Étranges conversations, entre Lhiréou, la Leaurélienne, et Iliéna, l'Ukrainienne ! Chap 38
Les mains jointes, Lhiréou et Iliéna sont redressées par les pétales de leurs fauteuils.
Lhiréou, la Leaurélienne et Iliéna Terrienne n'auraient jamais dû se croiser. L'impossible rencontre s'était produite.
Iliéna, pour la première fois depuis la sortie de son coma, découvre Lhiréou, rayonnante dans un maintien de reine, même si, elle le sait, ce n'est qu'une image de terrienne. Elle comprend que Lhiréou, tout entière dans l'instant, est totalement imprégnée par sa mission de Gardienne de la Vie.
Iliéna, impressionnée, se sent minuscule devant cette véritable Reine dont l’existence est entièrement consacrée à la sauvegarde de la Vie, non seulement celle de son peuple mais aussi celle de toute une planète.
Lhiréou et Lhiréa sa sœur, sont, aux yeux d'Iliéna, de vraies déesses tel que les mythes anciens de l’humanité les décrivaient.
Transformer toute une planète en vaisseau spatial pour l'arracher à une mort promise dans un trou noir au fond du cosmos, pour Iliéna, c’est un prodige que seules des déesses sont capables d’accomplir.
— Je vois, après le partage de nos pensées et nos rêves, cette nuit, ce que tu appelles déesse, Iliéna. Notre science peut te faire penser à cette image, mais sache que s’il existe une déesse c'est celle qui a donné la vie. Sans elle nous n'aurions jamais vu le jour. Leaurélia est notre déesse, nous lui devons ce respect infini d'avoir donné la vie, de nous avoir donné vie.
La chaleur et la conviction des mots, prononcés par Lhiréou, résonnent, dans la tête d'Iliéna, avec la force d'une prière.
— Tu m'as beaucoup appris cette nuit, Lhiréou, presque bien plus sur ma planète, la Terre, que sur la tienne, Leaurélia. Je vois bien que l'humanité est très éloignée de votre sagesse, nous avons, en fait, toujours eu peur des colères de la Terre, la tempête, les tremblements de terre, le feu. Mais maintenant, tu estimes que nous la dévorons, nous la brûlons, nous la mutilons comme si nous voulions nous venger des peurs subies par nos ancêtres.
— C'est exact Iliéna, mais lorsque les premiers hommes avaient peur des colères de la terre qui pouvaient les engloutir, ils avaient aussi développé un grand respect pour tout ce qui fait la vie, du feu de la terre, à l'eau, ainsi que le règne animal. C'est ce que votre histoire m'a appris. Certes, ils ne comprenaient pas que leurs sacrifices, perpétués pour s'attirer la bonne fortune de la terre, ne changeraient rien à leur sort. Au moins, ils la respectaient, car ils sentaient, au fond d'eux même, que c'était important dans l'équilibre du monde.
— Lhiréou, tu sais aussi que je ne me suis jamais posé beaucoup de questions à propos de mon existence sur terre !
Ma mère m'a bien appris qu'il fallait respecter la Vierge Marie, la mère de Jésus, mais Je n’ai pas eu le loisir d'en savoir bien plus, à vrai dire. Quand elle a disparu, et j'espère qu'elle les a rejoints au Paradis, il fallait bien que je survive. À traîner dans les rues j'ai vite compris que vendre mes charmes me rapporterait plus que travailler à l'usine.
— Tu l’as saisi, Iliéna, vendre, rapporter, argent, je ne comprenais pas ce que voulaient dire ces mots quand nos esprits s'échangeaient cette nuit. J’en ai conclu que "l’Argent" est la principale source des problèmes que vous rencontrez dans vos sociétés. Dans votre histoire, vous avez créé cet outil d’échange pour faciliter la circulation de ce que chacun produisait ou avait à proposer. Je ne comprends pas pourquoi, ces derniers siècles, vous avez fait, de ce que vous nommez "l'Argent", en référence à un minerai de la Terre, la seule et unique richesse qui importe à vos yeux. Le produit de vos échanges, aujourd'hui, ne signifie plus rien.
Seul compte "l'Argent" que vous pouvez posséder et accumuler. Sans lui, vous ne pouvez plus rien faire, manger, dormir, voyager, apprendre, fonder une famille.
— Oui Lhiréou, je perçois ce que tu veux dire, même pour boire de l'eau propre ou pour nous soigner, nous avons besoin "d'Argent". Si nous n'en avons pas, nous devons mendier ou mourir ! Pour en avoir un peu, je suis entrée dans une spirale infernale, elle m'a transformée en esclave pour le bon plaisir d'hommes, souvent sadiques, qui ne pensent qu'à leur plaisir.
Lhiréou tu m'as ouvert les yeux ! Cette histoire "d'Argent" a complètement perverti les hommes.
— Iliéna, le plus grand danger sur ta planète, c'est le culte que tous les hommes rendent à cet “Argent”. Il vous éloigne et vous coupe complètement des racines de la Terre, mère de toutes les vies sur votre globe. Quelques hommes et femmes, parmi vous, commencent à comprendre. Tout ce qui vit sur terre se tient. Chaque vie, des fourmis de vos forêts tropicales, aux baleines des mers australes, peut disparaître, si une d’entre elles est rayée de la surface du globe. Votre Terre a donné vie à la moindre petite espèce pour jouer sa partition dans le grand concert du vivant,.
— Lhiréou, tu me le fais comprendre, la Terre court un grand danger, mais je ne suis pas aussi intelligente que toi !
— Ne crois pas, Iliéna, qu'il s'agisse seulement d'intelligence ou de raisonnement, il suffit souvent de regarder et d'être à l'écoute. Par exemple, je n'aurai pas compris le rôle joué par les glaces sur ta planète Terre, si nous n'avions pas rencontré Julien, le glaciologue, à Cancún.
— Ah oui ! Julien, je l'avais oublié celui-là ! Il a quand même essayé de me violer sur la plage.
— Mais non Iliéna ! Souviens-toi, de nos échanges. Rassure-toi, Iliéna, Julien est le plus prévenant des hommes. C'est moi, qui l'ai incité à ce rapport physique intense avec toi, pour récolter le matériel génétique nécessaire au projet de transformation de l'humanité.
— Lhiréou, je suis émerveillée par ton désir de sauver l'humanité d'une destruction dont tu es certaine. Mais que puis-je faire, moi, Iliéna, petite ukrainienne, perdue dans les eaux du Mexique, pour t'aider à sauver notre monde.
— Tout, car Julien et toi possédez, toute la programmation génétique pour créer la vie. Est inscrit dans vos gènes, toute l'évolution du vivant depuis la sortie de la vie des océans de la Terre.
— Lhiréou, tu cites souvent de ce Julien, mais, finalement il n'y a que toi, ma déesse Leaurélienne, qui en a "profité". Je suis curieuse de savoir ce qu'il a de différent des autres hommes ! Tu sais désormais que j'en ai une certaine expérience, avant que tu ne me sauves la vie.
— OK Iliéna ! Tu vois, je commence à comprendre ton langage ! J'espère que la coque de survie aura terminé de le remettre sur pied, car Julien souffrait de fractures cervicales suite à ton "réveil assez brutal". Tu as quand même projeté ce pauvre garçon dans les airs !
Lhiréou et Iliéna s'approchent de la coque de survie. Elle trône face au mur écran du vaisseau. La faune et flore marine multicolores viennent s’y refléter. Iliéna s'extasie sur la forme de la coque. Elle lui rappelle un immense coquillage nacré terrestre.
Julien repose, les traits apaisés, dans un liquide d'où émane une douce lumière bleutée
— Lhiréou , au travers de tes souvenirs je me souviens de son visage buriné et de son regard vif, bleu glacier. Je commence à comprendre qu'il produisait sur moi des effets étranges que tu ne saisissais pas bien, comme Leaurélienne complètement étrangère à nos sentiments humains. Là, en plus de le voir ainsi, entièrement nu, pas de doute, Lhiréou, c'est un beau mâle. Tu aurais plus mal tomber !
— Que veux-tu dire par "tomber" Iliéna ?
— Lhiréou, difficile de t'expliquer nos pulsions terriennes d'attraction ou de répulsion !
— Oui, tu as raison, cela n'existe pas sur Leaurélia, enfin peut-être un peu, mais pas dans les termes que tu emploies.
— Lhiréou, écoute, la coque vibre.
— Alors c'est que tout va bien, Lhiréa vient, une nouvelle fois, d' accomplir un miracle, comme vous diriez sur Terre. La coque va réveiller Julien, il est complètement guéri. Elle va le redresser pour qu'il effectue quelques pas en douceur.
— Lhiréou, tu comptes le laisser sortir nu comme un ver, tu n'as rien pour l'habiller, un Jean, un T-shirt au minimum, de plus les hommes ont souvent des érections quand ils sortent de leur sommeil.
— Ne me dis pas, Iliéna, que tu y es insensible !
— Non, mais si nous commençons d'engager la conversation par là, j'ai bien peur que cela ne prenne beaucoup de temps ! Je n’ai pas envie de retomber dans le même schéma avec tous les hommes. J’ai changé depuis cette nuit, Lhiréou, tu sais… ! J’aimerais bien faire sa connaissance un peu avant, quand même. ! Tu en sais plus sur lui que moi. C’est un comble, non !
— LhiréouB a récupéré ses vêtements, je te charge de les lui remettre. J'aimerais que tu lui expliques un peu la situation en tête à tête. Je vais me retirer c'est plus sage, car mon apparence risque de le traumatiser.
— Sympa ! Qu'est ce que je vais lui dire ? Je suis déjà passablement perdue dans l'histoire. Je suis jetée à l’eau d'un hélicoptère pour me retrouver ensuite dans un vaisseau spatial, le tout en une demi-journée, enfin pour moi, parce que tes aventures avec ce beau jeune homme je ne les ai pas vécues, j'étais dans le coma, je te rappelle, Lhiréou !
— Ne t'affole pas Iliéna, souviens-toi que nous communiquons en permanence, avec nos interfaces bioniques. Je serai donc là, avec toi, dans ta tête, mais tu n'es pas obligé de tout lui dire d'entrée de jeu, je ne pense pas qu'il soit en mesure de comprendre.
— Alors là, je te rejoins ! Déjà que j'ai du mal !
— À toi maintenant, Iliéna. La coque de survie s'est complètement redressée, elle va s'ouvrir pour laisser sortir Julien. Je te laisse le soin de l’accueillir !
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