— Entrez, dit-elle en se détournant du portrait et en séchant vivement ses larmes.

   La porte s’ouvrit, laissant place à un solide jeune homme brun, qui devait avoir le même âge que Lorenna. Grand et imposant, il portait une armure avec l’emblème du royaume gravé sur le poitrail, une imposante tête d’ours. Il s’agissait de Ser Percival.

— Ma Dame, je…

— Par pitié Mark, le coupa Lorenna l’air mécontente, oublie ces formalités, tu sais pertinemment que tu peux m’appeler par mon prénom.

— Et je m’en excuse puisque ce n’est pas la première fois que vous me le rappelez, répondit celui-ci avec un sourire en coin. Mais comme je vous l’ai très justement rappelé les fois précédentes, nous ne savons jamais qui nous écoute dans ces couloirs. Les gens pourraient commencer à se poser des questions.

   Lorenna eut un petit rire de dédain.

— Je me moque bien de ce que peuvent penser les gens de moi et tu le sais mieux que personne. Enfin, peu importe, ajouta-t-elle en balayant le sujet de la main. Que puis-je pour toi ?

   Ser Percival entra dans la pièce en se grattant le front, quelque peu embarrassé.

— Pour dire vrai, vous ne pouvez rien pour moi. C’est moi qui suis là pour vous.

— Tu es un ange Mark, répondit Lorenna avec un sourire provocateur, mais est-ce vraiment le moment de me faire ta déclaration ?

   Ser Percival regarda vivement derrière lui afin de voir si quelqu’un dans le couloir avait pu entendre cet échange puis répondit en chuchotant, les sourcils froncés et en s’approchant encore :

— Vous ne pouvez plaisanter sur un tel sujet, si quelqu’un nous entendait je risquerais ma place !

— Tiens donc, répliqua Lorenna en haussant les sourcils, et qui donc t’expulserait de la garde ? Je te rappelle que d’ici la fin de la journée je serai la reine de ce royaume.

— Certes, mais pour l’heure ce n’est pas encore le cas Lorenna. Et j’aimerais autant qu’on ne se pose pas de questions tant que tu ne seras pas monté sur le trône.

   Elle eut un sourire, s’approcha de Ser Percival puis lui tapota le torse.

— Je ne te pensais pas si peureux. Je ne sais pas si je dois te garder auprès de moi finalement. Suis-je vraiment en sécurité ?

— Le prêtre Obson m’envoie t’escorter, annonça-t-il préférant ignorer son sarcasme et passer aux choses sérieuses. Il est l’heure.

   Le visage de celle-ci se transforma instantanément, laissant place à un masque de glace et elle se hâta de terminer sa natte. Elle jeta un rapide coup d’œil à sa coiffure par l’intermédiaire du miroir posé sur la table puis plongea son regard dans celui de Ser Percival.

— Peux-tu m’assurer que personne n’est au courant pour mon père ?

   Ser Percival plaça son poing sur son cœur, reprenant son rôle, avant de répondre :

— Je peux vous certifier que seuls le prêtre Obson, Lord Chamberlan et moi-même savons et cela en restera ainsi sauf ordre contraire de votre part.

   Lorenna hocha la tête, silencieuse. Les décisions qu’elle avait dû prendre dernièrement étaient lourdes de conséquences, mais elle ne les regrettait pas, bien au contraire. Pour le bien du royaume, quelqu’un se devait d’agir. Chaque année se faisait de plus en plus difficile et il était temps de changer les choses.

   Elle se leva, faisant quelques pas dans la pièce, les yeux rivés sur le sol.

— Je ne souhaite pas être comme mon père. Je veux être honnête avec le peuple. Je leur parlerais sans détours, répondit-elle finalement les yeux toujours dans le vague.

   Elle redressa la tête et afficha un sourire mauvais.

— Pour l’heure, allons rendre un dernier hommage à mon très cher père.

Elle tourna sur elle-même, sa longue natte suivant avec un peu de retard.

— Comment me trouves-tu ? demanda-t-elle avec malice.

De nombreux mots vinrent à l’esprit de Ser Percival, mais il doutait qu’ils soient convenables à utiliser face à la future reine du royaume.

Lorena portait une sublime robe hybride rouge mêlant tissu délicat et cuir. Le bas de celle-ci était élégant et très travaillé, à l’image d’une tenue de cérémonie. Mais à partir de la taille, un cuir couleur sang prenait place en suivant parfaitement les courbes de Lorenna, comme s’il s’agissait d’une seconde peau. Des épaulières en acier noir avec des gravures de l’emblème du royaume étaient également présentes. Bien que sublime dans cette tenue, la robe lui donnait l’air d’une guerrière.

— Vous avez l’air d’une reine, répondit finalement Ser Percival en inclinant la tête.

Lorenna eut un sourire satisfait et plaça sur ses épaules une épaisse fourrure de loup gris.

— Je suis ravie qu’elle te plaise, mes servantes ont travaillé sur cette robe nuit et jour depuis la mort de mon père. En ce jour, il est très important de faire grande impression.

Elle s’avança en direction de la porte et lança avec sarcasme :

— Allons-y, nous ne voudrions pas rater les funérailles du roi.