Sommeil agité
Chapitre 7
— Réa ! Pourriez-vous enregistrer un maximum de ces émissions électromagnétiques de cette planète. Lhiréa se chargera de les décrypter. Peut-être arriverons-nous à déchiffrer leur langage, à comprendre, si nous le pouvons, le fonctionnement de ces êtres qui dévorent leur planète.
— Mon fils, Réan, et nos équipes se chargeront de cette mission. Nous avons repéré lors du survol de la planète des régions avec de gros émetteurs de ces signaux.
— En orbite, il y a également quelques satellites artificiels. Ils dirigent d’importantes émissions en direction du sol.
— M’autorisez-vous à vous abandonner pour ce travail, Réa ?
— C’est vous qui commandez, Lhiréou !
Réa est toujours aussi toujours étonné qu’une Gardienne de la Vie lui demande son autorisation.
— Cette expédition, avec toutes ces visions catastrophiques tellement inattendues, m’a complètement vidée de mon énergie vitale, j’ai besoin de repos.
— Réan vous accompagnera sur la face cachée de cette lune, vous profiterez de la cabine préparée pour vous, par notre équipage.
— Merci, Réa. Depuis notre départ de Leaurélia, vous trouvez mes remerciements incongrus, venant d’une Gardienne de la Vie, mais sans vous je ne serai pas sur cette planète.
En repartant pour la Lune, Lhiréou admire à nouveau ce joyau nappé d’une lumière blanche. Vu de l’espace rien ne laisse encore deviner les catastrophes qui se déroulent sous les nuages. Arrivée au vaisseau, Lhiréou est soulagée de pouvoir se reposer dans la splendide cabine aménagée pour elle. Face à son lit flottant, le mur écran ouvre sur le ciel lunaire. À l’horizon, elle admire le spectacle du coucher de celle que les Leauréliens nomment encore "Sœur de Leaurélia". Bien que très éprouvée par cette première journée d’expédition, Lhiréou peine à trouver un sommeil réparateur.
Un rêve récurrent et cauchemardesque l’obsède en revenant sans cesse. Leaurélia est confrontée au premier incendie de son histoire et les Gardiennes de la Vie n’ont aucun moyen de l’enrayer. Lhiréa la tire de ce sommeil plus qu’agité. Elle vient de percevoir les angoisses qui rongent sa sœur. Le bonjour, familier de Lhiréa retentit au niveau de l’interface bionique.
— Merci de me réveiller, Lhiréa. Cette journée a réussi à me perturber jusque dans mon sommeil, avec ces cauchemars infinis.
J’en suis certainement responsable. J’attendais trop de cette planète, elle ressemble tellement à Leaurélia !
Réan, vient de l’appeler via l’interface bionique :
— Je vous attends pour déjeuner.
— Mon père, Réa, m’a communiqué des enregistrements. Il veut absolument que vous les écoutiez.
— Réa a-t-il déjà déchiffré des signaux électromagnétiques ?
— Il doit les transmettre à Lhiréa pour que les calculateurs sur Leaurélia puissent commencer le travail.
— Il ne s’agit pas d'ondes électromagnétiques, Lhiréou. Mon père en survolant les océans à la recherche d'émissions, a eu la curiosité de plonger, avec sa navette, sous le niveau de la mer. En fait nous n’avions vu que la surface tourmentée de ce globe en le survolant.
— Regardez sur le mur écran ce que Réa nous a fait parvenir.
Réa, en plongeant fut stupéfait de trouver une faune et de la végétation qui lui rappelait complètement Leaurélia. À croire que la vie, confrontée au même milieu, développe des stratégies presque identiques. Il y retrouva des bancs de poissons, des algues accrochées au rocher, des crabes, des araignées de mer. Toute une faune extraordinaire vit, là, à quelques mètres sous le niveau des océans.
La navette n’était pas équipée d’appareils acoustiques, mais les lasers dont elle disposait, lui permettaient de mesurer assez finement la composition de l’eau et les différences de pression.
C’est ainsi qu’il détecta une étrange mélopée qui ne lui était pas étrangère. Elle l’intriguait. Celle-ci lui rappelait les chants du peuple des amphibiens utilisés pour rassembler les poissons sur Leaurélia.
Et puis soudain, à l’approche d’un immense banc de poissons, étincelant sous le soleil qui s’infiltrait dans les profondeurs, il les vit.
Il en était sûr. C’était bien ces créatures qui produisaient ce chant, de grands corps fins musclés, avec une nageoire dorsale deux latérales un peu comme des ailes courtes et une formidable nageoire double qui terminait leur corps.
Ils donnaient l’impression d’avoir un sourire permanent.
Ils s’amusaient en criant au milieu du banc, à cet instant, Réa les aperçut se diriger vers la surface, bondir en dehors de l’eau et retomber dans des gerbes bouillonnantes. Le plus extraordinaire c’était leur peau souple, elle glissait dans l’eau sans faire de remous. Elle était en tout point similaire à celle des Leauréliens.
Réa était subjugué par leur apparence et par leurs chants, dont la mélodie ne lui était pas étrangère. Il faut absolument que notre Gardienne de la Vie rencontre ces êtres fantastiques, cela va la réconcilier avec cette planète, se dit-il.
À la suite de ce récit et à l’écoute des sons enregistrés par Réa, Lhiréou est plus qu’intriguée par cette planète qui semble receler deux mondes.
— Réan, préviens ton père, je veux voir l’intérieur des océans et rencontrer la vie qui y prospère.
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