui, un des chasseurs maîtrise la mère Biguey, devenu hystérique et qui hulule comme une chouette. Il empoigne le Vieux par les épaules, en lui criant quelque chose que je ne comprends pas, mais qui a de l'effet car le Vieux se recule d'un coup et lâche sa proie. L'hallali n'est pas loin mais elle ne sera pas sanglante.

Biguey se retourne en protégeant son visage et je vois, clairement et sans aucun doute, le père Gauret, qui lui tend une main pleine. Le noir, qui est maintenant complet, m'empêche d'en voir plus, mais je distingue encore, aux lueurs faibles et douces du foyer des Biguey, la main tremblante qui reçoit l'aumône, hésite encore un peu, et va se fourrer dans la poche de Biguey. Le père Gauret franchit alors le seuil de la maison et, d'autorité, invite les chasseurs à le suivre. Biguey est le dernier à pénétrer dans sa propre demeure.

Je me rends compte alors qu'il faut faire vite, rentrer avant le Vieux, avant qu'on ne s'aperçoive que la nuit est tombée et que la musique ne gueule pas, dans ma chambre. J'ai pédalé comme une folle, en danseuse dans les côtes, en fusée dans les descentes, et je suis arrivée, rougeoyante et fumante, dans la chaleur douillette de ma maison à moi. Le Vieux franchit la porte dix minutes après, en gueulant qu'il avait faim.

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